Journées d’été des Écologistes, 22 au 24 août 2024
Je suis membre des JNE, Journalistes-écrivains pour la nature et l’écologie. J’étais donc invité à ce titre à couvrir les Journées d’été des Écologistes (ex EELV) à Tours du 22 au 24 août 2024. Réunir 3 600 personnes autour de 66 ateliers, des forums, des formations et des stands permet à un peuple écolo en formation de se retrouver, d’échanger, de réfléchir. Aux lendemains d’une législative qui a permis paradoxalement la constitution d’un bloc réunissant écologistes, socialistes et communistes, les Journées d’été (JDE) ont été une bonne occasion de célébrer cette avancée sous différentes formes : discours de la secrétaire nationale Marine Tondelier, étoile montante de l’écologie politique, prestation de Lucie Castets, candidate du Nouveau front populaire à Matignon, plénière« Géopolitique du chaos ou géopolitique du climat », etc. L’écologie est en marche.
Une bonne partie du programme des JDE découle des contraintes d’un parti, parler politique, mécanismes d’une alliance, combat contre l’extrême droite, etc. Normal. J’ai été impressionné par le nombre d’élus écolos qui participent aux rencontres et par leur niveau de connaissance des dossiers. L’écologie institutionnelle fait son chemin, mais au risque que les problématiques de l’administration d’un pays ne l’emportent sur l’action écologique. Prenons un exemple. J’ai été très surpris que la commission « paix et désarmement », option traditionnelle des écologistes, soit mise en concurrence directe avec une nouvelle commission, dite « défense », créée en avril 20241 : il faudrait renforcer nos politiques régaliennes, il faudrait mettre un terme aux agressions russes… La commission Paix et Désarmement avait souhaité qu’un groupe de travail dédié à la défense soit intégré au sein de la commission P&D, les porteurs de cette nouvelle commission « défense » ont refusé. J’ai donc à Tours assisté à un atelier orienté politiquement, intitulé « écologie et défense, impact sur les politiques municipales de la relocalisation et de la relance de la production d’armement ». Questionnement complexe qui n’a été traité par les intervenants que sous l’angle d’un nécessaire réarmement militaire ! Un spécialiste nous assène que le pacifisme entraîne son inverse : « Lorsqu’on cherche la paix à tout prix, on va renforcer par notre timidité l’agresseur et donc favoriser sa victoire. Poutine a été rassuré par la mollesse de l’Occident après qu’il ait envahi la Crimée…. Il ajoute que les antinucléaires favorisent la diffusion nucléaire. Le deuxième intervenant ne voit qu’une chose, il faut renforcer les mesures de protection des sites dangereux. Lui succède un membre de la commission « défense » qui est aussi un employé d’un complexe de fabrication d’armes (Nexter). Il se désole qu’après la réindustrialisation actuelle pour soutenir l’Ukraine, il y aura plus tard des suppressions d’emploi. La député écolo Cyrielle Chatelain, membre du groupe parlementaire sur la défense, se dit pacifiste, mais il faut bien qu’on livre des armes à l’Ukraine par respect des règles internationales d’intégrité territoriale ! Que les conflits armés soit une menace pour l’équilibre écologique de la planète, il n’en a jamais été question. L’écologie « réaliste » l’emporte sur l’écologie fondamentaliste, l’écologie superficielle sur l’écologie profonde : il faudrait s’adapter au monde tel qu’il est et non au monde tel qu’on voudrait le voir devenir.
L’autre aspect qui détériore le message écologiste des JDE, c’est la libéralisation des mœurs dont les Verts se sont fait traditionnellement les propagandistes. Dès leur création en 1984, les Verts ont hérité de deux types de tendances. D’un côté un gauchisme issu de mai 1968 et bercé par les illusions du slogan « il est interdit d’interdire » ; de l’autre l’écologie scientifique qui s’intéressait au devenir des écosystèmes et qui a débouché sur l’écologie politique. Aux journées d’été, c’est l’optique libertaire qui avait le vent en poupe. Depuis toujours les Verts sont le seul parti favorables à la légalisation du cannabis et non à sa seule dépénalisation. Et à Tours, beaucoup de thématiques tournaient autour des problématiques à la mode : « Les politique féministes ça donne quoi (faut aider les familles monoparentales…) », « Les résistance locales aux lois immigration (comment faire des études supérieures en tant que réfugié syrien…) », « Le droit des femmes en Europe »… Le dialogue avec Judith Godrèche a attiré beaucoup de monde, le parcours des réfugiés LGBT était aussi au programme. Mais le rapport à l’écologie était complètement inexistant. Les commissions féminisme, immigration et LGBTQIA+ du parti, qui portent beaucoup des thématiques abordées aux Journée d’été, ne sont en fait que lobbying au service d’intérêts particuliers. La lutte contre les discriminations va de soi, mais elle n’a pas à faire de l’entrisme dans un parti. Puisqu’il est tout à fait compréhensible qu’un parti écolo n’ait pas de relation institutionnelle avec les associations environnementales, il est donc regrettable que le mouvement de libération des femmes, la cause transsexuelle ou les associations d’aide aux sans papiers aient leurs entrées officielles à l’intérieur d’un parti. Ce positionnement libertaire semble d’ailleurs une des raisons de l’animosité des électeurs par rapport aux Verts.
