Mélenchon est aussi écolo que Sarko : un jour il n’y connaît rien, le lendemain, c’est le premier des écolos. Le parti de gauche tient son congrès au Mans du 19 au 23 novembre 2010. Revenons quelques années en arrière, du temps où Mélenchon était socialiste. Pour le Congrès socialiste du Mans en 2005, la contribution générale de Mélenchon sur le problème de l’énergie était absolument vide. Pourtant Hollande prévoyait alors la fin du pétrole au milieu de notre siècle, et Montebourg prédisait que « le phénomène de pic pétrolier est susceptible d’intervenir d’ici 2015 ». C’est à cela qu’on reconnaît un populiste, enfourcher le thème porteur même si par ailleurs on s’assoit dessus. Dans le numéro d’avril 2009 de La Décroissance, on découvre la très longue interview accordée par Jean-Luc Mélenchon, l’ultra-productiviste candidat du Front de gauche aux prochaines européennes dans le Sud-Ouest ! Il s’agit seulement de contrer l’étoile montante Cohn-Bendit. Lors de la convention du Parti de gauche (PG), qui se réunissait en décembre 2009, Mélenchon devait annoncer que le nom du parti comporterait dorénavant un sous titre Ecologie – Socialisme – République. Plus question d’apparaître comme la « vieille gauche », le PG est moderne et donc écolo.
LeMonde titre sur deux pages: « Le Parti de gauche : populaire ou populiste ? »* Huchon ne mâche pas ses mots : « Le langage de Mélenchon est proche de celui de l’extrême droite, mais c’est plus grave que Le Pen ! Il incarne le populisme d’extrême gauche. » Cohn-Bendit l’accuse de « labourer les terres du FN ». Mamère s’exclame : « Le contenu de son discours fait la part belle à une démagogie, au sens premier du terme et qui, sur certains sujets, devient insupportable. »
En fait le livre de Mélenchon, « Qu’ils s’en aillent tous » est clair : seul Mélenchon doit rester. Nous avons vraiment besoin en France d’un Jaurès de l’écologie. Il ne semble pas que Mélenchon puisse s’attribuer ce statut car il ne rassemble par ses outrances que les déçus de tous bords… Dommage !
* LeMonde du 20 novembre 2010
» La richesse donne des jambes aux boiteux, de la beauté aux laids, et de l’intérêt aux larmes. «
Pourquoi toujours nier catégoriquement aux hommes la possibilité qu’ils ont de changer sincèrement ?
Mélenchon a reconnu ses erreurs : « C’est vrai, j’ai été longtemps de culture béton-électricité, mais pourquoi serais-je plus stupide qu’un autre ? Pourquoi ne comprendrais-je pas que c’est la catastrophe qui s’avance ? »
Voir ici : http://www.youtube.com/watch?v=kDvDkNSyieI
Si on nie toute sincérité dans son discours, alors tout se vaut, tout est pourri… « Tous pourris », « tous pareils »… Où est-ce qu’un tel raisonnement va nous mener ?
Merci !
A défaut de partager cette approche, je la comprends un peu mieux.
Au-delà du discours « en face c’est des nazes, nous c’est mieux » (on trouve le même au PS, d’ailleurs ce qui est médiatisé de la politique se résume souvent à ça), je retiens que sa démarche est d’intégrer un mouvement avec lequel elle n’est que partiellement d’accord pour le changer de l’intérieur. Pourquoi pas, mais disons que ça me paraît plus direct de s’unir avec des gens qui ont les mêmes priorités, même si on n’est pas d’accord sur tout.
On peut discuter de l’autonomie de la question environnementale en politique, mais c’est à mon avis surtout une question de priorités. Vaut-il mieux un programme complet (de droite ou de gauche) mais pour l’instant semi-écolo (voire complètement placébo), ou un programme certes partiel mais qui s’attaque efficacement aux vrais problèmes de l’époque ?
L’écologie, de droite ou de gauche ? Que peut faire NKM ?
