Prenons la première page du MONDE*. Mauvaises nouvelles. Le grand titre, qui barre toute la page : «Le climat s’est brutalement dégradé en 2015 ». Mais encore, preuve que nous n’avons encore rien compris, «Le cours du pétrole baisse encore». Mais encore, misère de la politique : «Le candidat Trump n’est pas qualifié pour être président». Sans oublier l’influence délétère de la religion : «Islam, les illusions d’une réforme». Dans le reste du journal, il paraît encore plus évident que la planète est à feu et à sang. Nous sommes sur une poudrière : «Après des années d’impuissance de l’UE contre le djihadisme… Évacuation d’un camp de migrants à Paris… L’Afghanistan est en guerre depuis 40 ans, la Syrie depuis 5 ans… Attaque chimique sur la ville de Saraqeb (Syrie)… Les travailleurs indiens (non payés, passeport confisqué) en Arabie Saoudite ont faim et ont soif… A Tokyo, une nationaliste révisionniste nommée à la défense… La Corée du Nord tire un missile au large du Japon… Des militants des droits humains condamnés par la justice chinoise… Il fait toujours plus chaud sur la planète terre… Le baril est retombé à moins de 40 dollars… Ils sont 63,5 millions à avoir fui la guerre ou un régime dictatorial…»
Nous demandons à nos lecteurs de faire un petit effort, essayer de relier tous ces événements entre eux. Le mérite de l’écologisme est de montrer qu’il y a interdépendance forcée dans une société humaine mondialisée, surpeuplée, économiquement folle et politiquement à la dérive. La cause première de nos déboires est l’impuissance humaine à concrétiser une intelligence collective, englués que nous sommes dans le court terme et les nationalismes. Notre imbécillité profonde est vraiment apparente dans notre traitement du choc climatique.
Le constat est incontestable, les nouvelles n’ont jamais été aussi mauvaises. Des dizaines de records sont battus sur la cinquantaine d’indicateurs présentés dans l’Etat du climat en 2015. Et la plupart d’entre eux montrent indiscutablement une tendance au réchauffement de la planète. Températures de l’air et de l’océan, montée du niveau des mers, émission de dioxyde de carbone, fonte des glaces, multiplication d’événements climatiques extrêmes, pluies diluviennes et incendies gigantesques… Au vu de ses six premiers mois, 2016 s’annonce plus brûlante encore selon l’Organisation météorologique mondiale. Nous savons parfaitement pourquoi, la raison tient à l’augmentation de la consommation de charbon, de pétrole et de gaz qui a fait exploser la production de CO2. Ce dernier comme les deux autres principaux gaz à effet de serre, méthane et protoxyde d’azote, a atteint de nouveaux sommets en 2015. Normal, le marché pétrolier ne vois pas plus loin que l’offre et la demande à un instant donné, sans tenir aucun compte ni des perturbations climatiques qui en résulte durablement, ni de la raréfaction croissante de cette ressource non renouvelable. Et politiquement nous sommes irresponsables, nous refusons d’aborder de front les solutions. Les accords de la COP21 à Paris fin 2015 visaient à contenir – à défaut de réduire – les émissions de gaz à effet de serre. Applaudi alors par 195 pays et organisations, 177 l’ont signé depuis, mais seulement vingt-deux l’ont ratifié. Ils ne représentent que 1 % des émissions de gaz à effet de serre ! L’abondance (provisoire) des ressources fossiles n’a pas amené la félicité pour tous, mais le désastre dans la plupart des domaines. Quand nous mettrons en place la carte carbone (rationnement de la consommation individuelle d’énergie fossile), la planète sera encore plus à feu et à sang qu’aujourd’hui.
* LE MONDE du 4 août 2016