En résumé le message que l’écologie veut faire passer, une planète sauvegardée pour nos descendants et toutes les autres espèces vivantes, n’était pas l’axe principal du déroulé des journées d’été. Certes, il y a tellement de rencontres aux journées d’été que chacun pouvait trouver de quoi se satisfaire ; il y a même des ateliers qui s’approchent de la question écologique, le fret SNCF, l’apparition d’une classe écologique et son alliance possible avec les classes sociales, etc. Plusieurs stands permanents sont installés, les luttes locales, l’agriculture bio, Greenpeace…sont représentés. Je suis passé au stand des jeunes écologistes, on peut adhérer quand on a 15 à 30 ans. Mais quand je demande aux jeunes présents de dire à quoi pour eux correspond René Dumont, on n’obtient qu’un silence gêné. La formation à la pensée écolo n’est pas au programme. Il y avait pas très loin un stand de la Fondation de l’écologie politique (FEP), créée en 2012, mais cette instance se consacre à l’archivage, pas au débat d’idées.
Globalement on ne peut que constater que l’écologie avait une place marginale aux Journées d’été pour les deux raisons principales que nous avons développé précédemment, l’intégration des écologistes au pouvoir politique en place d’une part, l’exacerbation des considérations sociétales d’autre part. Il faudrait que l’écologie politique abandonne son aspect permissif pour atteindre sa maturité. D’autant plus que les crises socio-économiques et écologiques vont demander beaucoup d’efforts de la part de nos contemporains, et la notion de liberté individuelle va être fortement relativisée dans un avenir qui sera de plus en plus contraint.
Michel Sourrouille
NB : Un journaliste fait des choix éditoriaux, il approfondit certains thèmes et veut ignorer ce qui n’est pas conforme à la ligne éditoriale de son média ou à la mode du moment : le journalisme est toujours orienté. En tant que journaliste indépendant et membre des JNE, je suis écologiste avant tout. Et donc critique de ce qui ne me semble pas conforme à la défense de la cause écologique. En tant que militant politique, j’ai été successivement un adhérent des Verts, d’EELV et maintenant des Écologistes ; cela n’empêche pas normalement de pouvoir critiquer la ligne de la direction déterminée par les différentes commissions du parti et par son bureau.
NB : cet article a été mis en ligne sur le site des JNE :
https://www.jne-asso.org/2024/09/03/les-ecologistes-un-parti-institutionnel-et-libertaire-par-michel-sourrouille/
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Il y a les Verts rouges, les Verts noirs et les Verts verts…
extraits : Ma première réunion entre écolos m’a laissé un souvenir impérissable. Je n’y comprenais rien. Une vingtaine de personnes seulement, et je me perdais complètement entre les sous-tendances des différents courants. Un participant m’a expliqué en aparté. « Simplifions. Il y a les Verts rouges, les Verts noirs et les Verts verts. A partir de cette trame, chacun brode à sa façon. » Comme j’enseignais professionnellement la sociologie politique, j’ai tout compris. Il y avait les marxistes derrière le drapeau rouge, mais qui avaient senti tourner le vent de l’histoire : la victoire du prolétariat ne pourrait pas se faire sur les décombres de la planète. Et puis il y avait les pseudo-anarchistes derrière leur drapeau noir. Pour ma part, je me sentais Verts vert, écologiste avant tout, fondamentaliste diraient certains. Je n’ai pas mis très longtemps pour me rendre compte que mon orientation était et devait rester minoritaire….
Les Verts, un embryon de parti, un ramassis d’ambitions
extraits : Aux journées d’été des Verts, dont je ne loupais aucun exemplaire, c’était la grande kermesse. Cela allait des groupes d’échange les plus sérieux, autour de l’espéranto, jusqu’aux plus farfelus comme celui qui rassemblait les transsexuels et autres divers genres, en passant par le groupe femme qui parle des femmes : chacun dans sa chapelle. Sans oublier les fumeurs de pétards qui utilisaient la moindre occasion pour faire parler de la dépénalisation du cannabis….