Réponse de N.Kosciusko-Morizet, ministre chargée de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement :
« J’ai sympathie et respect pour les personnes impliquées dans les partis écologistes, mais je ne crois pas à l’autonomie de la question environnementale en politique. La métamorphose doit venir de l’intérieur. Cela a été mon engagement à l’UMP. L’histoire politique montre que c’est le bon choix. Entre 1997 et 2002, il y avait des ministres écologistes, mais tous les arbitrages étaient perdus, parce qu’ils échangeaient des objectifs environnementaux contre des concessions politiques. La droite a fait beaucoup plus avec la charte de l’environnement et le Grenelle. L’UMP n’a pas cherché de parti écologiste alibi, elle a évolué. La gauche, elle, est dans une grande ambiguïté : le dernier sujet de discussion entre le PS et les Verts a porté sur les places aux sénatoriales (…) Il m’importe plus de savoir si un parlementaire est motivé sur l’environnement que s’il vient du RPR ou du parti républicain. »
(NKM, L’image du Grenelle s’est brouillée, LeMonde du 28 novembre)
Je ne doute pas de la sincérité des convictions écologistes de certains « nouveaux convertis » dans les partis traditionnels (Modem, PS, UMP, PdG…). Mais je pense que la raison montre que certains projets politiques sont incohérents. Que peuvent faire NKM ou Jouanno au sein d’une majorité élue sur le slogan « travailler plus pour gagner plus » ? Que pouvait faire une ministre verte dans un gouvernement de gauche productiviste ?
Pour aller au bout de ses idées, je ne vois pas comment on peut faire l’économie de la rupture avec le productivisme, qu’il soit de droite ou de gauche. Ainsi les écolos du PS, de l’UMP, du Modem ou autre sont peut-être sincères, mais je ne comprends pas leur logique.
Ceci étant dit, rien ne garantit qu’EELV construise un projet politique cohérent, car il est en cours d’élaboration. Mais au moins, ce mouvement réuni des écolos sincères unis autour de l’anti-productivisme, et électoralement cette voie peut être la troisième préférée de l’opinion (juste derrière le PS aux européennes).
Pour quitter ce terrain de la stratégie, relativement inintéressant, et évoquer le fond, je pense que l’écologie politique ne peut être orientée qu’un minimum à gauche.
Une réelle conversion écologique est nécessairement coûteuse pour l’activité économique. Produire avec plus de normes, avec moins d’énergie bon marché etc. revient à aller à l’encontre de la progression du pouvoir d’achat et de l’activité en général. Sachant que des individus sont déjà au bord de la misère, voire carrément en plein dedans (le mot « misère » a son importance, car la pauvreté elle ne se définit que par rapport au revenu médian, ce qui n’est qu’un indicateur de répartition, pas de satisfaction des besoins essentiels), comment peut-on humainement prôner une baisse du pouvoir d’achat moyen sans en même temps veiller à une meilleure répartition des revenus (voire du patrimoine) ?
Ainsi, pour que l’écologie transforme la société suffisamment rapidement, elle doit d’une part parler le même langage que les entreprises, donc sortir de la dialectique marxiste classe contre classe, et d’autre part être socialement juste. C’est donc un projet capitaliste interventionniste de gauche. Et pour convaincre vite et fort, je pense qu’il faut temporairement être très réservé sur les sujets de société qui divisent traditionnellement gauche et droite, tels que la sécurité, l’immigration, les luttes public/privé etc. car ce ne sont pas les priorités historiques que nous devons aborder d’urgence et de manière radicale pour éviter un effondrement subi de notre civilisation, tel que brillamment prédit par le club de Rome (rapports Meadows).
Je ne fais là qu’exprimer mon opinion sans réel but, je comprends bien en parcourant votre blog que je prêche un convaincu de la décroissance « de gauche ».
