Reporterre, 16 février 2018 : Posons correctement la question des déchets. En soulignant que la situation dans laquelle l’industrie nucléaire a conduit la France est particulièrement compliquée. Pourquoi ? Parce que, alors que les autres pays exploitant l’énergie nucléaire n’ont à gérer qu’un seul type de déchets, les combustibles usés sortant très radioactifs des réacteurs, la France s’est engagé dans la voie du retraitement, qui aboutit à créer cinq types de déchets, comme nous l’avons expliqué en détail cette semaine : les actinides mineurs ; le plutonium ; le MOx usé ; l’uranium de retraitement ; le combustible uranium usé. Comme chacun présente des caractéristiques radioactives et thermiques différentes, chacun appelle une solution particulière. Autrement dit, alors que, par exemple, les États-Unis ou la Suède n’ont à gérer qu’un seul type de déchets nucléaires — et n’y trouvent d’ailleurs pas de solution —, la France a cinq casse-tête au lieu d’un. L’honnêteté consisterait à le reconnaître, plutôt qu’à faire croire à l’opinion qu’il y a des « déchets nucléaires » et qu’il suffira de les enfouir pour régler le problème. Il est temps de réfléchir à l’entreposage à sec, qui est pratiqué à grande échelle dans plusieurs pays.
Déchets nucléaires : il faut que l’État cesse de mentir
XXX, 12 février 2014 : Je travaille depuis longtemps au CEA dans le secteur de la thermique. Tout le monde comprendra que je ne saurais m’exprimer en dehors de la protection par un pseudonyme. Voici mon point de vue. Les liquides conduisent mieux la chaleur que les gaz, et c’est la raison pour laquelle on procède à un pré-stockage des éléments les plus chauds, issus du déchargement de cœurs, dans de l’eau, pendant des années quand le combustible est de l’uranium, temps qui atteindra 50 à 60 années pour le combustible MOX, où l’élément thermogène est le plutonium. Dans les solides, tout mouvement de convexion est par définition impossible et, si on excepte les métaux, ce sont les milieux les moins conducteurs de la chaleur qui soient. Ainsi toute galerie contenant des colis dégageant de la chaleur est susceptible de se transformer en four. Se pose alors la question du conditionnement des déchets à vie longue, les plus dangereux, dans leurs sarcophages de verre. A température ordinaire, la géométrie des verres ordinaires n’évolue pas, même à l’échelle de temps géologiques, même sur des milliards d’années. Ce conditionnement, si on vise une dispersion minimale semble donc optimal, s’ajoutant à une très faible solubilité dans l’eau et à une excellente résistance aux attaques chimiques. Mais le verre se comporte comme un fluide à une température de 1400-1600°C, toujours aisément atteignable dans un four. Dans une verrerie, on travaille ce matériau à des températures allant de 400 à 600°. On lit qu’au moment de leur enfouissement les colis dégageront des flux thermiques allant de 200 watts, jusqu’à 500 et 700 watts pour ceux qui contiennent des déchets issus des cœurs ou du retraitement. C’est absolument énorme. Le contrôle thermique devra être assuré à l’aide d’une ventilation de telle façon que la température de l’argile se maintienne en dessous de 70 à 90°C. Il y a deux sources d’échauffement possibles. Celles issues des décompositions radioactives, qui sont calculables et celles, accidentelles, qui découleraient de l’inflammation d’hydrogène dégagé au fil de la décomposition de matières plastiques, qui ne sont ni calculables, ni prédictibles, ne serait-ce que parce qu’on ne dispose pas d’un inventaire précis des contenus de chaque colis scellé. Le stockage souterrain, sur le long terme, est donc toujours dangereux parce que très difficile à contrôler. Je remarque au passage que CIGEO n’a nullement été conçu pour stocker les déchets qui seront issus du MOX (constitué d’environ 7 % de plutonium et 93 % d’uranium appauvri). La production électronucléaire, outre sa dangerosité et l’impossibilité de démanteler les installations, représente une erreur technologique de notre temps. L’accumulation de déchets ingérables, d’origine nucléaire, s’inscrit dans l’ensemble des activités humaines, dans la mesure où celles-ci se sont résolument écartées de toute idée d’équilibre naturel. L’humanité a forgé l’expression, « bio-dégradable » alors que tout ce que produit la nature est par essence bio-dégrable, depuis les excréments, les rejets gazeux, jusqu’aux structures pourrissantes. Une infinité de mécanismes étaient en place qui débouchaient sur une régulation de la biosphère, qui avait fait ses preuves jusqu’à l’apparition de l’homo technologicus. L’homo technologicus est un accumulateur de déchets de longue durée de vie. Les déchets de l’industrie nucléaire ne font qu’étendre la gamme des déchets en tous genres. Aucun agent biologique ou chimique ne peut les dégrader. L’idée d’entreposer des déchets, dont la durée de vie se chiffrerait en milliers de générations humaines, dans des galeries ajoute le risque d’une contamination de la croûte terrestre, sur des étendues que personne aujourd’hui ne saurait suspecter, du fait des incontrôlables circulations phréatiques.
