Nicolas Hulot, SOBRIÉTÉ et SIMPLICITÉ

Je ne suis pas un homme pressé, je cherche l’essentiel. Je me suis débarrassé d’une certitude familiale, celle que le bonheur et la réussite sociale sont proportionnels à la possession. Le problème, c’est que le fait de « posséder » conditionne maintenant toute notre existence sociale. C’est devenu une dépendance, le gage de notre bonheur. Mais le seul gage du bien-être est pour moi intérieur. Le reste est accessoire. Les illusions matérialistes détournent de sa propre vérité et de celle des autres. Je sais aujourd’hui que moins nous acceptons de poser des limites, plus les tyrannies du désir nous envahissent. Je me suis retrouvé un jour dans un des fiefs du bouddhisme, au Ladakh. J’ai bien compris que la quête vers le nirvana passe par l’abstraction de tous les désirs, mais je ne tends pas vers ça. Le défi consiste à trouver le point d’équilibre entre le matérialisme et l’ascétisme. Pour moi d’abord, car tant qu’on ne s’applique pas les choses à soi-même, il paraît difficile de les proposer aux autres.

Pour vivre quelque part entre une société de matérialisme absolu et une société d’ascètes, il existe une troisième voie que Jean-Baptiste de Foucault appelle la « société d’abondance frugale ». L’urgence écologique nous pousse à une société de modération, à la sobriété heureuse. Mais comme l’exprime mon ami Pierre Rabhi, « Quant à nos contradictions, qui peut affirmer aujourd’hui, dans un pays prospère comme le nôtre, qu’il ne se déplace qu’à pied, ne consomme ni carburant ni électricité, ne se sert pas de téléphone ni d’ordinateur ? Nous sommes tous dans des compromis. » J’essaye simplement, à mon petit niveau, de donner aux gens l’occasion et les moyens d’avancer. Comme par exemple avec le Petit livre vert pour la Terre, qui proposait 500 comportements respectueux de l’environnement, dans lequel chacun peut puiser comme il l’entend, à son rythme. Rappelons l’article 3 de la Charte de l’environnement : « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences. »

J’ajouterais aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité la sobriété.. Quels que soient les choix que nous faisons, nous ne pouvons pas continuer dans une forme d’ébriété et de civilisation du gâchis. L’ébriété actuelle vient du fait que l’on ne distingue plus l’essentiel du superflu, l’utile du futile. Entre le superflu et le vital, on peut aller vers le raisonnable. Mais on se confronte au fait que le libéralisme, doublé d’une puissance de feu marketing sans égale, a fini par faire croire à l’opinion qu’il était possible et même souhaitable de faire le contraire de ce qu’il faudrait faire. Enfin la dernière vertu très importante pour moi, c’est l’humilité, parce que je pense que ce qui a caractérisé le XXe siècle, c’est la vanité. Or son antidote, c’est l’humilité. Ce n’est pas quelque chose d’abstrait. Depuis ma participation au gouvernement, Édouard Philippe cite Pierre Rabhi et vante la sobriété heureuse !

NB : Les extraits précédents ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective…

3 réflexions sur “Nicolas Hulot, SOBRIÉTÉ et SIMPLICITÉ”

  1. Je vous trouve sévère Michel C, ce n’est pas facile d’être ministre de l’environnement, on se trouve de facto entouré de forces contraires, inévitablement empêtré dans des contradictions, des contraintes opposées qu’il faut aménager comme on peut au milieu de gens qui ont d’autres objectifs.
    Qui pourrait dire : « j’aurais fais mieux que lui » ?
    Qu’auriez-vous fait, comment auriez vous su concilier vos idées avec tout ce que la société et les hommes qui vous entourent vous opposent ?
    Bien sûr, on peut partir au clash dés le premier jour et rien ne se fait, on peut aussi refuser le poste et rien ne se fait non plus.
    Pour ma part, je pense qu’on doit être plus tolérant avec l’action de Nicolas Hulot, je n’aurais certainement pas fait mieux.

    1. Mon cher Didier, si vous me trouvez sévère que diriez-vous alors de tous ceux qui le descendent comme c’est pas permis ? Quoi que je puisse ou qu’on puisse raconter, sachez que Nicolas Hulot conserve toute ma sympathie. Et ceci tant qu’on ne m’aura pas prouvé qu’il est le pire des fumiers, ce qu’en attendant je ne peux pas croire. Non, je le taquine tout simplement. Plus exactement je taquine ceux qui le voient comme une idole. Je n’aurais pas fait mieux que vous, c’est sûr, ou que lui si vous préférez et personne d’ailleurs. C’est bien pour ça que pour rien au monde je n’aurais voulu de ce poste de ministre. Ni même être à sa place, tout simplement. La mienne est bien plus confortable, je l’avoue. 🙂

  2. – « Depuis ma participation au gouvernement, Édouard Philippe cite Pierre Rabhi et vante la sobriété heureuse ! »

    Autrement dit, notre cher Nicolas aura réussi à en con verdir au moins un. Et pas que lui d’ailleurs.
    Vraiment trop fort ! Non non, c’est pas une blague.
    – « Du Medef au groupe chimique BASF, de l’OCDE aux think tanks libéraux et aux états-majors du CAC 40, tout le monde ou presque est dans la boucle. Le premier ministre, Edouard Philippe, vante la « sobriété heureuse » et cite même Pierre Rabhi. Danone, grand vendeur de pots de yaourt en plastique, signe un partenariat avec la navigatrice Ellen MacArthur pour lutter contre le continent de plastique. Alteo, une entreprise qui des décennies durant a déversé des millions de tonnes de boues rouges dans la Méditerranée, explique « être à fond dans l’économie circulaire » [etc.] »
    ( Jean-Baptiste Fressoz – Le Monde 22 mai 2018 : L’économie circulaire tourne en rond )

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