Passage aux 80 km/h, une limitation de notre démesure

Aucun écologiste ne peut être contre la limitation à 80 km/h sur la plus grande partie de notre réseau routier. Mais que ce soit pour la bonne raison, pas pour la diminution du nombre de morts alors que la population française est excédentaire, mais pour des raisons de fond. C’est ce que fait Julien Dubuis, professeur de sciences économiques et sociales, dans une tribune du MONDE* : « Une baisse de 10 km/h réduit la consommation d’essence aux 100 km d’environ 0,8 litre. Pour un couple d’automobilistes moyens, cela représenterait 240 euros d’économie par an pour le ménage, selon la Sécurité routière. A cela s’ajoutent des bienfaits écologiques. Une baisse de la consommation totale de carburant signifiera une moindre pollution atmosphérique (ndlr, y compris pour l’effet de serre). Enfin, brûler moins de carburant réduit les importations de pétrole brut. Au-delà du cas français, le pétrole est une ressource précieuse car non renouvelable, qui se raréfie. Toutes les mesures permettant de l’économiser, comme conduire moins vite, vont dans le bon sens. Tous ces bénéfices pourraient être doublés, ou triplés, si la vitesse légale diminuait aussi sur les autoroutes et en ville… »

Passer aux 80 km/h va donc dans le bon sens, mais les automobilistes conscients des limites de la biosphère devraient se rendre compte que ce n’est qu’une étape vers le dévoiturage, c’est-à-dire l’abandon à moyen terme de la voiture individuelle comme moyen de déplacement. Car quand il n’y aura presque plus de pétrole, essence ou gas-oil seront à des tarifs dissuasifs. Nous devons nous préparer à cet événement géo-physique inéluctable. Des évolutions favorables qui limitent notre usage de la voiture sont déjà en cours, le covoiturage, les ralentisseurs qui se multiplient, le recours aux transports collectif. Mais le gouvernement devrait prendre bien d’autres mesures comme le bridage des moteurs. Notre ministre de l’écologie Nicolas Hulot devrait revendiquer ce qu’il écrivait avant d’être ministre : « Moteur du dynamisme économique et de la mobilité individuelle, le trafic routier se présente en même temps comme une des causes principales du fameux effet de double ciseau : raréfaction de la ressource pétrolière d’une part et aggravation de l’effet de serre d’autre part… En matière automobile, les réglementations nécessaires sont faciles à mettre en œuvre et à être comprises de l’opinion (réduction des vitesses ou seuil d’émission de 80 g de CO2 par kilomètre, par exemple)… On nous construit des voitures qui provoquent des tentations alors que les choses seraient plus claires si leur vitesse était limitée. Il faut être cohérent, car l’être humain a aussi ses propres faiblesses. Il m’arrive de dépasser les limites sans m’en rendre compte. On ne peut pas demander aux individus d’avoir une vigilance permanente. Si le moteur de la voiture était bridé, on n’en parle plus. Il faudrait que l’Europe dise à l’unisson : Ne rentrent dans nos frontières que les véhicules bridés…  »

Bien sûr on devrait aller encore plus loin si l’avenir nous intéresse. Chaque unité familiale ne devrait être autorisé à posséder qu’une seule voiture, une voiture en circulation devrait avoir au moins deux (ou trois) personnes à bord, les péages urbains devraient être monnaie courante, etc., etc.

* LE MONDE économie du 7 juillet 2018, « Le passage aux 80 km/h apporte aux automobilistes des bienfaits financiers et écologiques »

5 réflexions sur “Passage aux 80 km/h, une limitation de notre démesure”

  1. C’est avec plaisir que je vois que cette fois, marcel est « entièrement d’accord avec moi ». Et que Didier Barthès est « 100% d’accord avec Marcel ». Du coup nous sommes tous les 3 entièrement d’accord à 100%.
    Comme quoi on progresse. Encore un petit effort et nous serons tous les 3 d’accord sur le reste. Eh quoi, j’ai le droit de rêver moi aussi, non ?

  2. Didier Barthès

    100 % d’accord avec Marcel, c’est en ce sens qu’il faut aller. Notons d’ailleurs qu’hélas des règlementations toujours plus tatillonnes en matière de contrôle technique, la gadgetisation des voitures et parfois des primes à la casse (une aberration écologique) ne vont pas dans cette direction.

    Faisons des voiture plus simples et plus durables

    On pourrait imaginer une obligation de garantie systématique de 5 voire 10 ans pour tous les véhicule, cela en augmenterait un peu le prix mais nous pourrions compenser largement en supprimant tous les équipement gadgets qui transforment les conducteurs en grands enfants ravis d’appuyer sur plein de boutons

  3. « Si le souci écologique était réel on ne construirait que de petites bagnoles, légères, faciles à réparer, et ceci sans négliger la sécurité. Des bagnoles qui n’auraient pas besoin de changer de look tous les ans. Ce « besoin » d’innover chaque année, pour chaque salon, est une aberration qui représente un gaspillage monstre de matières et d’énergie. »

    Entièrement d’ accord pour des voitures « durables « dotées d’ un équipement élémentaire car leur fonction est de nous mener d’ un point à un autre sans plus .

  4. Si je comprends bien la première phrase, parce que la population française est « excédentaire »… nous ne devrions pas chercher à réduire le nombre de tués sur les routes. Mis à part ce « détail » (comme dirait un sinistre borgne), bien entendu un écolo ne peut pas être contre cette limitation à 80 km/h. Mais un écolo peut être pour, et en même temps … il a de bonnes raisons de râler.
    De râler notamment contre l’hypocrisie générale qui semble convenir à bon nombre. Il serait en effet très facile de brider les bagnoles, du moins de faire en sorte qu’elles ne puissent pas dépasser les vitesses autorisées (avec un GPS c’est facile). Mais les amoureux de « belles mécaniques », de vitesse et de « liberté » ne seront probablement pas d’accord avec cette mesure. En effet à quoi bon acheter une tire faite pour rouler à 250 si on l’empêche d’exprimer tout ce qu’elle a sous le capot ? Et puis la deudeuche n’est pas ce qu’on a fait de mieux comme symbole de « réussite » sociale.
    Si le souci écologique était réel on ne construirait que de petites bagnoles, légères, faciles à réparer, et ceci sans négliger la sécurité. Des bagnoles qui n’auraient pas besoin de changer de look tous les ans. Ce « besoin » d’innover chaque année, pour chaque salon, est une aberration qui représente un gaspillage monstre de matières et d’énergie.

    Mais le problème c’est que la bagnole est sacrée, et que son culte et son industrie participent très fort à faire tourner la Machine.

    PS : ça y est, on a ga-gné ! Champions du monde ! Elle est pas belle la vie ?

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