Quel est mon état d’esprit à la veille du scrutin du 22 avril ? Le rituel électoral des présidentielles, s’il est central pour la gente politique et les journalistes, me paraît tout à fait secondaire. Notre vie quotidienne est surtout constituée de nos engagements personnels, type de travail, consommation réellement choisie, interrelations conviviales… et la démocratie représentative n’a que peu d’influence sur cela. Je compte sur mes propres forces, je n’ai aucun confiance dans un pouvoir que je déléguerai à une seule personne au nom de plus de 60 millions de Français. Le pouvoir ne va pas au peuple, il est confisqué. J’en ai marre de ce parlement bicolore où une oligarchie se préoccupe moins de l’intérêt général que de la réélection de ses membres : un système de bandes et de prébendes.
Calme et décidé, je vais voter sans hésitation… contre l’opinion dominante. Je ne vais pas voter « utile », ce qui me semble futile, je vote sincère, stratégique, avec une vision du long terme. Je ne vote pas en fonction de ce qui serait le mieux pour le second tour, je vote pour le programme que devrait porter un président élu. Je ne vote pas pour les impressions furtives que me donne un candidat, je vote pour ses idées. Car je n’ai pas un vote circonstanciel, obsédé par le « traumatisme » du 21 avril 2002 qui a vu l’extrême droite au second tour. Les humains ont de la mémoire, ils votent par rapport aux précédents scrutins ; mais c’est la peur qui domine, pas un projet d’avenir.
Calme et décidé, je vais voter écolo. C’est là mon seul choix depuis 1974, depuis la première candidature écolo aux présidentielles, celle de René Dumont. A l’heure de la validité scientifique des craintes sur l’avenir, pic pétrolier, réchauffement climatique, extinction des espèces, stress hydrique, désertification des sols… il n’y a pas d’autre choix que de voter écolo. Nous savons que la démocratie est le plus mauvais des systèmes… à l’exception de tous les autres. Nous n’avons donc pas d’autre choix que de penser autrement pour penser l’avenir. Les procédures démocratiques sont innombrables, le choix français du scrutin uninominal à deux tours pour les présidentielles étant un système parmi d’autres, et certainement pas le meilleur. Mais si nous voulons changer un peu quelque chose, votons pour un vote de raison, votons pour le ou la plus écolo des candidat(e)s.
Raymond Aubrac, traumatisé par le 21 avril 2002, avait appelé avant de mourir à voter François Hollande : le vote utile ! Mais c’était fondamentalement un opposant déclaré à l’élection du président de la République au suffrage universel. A ses yeux, ce mode d’élection conduisait la vie politique à la vacuité, engendrant la prééminence des personnes sur les idées, de la forme sur le fond. Il dénonçait notamment le danger d’une élection par les médias, stigmatisait la politique spectacle fondée sur l’instant, sur la réactivité plutôt que sur la réflexion, maudissait les sondages « devenus la base d’une politique court-termiste ».
Seul le vote écologique permet d’échapper à cette critique des présidentielles par Raymond Aubrac…