@ Donatien
Que le discours écologiste commence à imprégner les esprits n’empêche pas que les croyances productivistes intoxiquent la gauche comme la droite. Nous constatons simplement qu’il y a des écologistes sincères à l’UMP (NKM, Jouanno..), au Modem, au PS (le pôle écologique), à l’EELV et même au PdG. Le problème actuel, c’est que les écolos sincères ne savant plus où aller, des Verts avaient rejoints le PS, des membres du PS vont à EELV, des membres d’EELV vont au Modem ou au PdG…
Pour nous, peu importe de toute façon chez qui on est encarté. Il s’agit toujours d’entrisme écolo, on veut modifier la ligne politique d’un parti. Quelle ligne ? L’avenir départagera ceux qui ont le sens des limites et ceux qui ne l’ont pas. C’est là l’essentiel. Car il y a même des patrons qui ont le sens des limites…
Le débat est intéressant.
Je pense comme tardiff que le PdG a intégré l’écologie de manière sincère. C’est un parti qui prône une conversion écologique anticapitaliste. On peut s’attendre à ce qu’une partie du noyau Vert d’EELV s’y sente chez elle, déçue par l’orientation centriste du nouveau mouvement, impulsée entre autres par Cohn Bendit. Mais je vois mal cette écologie d’extrême gauche faire de gros scores électoraux : l’opinion peut-elle devenir si radicalement à gauche ?
Par contre je conteste tout à fait ceci (biosphere):
« En fait, cela montre que le discours écologiste commence à imprégner toutes les personnes, donc tous les partis. C’est le signe concret que la rupture par abandon du système productiviste est de plus en plus proche. Donc le positionnement de chacun importe peu, tous les petits ruisseaux amènent aux rivières qui se jettent dans une seule biosphère. »
Certes le discours écologiQUE imprègne tout le monde, comment pourrait-il en être autrement ? Les problèmes environnementaux sont plus qu’évidents.
Par contre une très grande partie de l’échiquier politique prône encore la croissance économique, en s’appuyant sur une foi prométhéenne dans le progrès technoscientifique. Ainsi, beaucoup pensent qu’on peut doubler le PIB d’ici 2050 (prévision du COR) tout en divisant par 4 nos émissions de GES (objectif inscrit dans la loi), et ce avec un pic pétrolier qui d’après l’AIE est derrière nous. Certains, peu nombreux en France, pensent même qu’il n’y a pas besoin de réduire nos émissions car la géo-ingénierie résoudra le problème (d’ailleurs, des observateurs pensent que cette solution est celle qui va faire consensus le plus facilement dans les négociations sur le climat).
EELV se distingue par son anti-productivisme. Je fais une distinction entre anti-productivisme et anticapitalisme, car je pense qu’on peut chercher à produire moins et/ou en exerçant moins de pression sur la biosphère dans le cadre actuel d’une économie de marché, avec liberté d’entreprise et propriété privée des moyens de production. Par contre ça revient à inventer un nouveau modèle de développement plus régulé et qui ne compte pas uniquement sur un hypothétique progrès technologique : création d’emplois sans croissance, réglementations environnementales drastiques etc. C’est à mon avis l’approche la plus réaliste et la plus raisonnable, qui pourrait donc rassembler de manière très large.
Le manifeste d’Europe Ecologie critique certes le capitalisme, mais d’une part c’est le terrain du PdG et d’autre part, des écolos ancrés pas très à gauche et loin d’être révolutionnaires sont à EELV (Cohn Bendit, certains MEI etc.).
Entre le PdG et EELV, je ne sais pas qui défend les meilleures idées, mais ce qui est certain c’est qu’EELV a plus de force de conviction, pour œuvrer à une conversion écologique réformatrice devenue plus qu’urgentissime.
…
Oups, je crois que finis par prendre mes désirs pour des réalités… Vous m’avez reconnu, je suis encarté 🙂
Je partage la première partie de votre analyse. La question est bien de savoir où militer et à qui donner sa voix.
Pour le reste, n’étant affidé à aucun parti politique ni aucune mouvance particulière, je n’ai pas d’a priori pour tel plutôt que tel. Par ailleurs, dans la mesure où nous sommes dans un système électif basé sur la représentation, je ne trouve rien de fondamentalement blâmable dans la tentative de vouloir fédérer le plus grand nombre autour de ses idées. A partir du moment où la démarche est sincère (c’est le point à éluder), il s’agit là plutôt de réalisme politique.
