Perturbateurs endocriniens, 1er test pour Nicolas Hulot

Cela commence mal. Le premier test grandeur nature pour Nicolas Hulot sera acté le 4 juillet, date où la Commission européenne va voter la réglementation des perturbateurs endocriniens (PE). Dans son programme environnemental, Emmanuel Macron assurait : « Nous fixons le cap de protéger les Français de leur exposition aux perturbateurs endocriniens, autres que les pesticides. Nous interviendrons avec fermeté au niveau européen pour revoir totalement les méthodes d’évaluation des produits. » Mais il ménageait comme d’habitude la chèvre et le chou en préconisant une interdiction « progressive » de certains PE tout en estimant que leur «éradication complète n’est pas possible». Rompant avec la fermeté affichée par Ségolène Royal, la France s’apprêterait, selon les informations du MONDE*, à accepter la proposition de critères laxistes : une dérogation, critiquée par les spécialistes du système hormonal, protégerait d’un éventuel retrait du marché des pesticides « conçus spécifiquement pour perturber les systèmes endocriniens des insectes ciblés » alors qu’ils sont aussi susceptibles d’atteindre ceux d’autres espèces animales, dont l’homme. L’ancienne ministre française de l’environnement, Ségolène Royal, en avait fait un casus belli : depuis le 15 juin 2016, l’exécutif européen a échoué à cinq reprises à obtenir la majorité qualifiée nécessaire pour faire passer son projet. Mais l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée et de Nicolas Hulot à l’hôtel de Roquelaure semble avoir changé la donne. De sources concordantes à Paris et à Bruxelles, la France envisagerait de céder à la Commission sur ce dossier hautement sensible. Que pensent les scientifiques ?

Trois sociétés savantes internationales représentant des milliers de chercheurs et de cliniciens ont adressé, jeudi 15 juin, une lettre aux vingt-huit ministres européens chargés de l’environnement pour les mettre à nouveau en garde contre la faiblesse du projet de réglementation des perturbateurs endocriniens (PE) proposé par la Commission européenne. Les scientifiques reprochent au texte de poser des exigences de preuves scientifiques bien trop élevées pour que des PE soient effectivement identifiés comme tels et soumis à des restrictions ou à des interdictions. Les critères ne sont pas « fondés sur la science », ajoutent les trois sociétés savantes, qui pointent notamment l’« exemption arbitraire », introduite en décembre 2016 à la demande expresse de l’Allemagne. L’écologie « en marche » va-t-elle connaître des ratés dès ses premiers pas ?

Rappelons que, dès l’élection comme président d’Emmanuel Macron, Nicolas Hulot était devenu à 62 ans ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire. Il était épaulé par Elisabeth Borne, 56 ans, ministre auprès du ministre de la transition écologique chargée des transports. Le 21 juin 2017 après le second tour des législatives, on adjoint à Nicolas Hulot deux secrétaire d’État, Sébastien Lecornu, plus jeune membre du gouvernement à 31 ans et Brune Poirson. Ce ne sont pas des écologistes, juste des politiques. Manière pour Macron de contrôler Hulot ? Sébastien Lecornu militait à l’UMP dès l’âge de 16 ans et en 2005 il était assistant parlementaire puis il a enchaîné les postes politiques, en particulier auprès de Bruno Le Maire. Brune Poirson est un symbole de la vague LREM aux législatives. Elue députée du Vaucluse, elle avait aussi débuté sa carrière professionnelle en tant qu’attachée parlementaire et deviendra « chercheuse sur l’innovation sociale et la responsabilité sociale des entreprises ». Elle correspond au niveau « social » de ce ministère à l’écologie « solidaire ». En 2009, elle avait en effet rejoint l’Agence Française de Développement au poste de coordonnatrice de développement à New-Delhi, en Inde, sur un projet de distribution d’eau potable dans les bidonvilles. L’écologie « en marche » va-t-elle se dissoudre dans le social, l’économique ou le politicien ? La question reste ouverte !

* LE MONDE du 18-19 juin 2017, Perturbateurs endocriniens : les scientifiques alertent sur le laxisme de Bruxelles

5 réflexions sur “Perturbateurs endocriniens, 1er test pour Nicolas Hulot”

  1. Le choix de Sébastien Lecornu et Brune Poirson n’est pas celui de Nicolas Hulot. Mais chaque secrétaire d’Etat pouvant disposer de cinq conseillers, c’est donc un cabinet deux fois plus étoffé qui va entourer le ministre de la transition écologique : « La situation n’était pas tenable, nous étions dix jusqu’à présent, mobilisés tous les jours jusque tard dans la soirée, alors que cabinet de Ségolène Royal comptait trente personnes », dixit Nicolas !

  2. Oui, la décroissance de la cupidité et / ou du nombre sont indispensables car les lois de la nature ne sont pas libérales, démocratiques, républicaines, capitalistes ou communistes ou en marche ou insoumises.
    Elles sont.
    Et malheur à ceux qui n’en comprendront pas les subtilités.

  3. L’ecotartufferie dans sa splendeur…
    Et en plus, pendant ce temps 50 molécules chimiques supplémentaires sont répandues dans la nature sans étude d’impact.

  4. Interviewé par J J Bourdin sur les perturbateurs endocriniens le 23 juin 2017, Nicolas Hulot a pris des positions qui vont dans le bon sens : il juge le texte sur les perturbateurs endocriniens actuellement proposé par la Commission européenne comme insuffisant, notamment parce qu’il contient des possibilités de dérogations inacceptables autant qu’absurdes pour des familles de pesticides pourtant conçus pour agir sur le système endocriniens !
    La volonté du Ministre de négocier, jusqu’à la date du vote le 4 juillet, une amélioration de ce texte avec l’Allemagne est également positive, car c’est l’Allemagne qui a par exemple obtenu ces dérogations spécifiques.

  5. Oui, c’est un sujet vraiment important, nous laisser aller à trop de tolérance sur ces produits pourraient nous coûter très cher demain, comme cela coûte déjà à la nature.
    Nicolas Hulot a une mission bien difficile, les inévitables compromis qu’il devra effectuer (comme toujours lorsque l’on se confronte à l’action plutôt qu’aux seules idées) risquent de fâcher ses admirateurs et soutiens et en même temps il aura peut-être l’occasion de faire vraiment quelque chose pour la nature et non de se contenter d’invective.
    Pour ma part avec l’association Démographie Responsable je tenterai toujours d’attirer l’attention des différents responsables sur ce qui est, je crois, le facteur déterminant de notre relation avec le monde : nos effectifs

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