pour en finir avec la chasse-loisir, chasse sans avenir

C’était l’ouverture de la chasse le 15 septembre, Corentin Mollot, 16 ans, va tirer sa première perdrix*. Le droit de tuer jusqu’au 28 février. Les chasseurs sont encore 1,3 millions. Trop de chasseurs, presque plus de gibier. Autrefois c’était une chasse de proximité, réservée aux paysans qui faisaient là une cueillette complémentaire. On fabriquait soi-même ses cartouches, le fusil se transmettait de père en fils. Et puis il y a eu l’industrialisation de la chasse, les fusils à répétition qui ne laissent aucun chance à la perdrix, la horde de chasseurs qui sortent de leur 4×4 pour encercler le lièvre, le productivisme agricole qui éradique le potentiel cynégétique, les sociétés de chasse qui lâchent les faisans d’élevage la veille de l’ouverture. On a vu des chasseurs suivis par des faisans affamés qui attendaient d’être nourris par eux ! Ce n’est plus la recherche d’un complément alimentaire, c’est le massacre à la tronçonneuse, c’est un loisir coupable qui se croit responsable. On aménage des jachères pour la faune sauvage, on équipe des tracteurs de barres d’effarouchement pour éviter que les animaux soient broyés, on indemnise les agriculteurs pour les « méfaits » des sangliers. Il paraît même qu’il y a des quotas… un chasseur qui tue une perdrix ne pourra en tuer une autre de toute la saison. Mais qui suivra à la trace Corentin Mollot ? Comment plus d’un million de chasseurs français peuvent-il évoluer à leur aise dans des paysages urbanisés, fragmentés et « désanimalisés » ? On « gère » une nature sauvage qui n’avait pas besoin de nous jusqu’il y a peu.

Comme l’exprimait Aldo LEOPOLD**, « le chasseur ne devrait pas être cette fourmi motorisée qui envahit les continents avant d’avoir appris à voir le jardin à côté de chez lui ». De son point de vue, toute créature est membre de la communauté biotique, et comme la stabilité de celle-ci dépend de son intégrité, elle doit avoir le droit d’exister. La land ethic implique le respect des membres de la communauté. Donc Aldo cultivait les vertus de l’autolimitation du désir de  capture. Il s’agit, par respect pour l’animal qu’on traque, d’imposer des freins à l’action des chasseurs ; il faut par exemple chasser léger, une cartouche seulement par animal, tirer les perdrix à la volée, etc. Mais l’éthique de la terre, qui l’a apprise aux chasseurs contemporains ? Les chasseurs sont devenus incompétents parce qu’ils ont enfreint la règle primordiale de tout bon parasite : ne pas tuer son hôte. En acculant à l’extinction espèce vivante après espèce vivante, ils sont tombés dans le piège de la perte de biodiversité et de la raréfaction du gibier.

Gérard Charollois*** a été vice-président du Rassemblement des opposants à la chasse. Pour lui, il existe des chasseurs conscients des excès et qui seraient prêts à les réformer, mais le problème français est que les plus radicaux sont parvenus à la tête des fédérations. Son livre traite de la chasse-loisir, personne en France ne chasse plus pour se nourrir. Il note que la chasse est abolie à Ceylan et dans la majeure partie du sous-continent indien. Pourquoi pas en France ?

* LE MONDE du 18 septembre 2013, Dans les champs et les bois de Baby, la nostalgie du chasseur face à la pénurie de gibier

** Almanach d’un comté des sables d’Aldo Leopod (première édition en 1949)

***  Pour en finir avec la chasse  (la mort-loisir, un mal français) de Gérard Charollois (Radicaux libres, 2009)