Après tous ces mois où la commission Paix et Désarmement a tenté de déposer une motion pour la paix , mais a été barré par les gardiens de la guerre, c’était dur de les entendre pérorer aux Journées d’été! Et de voir l’attitude des participants, qui semblaient complètement acquis aux propos prononcés !
Et dans l’atelier de samedi ou Patrice Bouveret a pu s’exprimer à propos du TIAN (traité sur l’interdiction des armes nucléaires), il n’a même pas été mentionné qu’il était proposé par la commission P et D. Il y a un rouleau compresseur contre tout appel à la paix. Chez des écologistes! C’est la première fois depuis toujours que nous avons été radicalement et totalement invisibilisés.
Les Écologistes ont fait aussi preuve d’ostracisme à l’adresse de la coopérative, institution officielle d’EELV. En novembre 2010, EELV résulte de la fusion dans un même mouvement politique du parti institutionnel « Les Verts » avec « Europe Écologie », une coopérative informelle puisque sans statuts. Cette mouvance avait contribué au succès lors des élections européennes de 2009 et régionales de 2010. Lors de la primaire des écologistes en juin 2011, les 32 000 votants se sont répartis entre 14 500 pour le parti EELV et 17 500 pour la coopérative EELV. Depuis lors, le courant majoritaire surnommé « la firme », chapeauté par Jean Vincent Placé, Cécile Duflot, Julien Bayou,… a tout fait pour minimiser le succès de la coopérative. Mars 2017, David Cormand dans Libération annonce la refondation du Mouvement EELV avec l’objectif de se séparer de la coopérative. (à suivre)
(suite) L’échec cuisant des législatives de 2017, aucun député écologiste n’ayant été élu au parlement, a mis fin provisoirement à cette refondation. Après la tenue d’assises de l’écologie et des solidarités en 2018 et 2019, une réinvention du Mouvement EELV répartissant clairement les rôles du parti et ceux de la coopérative a pu se construire. Mais ce travail n’a pu se concrétiser. Le congrès d’ EELV en 2022 a voté de nouvelles orientations pour modifier ses statuts, dont notamment la nouvelle dénomination « Les Écologistes ». La coopérative EELV n’a pas été invitée à travailler sur les nouveaux statuts en 2023, tout ce qui concernait la coopérative EELV a été supprimé des futurs statuts par un groupe de travail qui ne comptait aucun représentant de la coopérative ! (à suivre)
(suite et fin) Sous couvert de simplification des statuts, on a tout simplement exclu la coopérative EELV du Mouvement EELV. Une exclusion politique d’une centaine de coopérateurs et coopératrices qui avaient cotisés en 2024, mais qui statutairement n’appartiennent plus au Mouvement « LES ÉCOLOGISTES » depuis le 15 mars, date de l’approbation des nouveaux statuts.
Denis, membre de la commission Paix et Désarmement depuis une dizaine d’année, écœuré aussi par la manière dont le parti « Les écologistes » a abandonné ses principes anti-nucléaires et pacifiste.
L’écologie doit lutter contre l’argent (capitalisme) et le pouvoir (d’états ou capitalistes).
Donc elle devra aller vers la dictature et créer une force pour lutter contre ceux qui ne voudront pas être écologiques.
La planète prendra moins de gants pour imposer ses dérèglements climatiques, sa sécheresse, et ses diverses épidémies liées à la pauvreté. Si aucune mesure n’est imposée à la suite de ces problèmes, il faudra craindre des tas de conflits (l’immigration est un début, et elle n’est pas encore climatique).
Les Verts (Les Ecologistes) glissent comme les Verts allemands vers un militarisme peu différent du militarisme de droite. Le pire est qu’en France le débat en interne du parti est devenu impossible car tout pacifiste est qualifié de pro-russes, donc de traître à la patrie ! Cyrielle Chatelain travaille avec l’industrie de l’armement, mais veut ignorer les invitations du mouvement pour une alternative non violente (MAN) !!!
Les Écologistes, parti institutionnel ET libertaire… ET militariste de droite !
Vous avez été accusé de « justifier l’agression russe » avec votre déclaration « Agenda de paix pour l’Ukraine et le monde » lue publiquement le 2 octobre 2022, Journée internationale de la non-violence, dans le parc botanique de l’université de Kiev, sous la statue du Mahatma Gandhi. Que répondez-vous à cette accusation ?
