L’agonie de l’Empire romain d’Occident a duré plus de trois cents ans. Les empereurs ont certainement dû se rendre compte que quelque chose clochait. Pourtant leur seule réponse a consisté à tout mettre en œuvre pour maintenir le statu quo jusqu’à ce que l’empire rende son dernier soupir. Les ressources naturelles qui avaient permis l’expansion du système impérial s’amenuisaient. Les mines d’or et d’argent d’Espagne s’épuisaient. Il ne subsistait plus aucun voisin facile à envahir et à piller. L’érosion des sols fertiles faisait diminuer la production agricole. Par ailleurs, les dépenses colossales à consentir pour l’armée, la cour impériale et le système bureaucratique avaient nécessité la mise en place d’un régime fiscal qui a précipité la faillite. Comme l’analyse J.A.Tainter , le système est rentré dans une période de « rendements décroissants ».
La solution était pourtant évidente, il fallait s’alléger. L’effondrement de l’ Empire a été suivi du Moyen Age, des années au cours desquelles l’Europe s’est libérée de l’étreinte de la bureaucratie impériale, des dépenses énormes liées à l’entretien des armées et de la terrible charge fiscale. La défense était assurée par des milices locales et l’impôt n’était dû qu’aux seigneurs locaux. Pendant la période de contraction économique, les sols se sont reconstitués et les forêts ont repoussé.
La situation de l’Empire romain ressemble à s’y méprendre à la nôtre. Nous souffrons également d’une diminution de nos ressources naturelles, d’une bureaucratie excessive et de toutes sortes de pollutions. Or nous mettons tout en œuvre pour que les choses restent telles qu’elles sont. Nous réagissons à la déplétion du pétrole en forant plus profondément, en forant davantage. « Drill, baby, drill » s’exclamait l’ancienne candidate à la vie-présidence des Etats-Unis, Sarah Palin. Pourtant forer encore plus revient à accélérer la déplétion !
Ugo Bardi, Nouveau rapport au club de Rome : le grand pillage (comment nous épuisons les ressources de la planète)
Éditions Les petits matins, 433 pages, 19 euros