Voici quelques extraits de la pensée de Nicolas Hulot :
Osons sanctionner ceux qui pillent, saccagent, épuisent, accaparent les richesses du monde. Jamais nos sociétés n’ont atteint de tels niveaux d’inégalité. Bien sûr on peut gagner un peu plus parce qu’il faut de l’incitation, du mérite, de la motivation. Mais pas sans limites. Je pense qu’il faut fixer des limites dans les écarts de revenus, parce que ça n’a pas de sens que quelqu’un gagne cinq cent fois un revenu de base…
Une barbarie, c’est celle qui oppose avec cynisme le monde du Nord à celui du Sud. Une civilisation ne doit pas faire le tri parmi les souffrances humaines. Or un tsunami en 2004 qui secoue la Thaïlande où des Blancs passent leurs vacances bouleverse l’opinion alors que les événements du Darfour, où des enfants meurent quotidiennement, la laisseront indifférente. Essuyer une tornade à Haïti n’est pas la même chose qu’en Californie. Aujourd’hui nous sommes dans une sorte d’apartheid géographique. Selon où l’on naît, on n’a pas la même qualité de vie ni les mêmes perspectives. Nous avons accepté l’idée d’autoriser un pan entier de l’économie mondiale à s’affranchir de la solidarité, à créer de la richesse pour une infime minorité au détriment d’une multitude d’individus. En résumé, 1 % de la population concentre 93 % de la richesse. Quand j’ai commencé à voyager et à découvrir la détresse ici et ailleurs, j’ai culpabilisé. Dans un sens, cette culpabilité a été aussi salvatrice : elle m’a obligé à me débarrasser de cette arrogance que mon milieu social portait en lui. En réalité, l’altruisme génère du bien-être ; nous pourrions même parler d’altruisme égoïste parce que agir pour le bien de tous procure du plaisir. C’est parce que nous n’avons pas organisé le monde sous l’inspiration d’un véritable humanisme que nous avons recours à l’humanitaire comme palliatif de cette grande défaillance.
La crise climatique et la raréfaction des ressources impactent prioritairement les plus démunis. Dit autrement, la crise écologique ajoute de l’injustice à l’injustice, de la vulnérabilité à la vulnérabilité, de la souffrance à la souffrance. Il y a déjà en France des millions de précaires énergétiques. Tant que nous évoluerons dans un modèle qui ne partage pas la richesse et reste basé sur une exploitation sans mesure du substrat de l’économie (qui s’est développée sur exploitation des matières premières), tant que ce système dominera et qu’on l’encouragera à se reproduire partout dans le monde, on sera dans une impasse. Tant que le monde de la finance s’emparera des ressources alimentaires, des matières premières et des terres arables sur lesquelles il spécule, il sera totalement impossible de résoudre la crise écologique. Le paradis de cette poignée d’êtres humains qui ont tiré leur épingle du jeu est pavé de l’enfer des autres. Si le progrès doit avoir une finalité, ce serait de mettre un terme à cela. L’épanouissement doit être partagé et la souffrance chronique, résorbée. Quand on a été épargné de tant de souffrances, cela crée des devoirs.
Aujourd’hui plus personne n’ignore les différences de niveau de vie. Elles sont exposées au regard de tous dans une indécence absolue. Il faut organiser le partage. Je n’ai toujours pas compris pourquoi il n’y avait pas de solution pour améliorer durablement la condition des damnés de la Terre sans pour autant empêcher les riches de fumer un cigare à la fin de leur repas. Il doit bien y avoir un moyen de prélever là où il y a concentration des richesses sans pour autant faire disparaître toute l’industrie de la planète. Dès lors que l’on s’inscrit dans le luxe, comme quand on prend l’avion, il faudrait automatiquement prélever une somme qui soit reversée à un fonds au mécanisme approuvé : l’aide alimentaire, l’accès aux soins, l’éducation… A partir du moment où l’on prétend au voyage, on s’inscrit comme citoyen de la planète et il est alors évident que l’on doit contribuer à un élan de solidarité. Nous devons ramener ce qu’on appelle la shadow finance (les produits dérivés de la finance, l’argent qui sommeille dans les paradis fiscaux et dans les plate-forme off-shore) dans des règles communes. Il faut soumettre à une taxation cette shadow economy. Une priorité pour sortir l’humanité de l’impasse où elle se trouve, c’est une révision profonde du système financier. L’économie était autrefois un moyen au service de l’humain, mais aujourd’hui l’humain est un outil de l’économie, qui elle-même est au service de la finance. Osons dire que ces inégalités dans un monde divisé et tendu peut achever de fracturer l’humanité, la faire basculer dans un fossé de haine et d’incompréhension. Osons dire que le fatalisme des uns provoque le fanatisme des autres. L’intégrisme semble parfois l’issue quand la misère trouve porte close.
Ces extraits ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective…
Chaque jour vous aurez un nouvel extrait sur ce blog biosphere jusqu’à parution intégrale d’un livre qui a été écrit en prévision de la démission de Nicolas de son poste de ministre de l’écologie. On ne peut avoir durablement un ministre voué à l’urgence écologique dans un gouvernement qui en reste au business as usual…
Depuis longtemps je me revendique agnostique. Un jour, alors que nous discutions de spiritualité, de la Nature, du Mystère… et de Dieu, pour ne pas le nommer… un ami, qui lui est croyant, me dit : « tu es bien plus croyant que tu ne le crois. » J’avoue avoir été surpris. Et j’y pense souvent. Depuis longtemps, je me revendique aussi (et en même temps) de gauche. Et je trouve désolant qu’autant de gens aient perdu la boussole.
Pour l’avoir pas mal lu, pas mal écouté, pas mal vu faire etc. je peux dire aussi que je connais… un peu… notre ami Nicolas.
Je viens de lire “Nicolas Hulot, droite ou gauche?“ (Biosphère avril 2011)
– « Comme Nicolas Hulot se veut un candidat aux primaires vertes, il est bien obligé de s’accrocher à cet attelage bancal qui se veut à gauche. Même si l’ouverture vers la société civile avec Europe-Ecologie fait de EELV un conglomérat de l’extrême gauche au centre droit. En conséquence Nicolas Hulot ruse. [etc.]»
Je ne connais pas assez notre ami pour dire s’il est rusé ou pas. Et s’il est… alors va savoir si c’est un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ou pas du tout. En tous cas, après s’être acoquiné avec le Ni-Ni, les grands patrons etc. j’espère qu’il aura fini par comprendre cette histoire de boussole.
Et finalement compris que l’écologie politique ne peut qu’être que de gauche. Parce qu’en lisant sa pensée au sujet des inégalités, j’ai envie de lui dire : «tu es plus de gauche que tu ne le crois.»