Yurii Sheliazenko: « Il s’agit d’un prétexte absurde pour m’empêcher, ainsi que l’organisation que je dirige, le Mouvement pacifiste ukrainien, de défendre la paix et les droits humains, en particulier le droit à l’objection de conscience au service militaire. L’Agenda pour la paix ne justifie pas l’agression russe. Au contraire, il soutient sa condamnation par la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies du 2 mars 2022 et l’appel à une résolution pacifique du conflit entre la Russie et l’Ukraine, que Poutine a transformé en une guerre de conquête génocidaire à grande échelle… »
– « Aux lendemains d’une législative qui a permis paradoxalement la constitution d’un bloc réunissant écologistes, socialistes et communistes, les Journées d’été (JDE) ont été une bonne occasion de célébrer cette avancée sous différentes formes »
Je vois là une sorte de… paradoxe. D’un côté le fait de voir la constitution de ce bloc comme un paradoxe… et de l’autre le fait de s’en réjouir. Se réjouir d’un paradoxe, voilà quelque chose qui incite à réfléchir.
De mon point de vue, vu que leur juste place ne peut-être que là, je ne vois rien de paradoxal au fait que les défenseurs de l’environnement (écologistes ?) se retrouvent dans ce bloc, de gauche.
( à suivre )
(suite) Seulement voilà, tous ces braves gens réunis là n’ont évidemment pas les mêmes approches, les mêmes sensibilités etc. Où est le problème ? Même à deux il est rare d’être toujours sur la même longueur d’onde, demandez à ma femme, alors dans un ménage à trois, ou à vingt… je vous dis pas ! Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut que ce soit nécessairement le… bordel.
– « Simplifions. Il y a les Verts rouges, les Verts noirs et les Verts verts. À partir de cette trame, chacun brode à sa façon. » (Biosphère).
Et heureusement ! Là encore je vous laisse imaginer une bande de clones ou de robots tous de la même couleur, pas une tête qui dépasse, tous programmés de la même façon… qu’auraient-ils à broder, ou à se dire ?
Ceux là au moins se parlent, échangent, réfléchissent… En tous cas font la fête… tous ensemble, ouai ouai ! Et finalement je trouve ça plutôt bien. 😉
La réflexion évolue, ON avance ON avance. De la question (pas facile à trancher 😉 ) de savoir si, je cite… « Les Écologistes » en tant que parti, est plutôt libertaire OU plutôt écolo (voir “Parti écolo [et/ou] associations environnementales ?” 29 août 2024 )… aujourd’hui nous disons donc : Les Écologistes EST un parti institutionnel ET libertaire.
D’abord exit les guillemets. En effet ils ne font que compliquer les choses. Ce parti s’est (re)baptisé ainsi, c’est comme ça. Comme par hasard du même nom que celui de Waecher, mieux connu sous le nom de MEI. Dit en passant, que ce soit chez Les Écologistes, chez Les Républicains et autres, je trouve très prétentieux, ou alors maladroit… de se prétendre LES. Et très irrespectueux envers leurs petits camarades, tous ceux qui se revendiquent également écolos, républicains ou anarchistes peu importe. Comme si LES était un gage ou un label d’authenticité. (à suivre)
(suite) Ensuite nous passons du OU au ET. Nous reconnaissons donc à ce parti, institutionnel… comme le sont TOUS les partis, exceptés bien sûr ceux du genre Civitas (officiellement dissous le 04 octobre 2023) … son côté libertaire. Très bien.
Reste à voir si ce côté libertaire est une bonne chose, ou pas.
– « Ce positionnement libertaire semble d’ailleurs une des raisons de l’animosité des électeurs par rapport aux Verts. »
Ce n’est là qu’une théorie. Et encore au mieux. Que pèse réellement ce côté libertaire dans cette animosité ? Que pèse le côté catastrophiste ? Et le côté extrémiste, «terroriste», «wokiste» (qui ne veut rien dire) et j’en passe. À moins qu’ON (les électeurs) ne con fonde tout ça pour le voir comme un positionnement… libertaire. Ce qui, là encore, ne ferait que révéler qu’il nous reste toujours un énorme travail d’explication, et de décolonisation des imaginaires, à faire. (à suivre)
(suite) En tous cas personnellement, ça me va très bien. Vu que je préfère de loin le côté libertaire au côté… autoritaire. Le côté autoritaire est le propre de ceux qui œuvrent pour l’Ordre et la Sécurité. De tous ces partis intégristes, fachos, ces sectes, toutes ces bandes (de cons) qui prétendent détenir La Vérité. Ces groupes structurés, avec tout en haut leur grand chef, leur gourou, leur «guide spirituel», et juste en dessous une bande de moutons et de bœufs, bêtes à bouffer de la paille, et très obéissants bien sûr.