Accorder un droit de veto suspensif à une chambre composée d’experts et de citoyens corrigerait la myopie du Parlement face à l’urgence écologique, propose le philosophe Dominique Bourg* :
« La catastrophe écologique actuellement à l’œuvre a pour cause essentielle l’incapacité de l’espèce humaine à raisonner sur le long terme, à anticiper les drames à venir. Les impacts des changements écologiques sur nos vies se font encore peu sentir, nos démocraties représentatives restent donc de marbre. Tout ce qui renvoie au long terme apparaît comme une entrave à cette course à la croissance des activités économiques et des biens matériels.Comment corriger notre myopie face à l’avenir ? En introduisant une « assemblée du long terme ». Cette assemblée de 200 membres serait composée pour partie de personnalités aux compétences reconnues, issues des mondes associatif ou académique, et pour une autre de citoyens tirés au sort mais formés aux problématiques du long terme. Cette mixité permettrait d’éviter l’écueil d’une institution trop technocratique. Cette chambre de non-élus aurait pour prérogative principale de veiller, avant la promulgation d’une loi, au respect de deux principes constitutionnels. Le premier, ne pas consommer plus de ressources que la Terre n’en produit en une année, et de ne pas émettre plus de « pollutions » que ce qu’autorisent les capacités de traitement du système naturel. Le second,permettre à l’Etat d’emprunter directement auprès de la banque centrale à taux zéro pour les investissements de long terme comme l’adaptation au changement climatique. Si un projet de loi entre en contradiction avec ces deux principes, l’assemblée du long terme utiliserait son pouvoir de veto suspensif. Pas plus : elle n’est pas là pour statuer et voter, mais pour inciter le Parlement à débattre à nouveau. »
C’est à peu près ce que propose le présidentiable Yannick Jadot au nom d’EELV dans sa 56e mesure (sur 76) : « Faire évoluer le mandat et la composition du Conseil économique, social et environnemental pour en faire une troisième chambre, aux côtés de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui aurait un droit de veto suspensif sur toute mesure législative qui mettrait en cause le long terme. »
*LE MONDE du 13 janvier 2017, Rénover la gauche : « Face aux défis environnementaux, il faut créer une Assemblée du long terme »
Encore et toujours le dilemme du prisonnier. Gérer le long terme implique des sacrifices, dont les bénéfices iront à tous y compris ceux qui les ont refusés. C’est mal parti avec Trump, qui n’a dans toute sa campagne fait que caresser le Ça de ses électeurs.
JL Mélenchon, dans le programme de la « France insoumise », énonce une institutionalisation du long terme de façon très concise et édulcorée : « Une Assemblée de l’intervention populaire émettant un avis sur l’impact écologique et social des lois. »