La conclusion s’impose, vis à vis d’un projet comme CIGEO. Le seul système de stockage tout à la fois actuellement praticable et politiquement responsable est un stockage en surface, qui permet une évacuation illimitée de calories, à un rythme élevé et continu, par convexion, sans risque de surchauffe accidentelle, avec accessibilité garantie. Une solution consisterait non à les placer dans des grottes, accessibles, taillées à flancs de falaises, légèrement surélevées pour mettre leur contenu hors d’atteinte d’une inondation, naturellement ventilées et placées sous bonne garde. C’est la réelle maîtrise d’une future « chimie des noyaux » qui, en mettant en œuvre des mécanismes qui, à haute température, permettront d’orienter les processus de transmutations, rendront possible de réellement retraiter ces dix millions de tonnes de déchets nucléaires. Nos descendants, quand ils sauront maîtriser ces technologies, peut-être dans moins d’un siècle au train où vont les choses, seront bien en peine de récupérer si nous décidons de donner suite à ce projet de stockage profond.
Bonjour
Cette personne prétend être un scientifique anonyme. Or cette personne exprime des flux en watts, ce qui n’est pas homogène et ne permet pas de vérifier ses assertions.
Elle pretend que tout ce que produit la nature est biodégradable c’est faux (jusqu’à preuve du contraire, la Terre, la Mer, ne sont pas en train de se biodegrader)
Elle pretend que les tours de stockages se comporte comme des fours, alors que ça n’a rien a voir. Les flux de gaz dans un four apporte le comburant (air) nécessaire à l’entretien de la combustion. A contrario, l’effet cheminée (flux d’air forcé par la différence de température entre le haut et le bas d’une colonne augmente la dissipation d’énergie dans l’atmosphère.
Ce texte est donc un faux ou de l’enfumage pour parler franc.
Ce qui est admirable avec le nucléaire civil ou (militaire), c’est qu’il provoque des catastrophes lentes qui n’en finissent jamais. Pensez aux irradiés d’Hiroshima et Nagasaki, pensez aux environs évacués de Tchernobyl et de Fukushima…
Sur ce problème des plus complexes, voire insoluble, en écoutant J-M Jancovici nous dire très tranquillement … » on fait un trou à 450 m de profondeur, on les y fout dedans et on les oublie. Terminé, le problème est réglé ! » … moi le candide, j’avoue m’être dit « après tout il doit avoir raison, c’est tellement simple, comment n’y avons-nous pas pensé plus tôt ? »
https://www.youtube.com/watch?v=Fp6aJZQldFs
En relisant l’article Biosphère du 23 février (« Les zadistes à Bure, c’est un combat perdu d’avance ») je découvre à l’instant cet échange récent (10 au 13 mars) entre Thierry Hilaire et Biosphère. Précédemment j’avais évoqué la position de Greenspeace, plus loin Biosphère faisait part du communiqué d’EELV, tous les deux favorables à des stockages en subsurface.
Et aujourd’hui Biosphère, loin de vouloir enterrer ce débat, nous livre un nouveau point de vue, « pour une alternative à l’enfouissement à Bure », afin de creuser ça plus profond…
Je pense donc que Biosphère est comme moi, il ne maîtrise pas le sujet, donc il ne peut raisonnablement pas soutenir ce projet d’enfouissement. Reconnaissons-lui au moins le mérite de nous permettre d’en apprendre un peu plus sur ce sujet compliqué et donc de réfléchir un peu plus loin.
Merci donc à Biosphère, et aussi à ce monsieur XXX , et à Thierry Hilaire. Quant à remercier Janco, sur ce coup je me tâte.
Soucieux de permettre une réflexion approfondie de nos lecteurs, nous avons repris sur notre blog un argumentaire qui nous a été envoyé. Cependant mettre des déchets à très longue vie dans des piscines ou dans des grottes ne dit rien sur les possibilités humaines de maintenance des lieux pendant des centaines d’années. La question reste donc entière : vaut-il mieux des déchets toxiques à 500 mètres sous terre ou à l’air libre pendant une période qui dépasse nos capacités socio-économiques ?