Peter Singer, utilitarisme et antispécisme 

Quelles certitudes garde-t-on à la fin de sa vie ? Comment voit-on la mort lorsqu’elle se rapproche ? Dans cette série, « Le Monde » interroge des personnalités sur ce qui passe et ce qui reste. Par exemple Peter Singer, 78 ans, un philosophe australien parmi les plus influents au monde. En résumé, ses idées :

L’utilitarisme repose sur l’idée qu’il est de notre devoir de maximiser le bien sur terre, et Singer est célèbre pour avoir étendu cette idée à la prise en compte des intérêts des animaux. Son livre La Libération animale (Evergreen, 1975) est reconnu comme le fondement philosophique du mouvement antispéciste.

Le spécisme, établit une hiérarchisation arbitraire établie entre les espèces. Peter Singer inscrit la libération animale dans un sillage historique, celui de l’émancipation des Noirs et des femmes. Il s’agit d’élargir le cercle de la considération morale, comme on l’a élargi auparavant par-delà les races et le sexe.

– L’éthique utilitariste est une éthique laïque, elle s’oppose nettement aux éthiques religieuses.

– J’accepte mieux l’idée que nous ne sommes pas des êtres purement rationnels, évidemment. En revanche, ce n’est certainement pas éthique de tourner le dos aux faits. On sait à quel point la vie des animaux non humains est horrible dans les fermes industrielles, pourtant des gens me disent encore : « Ne m’en parlez pas, vous aller gâcher mon dîner. Je ne veux pas le savoir. » Ce n’est pas une position acceptable.

Mon texte Famine, Affluence and Morality (« famine, richesse et moralité », essai non traduit, 1972) a inspiré un autre mouvement philanthropique appelé « altruisme efficace », qui suppose de pratiquer la charité de la façon la plus rationnelle possible, en essayant de se détacher de ses émotions. Il donne une large partie de ses revenus à des organisations choisies pour leur efficacité. Cela m’a rendu plus radical sur la question de ce que les personnes ayant un certain niveau de richesse devraient faire pour aider les personnes en situation d’extrême pauvreté.

– Jusqu’à quand votre vie vaudra-t-elle la peine d’être vécue ? Tant que j’aurai plus d’états de conscience positifs que d’états de conscience négatifs

– Heureusement, comme nous disposons aujourd’hui, en Australie, d’une aide volontaire à mourir, je ne m’inquiète plus beaucoup à ce sujet. Cela donne une certaine assurance que, si les choses tournent mal, vous n’aurez pas à souffrir plus longtemps que vous ne le souhaitez.

– La chose la plus effrayante est l’idée que l’on ne saura pas ce qui va se passer, par exemple si le monde réussira à faire face au changement climatique.

Lire, Questions d’éthique pratique de Peter SINGER (1993)

extraits : du point de vue de l’éthique de l’environnement, le choix de nos loisirs n’est pas neutre. Bien que nous considérions le choix entre la course automobile et la bicyclette, entre le ski nautique et la planche à voile, comme une pure question de goût, la différence est essentielle : la course automobile et le ski nautique supposent la consommation de carburants fossiles et l’émission de dioxyde de carbone dans l’atmosphère ; le vélo et la planche à voile, non. Quand nous aurons pris au sérieux la nécessité de protéger notre environnement, la course automobile et le ski nautique ne seront pas une forme de divertissement plus acceptable d’un point de vue éthique que ne le sont aujourd’hui les combats d’esclaves ou de chiens. La planche à voile est peut-être préférable au ski nautique, mais si nous achetons sans cesse de nouvelles planches à voile au gré des changements de mode du design (ou si nous allons à l’océan en voiture), la différence devient négligeable.

4 réflexions sur “Peter Singer, utilitarisme et antispécisme ”

  1. Esprit critique

    – « Le plus grand bonheur du plus grand nombre » (Jeremy Bentham)

    L’utilitarisme évalue les actions (bonnes ou mauvaises) en fonction de leurs…conséquences (conséquentialisme). Une action moralement juste est donc une action dont les conséquences sont bonnes. Premier problème (première critique), personne (à part madame Irma) ne peut prévoir les conséquences réelles de telle ou telle action. Si les parents d’Hitler avait écouté Malthus, si ceci et si cela, alors etc. etc. Quant aux conséquences du battement d’aile du papillon… Bref, que pèse le hasard dans cette équation ? Second problème, pour pouvoir mesurer le bonheur, voire le bien-être, le plaisir… comme ON le fait aujourd’hui avec le «moral des ménages»… encore faudrait-il d’abord les universaliser. (à suivre)

    1. (suite) Sur quels critères va t-ON alors institutionnaliser (normaliser, imposer) telle ou telle version (vision, définition) du bonheur ? Que vaut, que pèse, le Bonheur insoutenable d’Ira Levin (1970) par rapport à celui du Meilleur des mondes d’Huxley ? Que vaut le plaisir de Johnny dans l’équation ? (« Fais-moi mal, Johnny, Johnny ! Envole-moi au ciel, zoum ! »)
      Et si en plus Noé et toute son arche s’invitent dans l’affaire… le plaisir du gros chien au coup pelé et le bonheur du loup famélique libre comme l’air… alors là !!!
      Cette philosophie (aux nombreuses versions) me donne à croire que tout et n’importe quoi peut-être quantifié… mesuré, pesé, évalué, comparé. Pourrait même être planifié, et sous contrôle. Pourquoi pas d’un super ordinateur… Pour le plus grand bonheur du plus grand nombre évidemment !
      Mais bon, ce que j’en pense et ce que j’en dis n’est évidemment pas parole d’évangile.

  2. Esprit critique

    Hier Claude Allègre, aujourd’hui Peter Singer. Même si je sais encore faire la différence entre une vessie et une lanterne, je ne me risquerais évidemment pas à dire que l’un vaut 10.000 fois plus que l’autre. Ni que pour le plus grand bonheur du plus grand nombre il eut mieux valu que l’un ou l’autre ne voit jamais le jour.
    Pour moi Peter Singer restera sans conteste un grand philosophe. Plus moins que Kant ou Nietzsche peu importe, en tous cas bien plus que nos actuels «philosophes» meRdiatiques.
    Du moment qu’elle ne s’impose pas comme une religion, la philosophie nous permet d’ouvrir des portes, de décoloniser nos imaginaires, d’avancer. Cela vaut pour toutes les philosophies.

    – Quelques malentendus au sujet de l’antispécisme. Analyse de l’argumentation de Philippe Larralde dans son article concernant l’antispécisme (Malo Morvan cairn.info)

    1. esprit critique

      – « Il apparaît ainsi que la critique utilitariste du « spécisme » proposée par cet auteur si influent constitue une vertigineuse régression intellectuelle anti-humaniste reposant finalement sur « l’oubli » de son propre point de vue, c’est-à-dire sur une grossière illusion métaphysique. En un mot une telle critique se fonde sur un point de vue philosophique absurde. » (La critique du « spécisme » comme illusion métaphysique. Pour un regard critique sur notre relation aux animaux non humains. Par Philippe Larralde – cairn.info)

      D’un côté nous avons Philippe Larralde … et de l’autre Malo Morvan, qui tente d’éclaircir certains malentendus. Et entre les deux, si ce n’est au-dessus… nous avons Peter Singer.
      Bonne lecture et bonne analyse.

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