La présentation aux entreprises de la Conférence Climat 2015 par le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius montre parfaitement pourquoi le gouvernement socialiste français n’est pas du tout prêt à faire de cette rencontre internationale à Paris le succès qu’il serait raisonnable d’attendre. Voici ce que le ministre a pu dire et notre commentaire en rouge :
« L’objet de cette conférence est de définir au plan mondial et par consensus les voies et moyens d’éviter que la température de la planète ne s’élève au-dessus de deux degrés…
Biosphere : Non seulement obtenir un consensus réel entre nations aux intérêts divergents est impossible, mais un « plan mondial » sur le climat restera de toute façon théorique. Il suffit de voir ce qu’on a fait du protocole de Kyoto (1997). La réalité ne se fait pas autour d’une table, les émissions de gaz à effet de serre dépendent du comportement de chaque individu quand il est en train de brûler des énergies fossiles. C’est d’abord lui qui devrait se sentir concerné par les perturbations climatiques.
« Si les choses se déroulent comme elles ont tendance à se dérouler, dans les années qui viennent, la température va monter de quatre à cinq degrés, ce qui provoquera une catastrophe absolue… Les prévisions sont cataclysmiques mais on peut éviter le cataclysme si nous agissons comme il convient…
Biosphere : Qu’un ministre français puisse parler de « catastrophe » et de « cataclysme » quand beaucoup d’intellectuels français dénient le droit des écologistes de parler de catastrophe montre que les mentalités politiques commencent à évoluer. Mais « agir comme il convient » quand la catastrophe est en marche ne peut dépendre de mesures tièdes, mais d’un véritable bouleversement de notre mode de vie et d’un abandon du mythe de la croissance perpétuelle, mythe pourtant ardemment soutenu par le président français François Hollande.
« La Chine, qui était hostile à un accord, est devenue favorable… Aux États-Unis, le président américain est très engagé sur ces questions… Mais certains gouvernements sont réticents, le gouvernement australien, le gouvernement canadien, le nouveau gouvernement indien…
Biosphere : L’accord récent entre la Chine et les Etats-Unis détermine des objectifs chiffrés et non contraignants. Autant dire qu’il n’y a pas d’accord véritable. Jusqu’à présent les intérêts économiques, que ce soit aux Etats-Unis, en Chine, en Australie, en France… priment les contraintes écologiques. Peu importe nos émissions de carbone, il faut au niveau de chaque nation sauvegarder n’importe quel emploi… et la stabilité sociale. C’est une politique du court terme qui se fait au détriment des générations futures.
« Comment la France est-elle organisée ? Le pilotage est assuré par la ministre de l’Écologie, Mme Royal – qui me demande de l’excuser ce matin -. L’état d’esprit est que cette COP21 (Conférence des parties à Paris) ne soit pas une conférence des contraintes, parce que l’une des raisons pour laquelle cette affaire ne marche pas, c’est que nous donnons le sentiment aux gens que l’on va multiplier les contraintes.
Biosphere : L’absence de Ségolène Royal à une telle réunion est à l’image de ce qu’elle montre depuis qu’elle est ministre « de l’écologie » : un total mépris vis-à-vis du changement climatique. N’a-t-elle pas pour principal fait d’arme d’avoir supprimé l’écotaxe, un bon moyen de limiter les gaz à effet de serre de la part des transporteurs routiers. Laurent Fabius reprend le rejet par Ségolène d’une écologie dite « punitive » au nom d’une soi-disant écologie « positive ». Cela dénote un manque certain de courage politique. Pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, cela ne passera pas sans efforts et contraintes et les Français devraient montrer l’exemple.
« Quel est le calendrier d’ici à la conférence de Paris elle-même ? Il y aura toute une série de réunions dans les prochaines semaines, Lima, Davos, le G7, le G20, une nouvelle réunion aux Nations unies …
Biosphere : Blablabla. Le protocole de Kyoto a été signé en décembre 1997. Quand arrivera le COP21 en décembre 2015, il y aura donc eu dix-huit années de parlottes ininterrompues pour un résultat négatif : les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter. En fait il s’agit de faire semblant de régler les problèmes, cela démobilise les citoyens qui ne se sentent pas concernés.
« Vers quoi souhaitons-nous aller ? Un protocole juridique pour aller sous la barre des deux degrés, les engagements que prendront les différents pays pour décarboner leur économie en indiquant leur projet pour 2030, la mise à disposition aux pays les plus pauvres des financements et des technologies pour leur permettre d’entrer dans la partie. Nous voulons montrer que le problème existe, qu’il est grave, qu’il menace la planète et qu’il y a des solutions technologiques, en particulier, qui peuvent permettre de nous en sortir… Nous voulons que ce soit tout à fait exemplaire, du point de vue environnemental, technologique, des transports, de tous les points de vues possibles et imaginables avec l’utilisation des nouvelles technologies.
Biosphere : On a dit la même chose lors des conférences précédentes. Fabius n’a pas honte de n’avoir rien à proposer de nouveau. Mais le plus grave, c’est que Fabius croit encore qu’il y a des solutions « technologiques » (qu’il se garde bien de préciser). S’agit-il de géoingénierie, dont on connaît les graves inconvénients ? De capture du carbone, procédé dont on sait que ce n’est pas applicable à grande échelle ? De la voiture « propre » chère à Ségolène ? Il est étonnant que Fabius n’envisage pas des solutions non technologiques comme la taxe carbone ou, pourquoi pas, la carte carbone qui auraient pourtant l’avantage de modifier en profondeur les comportements des brûleurs de carbone.
« Le quatrième élément de ce que pourrait être un accord sur le climat à Paris, ce sont les engagements que prendront les grandes villes, les régions et un certain nombre de grandes entreprises ou de branches professionnelles… Il faut essayer de faire de cette conférence de Paris une vitrine exceptionnelle de ce que savent faire les entreprises… Si vous avez la gentillesse de vous associer à cette entreprise utile mondialement, ce que je pensais faire, c’est vous tenir au courant par une petite lettre…
Biosphere : Laurent Fabius voudrait que tous les promoteurs du drame qui s’annonce soient « gentils », il va faire pour cela un « petite lettre ». C’est un homme politique vieilli sous le harnais qui n’a pas encore compris que nous vivons aujourd’hui dans un monde de brut… Chacun pour soi et les bénéfices pour les multinationales des hydrocarbures ! Fabius a résumé dans sa supplique aux entreprises tout ce qui fait que la conférence de Paris s’annonce déjà comme un gros échec… un de plus.
* Paris, le 30 octobre 2014, Conférence Paris Climat 2015 / Présentation aux entreprises –