A chacun ensuite de se positionner selon sa sensibilité en âme et conscience.
@ Tardif Axel et tous les autres
La question qui se pose aux écologistes, c’est de savoir où militer. Il y a des écologistes sincères qui ont rejoint Europe-Ecologie, ou le Modem, ou le pôle écologique du PS, ou qui se situent même à droite comme NKM et Chantal Jouanno. Exit les Verts ? En fait, cela montre que le discours écologiste commence à imprégner toutes les personnes, donc tous les partis. C’est le signe concret que la rupture par abandon du système productiviste est de plus en plus proche. Donc le positionnement de chacun importe peu, tous les petits ruisseaux amènent aux rivières qui se jettent dans une seule biosphère.
La conversion de Mélenchon à la défense des écosystèmes sera réelle quand il n’aura plus d’arrière-pensées politiciennes. Par exemple quand il se refusera à débaucher chez les autres : « Nombre de camarades de l’écologie radicale qui sont chez Europe Ecologie mais se demandent ce qu’ils sont allés y faire, auraient également toute leur place dans le Front de Gauche. » Autre exemple lors du Congrès du Mans, la mise en garde contre les coalitions des écolos et des socialistes aux prochaines cantonales. C’est totalement inacceptable. D’ailleurs que veut dire un « Front de gauche qui ne participera à aucune alliance contre nature » ?
Globalement sur la même ligne que « tardif ».
Pour compléter : sur le flanc de l’économie, dans ce parti, aux coté de Jacques Généreux on trouve par exemple quelqu’un comme Laurent Cordonnier qui, même si dans son dernier (et excellent) livre « l’économie de Toambapiks » il manque à mon sens un volet écologique, se rapproche peu a peu des vues d’économistes hétérodoxes objecteurs de croissance tel Jean Gadrey (du moins le débat est ouvert).
Les choses semblent donc évoluer dans le bon sens. Et seul un exercice des responsabilités au plus haut niveau permettrait d’évaluer véritablement le degré de sincérité de cette prise de conscience du responsable du PG (je doute que cela soit pour demain – ni même après demain qu’il puisse exercer de telles responsabilités). Chacun change et évolue. Ne lui faisons donc pas procès d’intention a priori.
Ps : J’ai retranscris sur mon Blog la conférence qu’avait précisément donné Jean Gadrey au printemps dernier, intitulée « Crise écologique et crise économique ». Je vous laisse juge de l’argumentation qui y est développée (quant à moi j’y souscris pleinement).
http://aevigiran.over-blog.com/article-jean-gadrey-crise-ecologique-et-crise-economique-50238672.html
Martine Billard et les Verts qui l’ont suivie au parti de Gauche n’ont pas été « débauchés », il se sont ralliés, en toute connaissance de cause (et avec bien peu à y gagner pour ce qui est des places et des avantages). Il est intéressant de se demander pourquoi. 😉
Bonjour « tardif »
Votre discours nous plaît, vous êtes mesuré dans vos propos. Mais nous nous ne sommes pas dupes de la conversion tardive de Mélenchon à usage électoraliste qui ne servent qu’à débaucher des écolos sincères ici et là.
Bonjour,
Votre mise en parallèle de Mélenchon 2005-2010 est trompeuse, car elle fait l’impasse sur ce qui s’est passé entre les deux. Vous auriez suivi de plus prés le trajet personnel de Mélenchon de plus près, vous auriez constaté que son évolution vers l’écologie a été progressive et bien plus profonde et sincère que vous ne semblez l’estimer. Il s’agit bien pour lui d’une profonde remise en cause, qu’il reconnait, de sa propre tradition productiviste, issue de la gauche ouvrière.
C’est bien d’ailleurs sur cette base qu’un certain nombre d’ex-membres des Verts ont quitté un parti qui se recentre, pour ne pas dire qu’il vire à droite (vers Hulot, Bayrou…), pour le rejoindre (derrière Martine Billard) et prendre en charge la rédaction de la « partie écologique » de la plateforme du parti de Gauche. Je vous en recommande la lecture. 😉