L’Inde consommait à peu près 35 000 gigawatts/heure en 1970, 700 000 en 2010. Peut-on dire que les Indiens sont vingt fois plus heureux qu’il y a quarante ans ? Une panne gigantesque d’électricité vient de frapper la moitié du pays pendant deux jours fin juillet : plus de métro et moins de trains, embouteillages, mineurs qui restent dans le fond de la mine, usines en arrêt… les conséquences sont en cascade. Au lieu de s’interroger sur le besoin d’électricité, les médias indiens et étrangers (dont LE MONDE*) cherchent des explications, on joue au « Blame game », le « jeu de la responsabilité », on aime se poser les fausses questions.
En effet le black-out indien n’est pas très grave, c’est une interruption temporaire d’approvisionnement en énergie. Dans un pays où les deux tiers des foyers seulement sont raccordés au réseau électrique et où les coupures de courant sont très fréquentes, l’incident doit être relativisé. Mais dans un pays comme la France où tout passe par l’électricité, une panne électricité géante serait un cataclysme. Il n’y a pas vraiment de problème d’offre ou de transport d’énergie, mais d’abord une question de demande. Va-t-on envisager de construire d’autres centrales nucléaires plus ou moins EPR ? Va-t-on faire fonctionner des centrales thermiques au charbon ? Ou bien va-t-on abandonner en Inde la coutume d’incinération des corps, se passer des climatiseurs, des pompes à eau dans les campagnes et rester à la bougie dans les foyers ? Va-t-on abandonner en France la carte bancaire et le portable, les ascenseurs et les escalators ? Dans nos sociétés thermo-industrielles, les problèmes énergétiques ne font que commencer avec le pic pétrolier et celui de l’uranium, les dangers du charbon, le réchauffement climatique…
Un jour il faudra se passer du nucléaire et des combustibles fossiles, c’est donc une vraie cure de désintoxication, un sevrage d’électricité qui devrait commencer dès aujourd’hui. Une panne n’est que le révélateur de notre fragilité, nous sommes à la merci de conséquences en cascade. Qu’on le veuille ou non, l’avenir sera dans la frugalité, certainement pas dans le toujours plus. L’accès à l’électricité n’est pas un droit, que ce soit en Inde ou ailleurs. Nous sommes dépendants des ressources naturelles, il faudrait en prendre conscience lors de chaque black-out !
* lemonde.fr | 01.08.2012, « Blame game » : les médias indiens cherchent les responsables de la panne électrique géante
LE MONDE | 01.08.2012, Les infrastructures défaillantes de l’Inde à l’origine de la panne d’électricité géante
lemonde.fr | 31.07.2012, L’Inde s’interroge sur ses capacités énergétiques après un black-out géant