En tant que défenseur de la biosphère, nous ne pouvons qu’être opposés aux forages en mer. Mais la marée noire provoquée par la plate-forme Deepwater Horizon n’est qu’un signe ponctuel des dérives d’une société minière ; les humains polluent les océans quand ils y cherchent ce qu’ils ne trouvent plus sur la terre ferme. L’exploitation minière est une métaphore, inspirée de la thèse de Lewis Mumford, de la civilisation thermo-industrielle : « L’exploitation minière est avant tout destructrice : son produit est un amas sans forme et sans vie, ce qui est extrait ne peut être remplacé. La mine passe d’une phase de richesse à l’épuisement, avant d’être définitivement abandonnée – souvent en quelques générations seulement. La mine est à l’image de tout ce qu’il peut y avoir de précaire dans la présence humaine, rendue fiévreuse par l’appas du gain, le lendemain épuisée et sans forces. » Les humains pulvérisent des montagnes pour obtenir du granit, de l’uranium et des minerais jusqu’à ce que le globe terrestre se réduise à l’état de plate-forme nivelée ! Mais l’apparition des pratiques minières au XVIIIe et XIXe siècles va s’achever au XXIe siècle après épuisement de toutes les richesses souterraine.
L’allégorie de Mumford met parfaitement en lumière l’opposition radicale qui sépare deux formes de rapport à la nature. Il y a d’un côté l’agriculture traditionnelle qui favorise l’établissement d’un équilibre entre les éléments naturels et les besoins de la communauté humaine ; ce que l’homme prélève à la terre lui est délibérément restitué (une capacité largement compromise par les stratégies d’exploitation minière en agriculture et en élevage). Il y a de l’autre le pillage du capital naturel par des multinationales qui creusent toujours plus profond, sur terre ou dans les mers, pour extraire les derniers morceaux de charbon, les dernières gouttes de pétrole, les dernières paillettes d’or. Rappelons quelques données sur les limites temporelles de cette exploitation minière :
terbium, 2012 ; argent, 2022 ; or, 2025 ; étain, 2028 ; plomb, 2030 ; cuivre, 2039 ; uranium, 2040 ; nickel, 2048 ; pétrole, 2050 ; Gaz naturel, 2087 ; fer, 2120 ; charbon, 2158…
La fin prochaine des facilités offertes par la nature à l’expansion de notre niveau de vie va entraîner un désastre global dans lequel Deepwater Horizon n’aura été qu’un signe avant-coureur.
Pour connaître Lewis Mumford : Les transformations de l’homme (1956)
Pour connaître les détails de la marée noire au large des côtes de la Louisiane : LeMonde du 2-3 mai 2010.