Le point commun des dystopies ? Nous décrire un avenir noir, à l’exact opposé d’un monde utopique*. En dix ans, ils ont colonisé les rayonnages de la littérature et conquis le petit et le grand écran. Une décennie au cours de laquelle la survie en temps de catastrophes (nucléaire, bactériologique, climatique) ou de post-apocalypse s’est imposée dans la culture populaire. Les dystopies nous permettent d’imaginer le futur. La technologie s’est partout imposée, et c’est ce qui mène le monde à sa perte. Les jeunes d’aujourd’hui grandissent dans un monde très angoissant quant à leur avenir, à base de chômage, de stages à vie, de terrorisme, un monde dans lequel trouver un boulot, se trouver soi est plus difficile que pour les générations précédentes. La dystopie dépeint un monde sombre et difficile dans lequel un héros va se battre pour s’en sortir. C’est une métaphore du quotidien des jeunes adultes. Et la planète, avec ses dérèglements climatiques et la raréfaction des ressources, ne tourne plus très rond. Pour alarmistes qu’ils soient, les scénarios littéraires des Cassandre paraissent désormais crédibles. Trois personnes sur quatre courront le risque de mourir d’hyperthermie d’ici à la fin du XXIe siècle si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent au rythme actuel. Selon les calculs du « jour du dépassement« , nous avions consommé le 2 août, l’ensemble des ressources que la planète peut renouveler en une année. D’autres menaces guettent, relayées par les chaînes d’information en continu et les réseaux sociaux. A l’écran, elles sont rendues plus réalistes par les progrès des effets spéciaux : catastrophe nucléaire, inégalités croissantes dans le partage mondial des richesses, traçage des individus, montée des extrémismes, attentats, surpopulation, pandémies, risques sanitaires, transhumanisme, robotisation… Ces dérèglements constituent de lents processus dont les histoires d’anticipation peuvent présenter les conséquences à long terme. Dans cette perspective, les écrivains se rapprochent des scientifiques. Les temps sont passionnants, mais hyper-anxiogènes. On cherche des réponses. Et la science-fiction, au sens large, en propose. Elle met en garde. Elle explique. Elle dénonce. Et force est de constater que, sur pas mal de sujets, elle ne s’est pas trompée !
Imaginez un monde où, face à la raréfaction des ressources et à la démographie galopante, l’on instaure une politique de l’enfant unique. Dans Seven Sisters, en salles depuis le 30 août, des septuplées sont cachées par leur grand-père sous peine d’être cryogénisées. La série brésilienne 3 % dépeint un futur où 3 % de la population mondiale vit dans l’opulence sur « Le Large », une île de l’Atlantique coupée d’un monde plongé dans la misère. Chaque année, tous les jeunes de 20 ans passent des tests pour intégrer l’île. Seuls 3 % réussiront. Jean-Marc Ligny, pour sa trilogie Aqua, a fondé ses dystopies sur les modélisations scientifiques faites par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Même chose pour Kim Stanley Robinson, chef de file aux Etats-Unis de la « Real science-fiction », dont 2312 vient d’être traduit chez Actes Sud.
Sur ce blog, nous donnons la parole a toux ceux qui font de la collapsologie. Les travaux de l’institut Momentum sont une bonne introduction à la catastrophe prévue. Mais la meilleure approche probabiliste de l’effondrement de notre civilisation thermo-industrielle reste le rapport au club de Rome de 1972 sur Les limites de la croissance…
* LE MONDE du 10-11 octobre 2017, Séries, films, romans… pourquoi joue-t-on à se faire peur ?