Quel est l’enseignement psycho-sociologique à retirer du congrès d’Europe Ecologie – Les Verts à Caen (30 novembre 2013) ? D’un côté une motion sortante où il n’y avait pas de contradictions internes. Ce n’est pas seulement parce qu’il y avait un chef reconnu, Cécile Duflot, c’était surtout parce qu’on voulait garder la majorité institutionnelle. La démarche monopoliste de proposer une motion de synthèse à laquelle tout les militants devaient se rallier relève de la psychologie de masse : englober les récalcitrants, exclure les minoritaires, accéder à un discours simple mais commun. C’est la voie de la tranquillité, de la « stabilité » disaient-ils. Mais c’est la même logique qu’un mouvement d’extrême droite, un clan, un chef et l’exclusion de ceux qui sont considérés comme méchants.
Par contraste, l’ébullition de la parole dans les autres motions donnait le tournis. La parole à la base, cela faisait confus, erratique, souvent même dissonant. La recherche du consensus était pénible, et si la méthode était démocratique, le résultat n’était pas très efficient. EELV devra adopter une démarche qui trouve l’équilibre entre la logique de clan et l’éparpillement de la libre parole, une méthode qui lie efficacité et démocratie. Il suffit que chaque militant discerne ce qui représente l’intérêt collectif à long terme de la population humaine et des non-humains. Ainsi il peut prendre parti en ne suivant que sa conscience personnelle. Le congrès ne pouvait basculer que si les délégués EELV pouvaient oublier leur appartenance clanique, analyser le plus complètement possible les effets négatifs de la participation de lerus deux ministres au gouvernement, retrouver le sens de l’urgence écologique et de la nécessité d’une nette rupture avec la société de croissance (donc avec la social-démocratie au pouvoir). Mais c’est la psychologie de masse qui a gardé la majorité à ce congrès.
Si les écologistes étaient conséquents, tous les membres du Conseil Fédéral, tous les membres du Bureau exécutif devraient toujours voter et agir en leur âme et conscience, pas en fonction des intérêts de leur groupe d’appartenance. Les deux ministres « écolos » devraient ignorer la « solidarité gouvernementale » et critiquer une gestion de court terme pour porter haut et fort la voix des générations futures. Nous avons deux ministres de l’écologie qui ont été virés par le premier ministre Ayrault pour avoir défendu un point de vue d’écologiste. Ils étaient pourtant socialistes. Les deux ministres EELV continuent de siéger au gouvernement. Il y a là une discordance qu’il nous faut expliquer.
La génération militante qui a participé à l’émergence de l’Ecologie politique par la convergence du désir de Révolution issu de mai 68, du pacifisme et de la non-violence, des combats associatifs pour la protection de l’environnement… devient minoritaire. Cette génération, qui a dépassé les 50 ans, voire les 60, est remplacée par des « quadras ». Ils sont souvent caractérisés par un parcours universitaire à bac +++, entrés en écologie politique via les postes d’éluEs et/ou de salariéEs d’éluEs. Souvent peu « frottés » aux luttes locales, ils sont beaucoup plus proches du personnel politique « classique » et se retrouvent parfaitement à l’aise dans l’alliance avec le Parti Socialiste. Mais ce positionnement ne les prépare nullement à une écologie de rupture avec la société de croissance. Ce sont les chocs que vont constituer la descente énergétique, les perturbations climatiques, la baisse des rendements agricoles… et la montée des affrontements géopolitiques qui va les réveiller : un peu trop tard ! La complexité des structures de la société qu’ils soutiennent en font la fragilité, il y aura effondrement. Le débat principal ne devrait pas voir s’affronter écolos du troisième âge et « quadras », mais écologistes conscients des périls et FN qui surfe sur nos difficultés socio-éconologiques croissantes.
Je trouve très bien vu cette fracture générationnelle des écologistes ; ça signifie que la transmission d’une certaine philosophie ne s’est pas faite, et en tout cas témoingne d’un défaut de dialogue, les 2 approches ayant leurs richesses. Toutes choses égales, cela rappelle les débats entre socialistes au début du XXème, avec ceux qui voulait participer à l’exercice du pouvoir avec les radicaux et les autres, volontiers plus critiques. Et surtout, n’oublions pas tous ceux qui sont partis en votant avec leurs pieds, écoeurés par le simplisme des Verts (ce que j’ai personnellement fait assez vite).
Concernant Nouvelle Donne, tout laisse croire (cf. les 20 propositions) que c’est un parti pour lequel le problème majeur est un problème de redistribution, du travail comme de la richesse, la question écolo étant alors un sujet subsidiaire. Point développé dans le dernier article d’Economie Durable. http://economiedurable.over-blog.com/article-nouvelle-donne-et-vieux-machin-121365793.html
Pour le dire autrement, à quand une structure ouverte, libérée des tabous idéologiques, abordant sérieusement et concrètement les virages à prendre, capable de faire partager les préoccupations écolos à une forte majorité de français ?
Isabelle ATTARD quitte EELV. Qu’en dire ?
La manière dont a été géré le parti depuis La Rochelle a multiplié les démissions comme les abandons silencieux de militants qui avaient pourtant résisté à tout depuis des années. La responsabilité de Cécile Duflot, de Jean-Vincent Placé et de tous ceux qui ont comme des veaux accepté de voter comme on le leur disait même quand ils n’étaient pas d’accord plutôt que d’exercer leur libre arbitre est écrasante dans l’état du parti, dans notre marasme. Il arrive un point où la révolte ne peut plus être raisonnée, mais mettre ses espoirs dans la dernière création de Larrouturou me semble aussi utopique que d’être allé au MODEM en 2007 (cf. Benhamias) parce que Bayrou semblait incarner la nouveauté.