Les « bons » sentiments se monnayent en oboles de toutes sortes. Cela nourrit des Organisations de Solidarité Internationale dont le nombre se compte par milliers. Les sommes investies dans ces placements aux retours incertains par milliards. Face à un moribond, disent les apôtres de l’ingérence humanitaire, on ne se pose pas de question, on soigne. Mais comment est-il possible de ne pas se poser de questions ? Car ce qu’on fait n’est jamais innocent. Karl Blanchet* travaille dans l’humanitaire et se pose des questions : « Sauver des vies aujourd’hui c’est tuer des vies demain. Que penser de tous ces avions humanitaires qui portent une assistance humanitaire en Haïti ? Les humanitaires essayant de porter assistance immédiatement même si l’empreinte écologique produite par les avions porte atteinte à la vie des générations futures. Les écologistes ne se focalisant que sur les années à venir et tentant de trouver des solutions appliquées aujourd’hui pour améliorer le futur. En un sens, humanitaires et écologistes auraient deux approches contradictoires (…) Mais il devient évident que ces deux mondes vont se côtoyer de plus en plus afin de répondre aux tensions de plus en plus croissantes entre populations, tensions créées par les pressions mises sur nos ressources naturelles et nos conditions de vie. (lemonde.fr du 26.11) »
Certains estiment de leur côté que l’humanitaire est une manière de ne pas résoudre le fond des problèmes :
– Croire aider les pauvres du Sud par avion et en 4×4, c’est croire au père Noël, c’est croire qu’on est le père Noël.
– Des centaines de millions de vie misérables, qui mettent en valeur l’admirable dévouement d’une mère Teresa, valent-elles mieux qu’un contrôle rationnel de la fécondité permettant de faire accéder au véritable statut d’homme et de femmes des êtres moins nombreux mais plus heureux ? (Georges Minois)
– Le néo-colonialisme, avec l’assistance technique et le don humanitaire, a fait sans doute beaucoup plus pour la déculturation que la colonisation brutale. (in Défaire le développement, Refaire le monde)
– Pour le volet social, on fait largement appel à un « samu mondial » dont les ONG humanitaires sont l’outil capital. Toutefois, si les « formes » changent considérablement, tout un imaginaire du développement reste bien en place. (Serge Latouche)
– La main qui reçoit l’aide est toujours en dessous de celle qui la donne.
– La décroissance des besoins au Nord est la meilleure des aides possibles pour le Sud.
*PS : LeMonde du 27 novembre résume assez maladroitement la position de Karl Blanchet : « Certains écologistes utilisent à outrance le terme génocide pour parler de la dégradation de la biosphère. »
Les efforts des humanitaires pour humaniser la guerre n’ont eu aucun effet sur le déclenchement et la prolongation des conflits eux-mêmes. Jamais les organisations humanitaires ne sont parvenues à apporter la paix, elles ne contribuent pas non plus à réduire les inégalités entre riches et pauvres qui constituent le principal défi du sous-développement en marche ; elles n’ont aucune action sur la dégradation de l’environnement et son cortège de famines, d’exode dural et de menaces sur la santé. Bref, l’humanitaire n’est pas efficace sur le fond des problèmes. Jean-Christophe Rufin (LeMonde du 21 décembre 2010)
Nous ajoutons que le risque de l’humanitaire est de prolonger la guerre puisqu’elle en amoindrit les effets.