Qui connaît Denis Mukwege et Nadia Murad ? Ils ont pourtant obtenu le prix Nobel de la paix 2018 pour leurs efforts afin de mettre fin à l’utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre. Qui se rappellera du premier ministre éthiopien Abiy Ahmed ? Il a pourtant obtenu le prix Nobel de la paix au pour avoir tenté de « résoudre le conflit frontalier avec l’Erythrée voisine ». Mais chaque jour dans son pays égrène son lot d’assassinés. Les heurts dits ethniques, en général ancrés dans une course aux ressources, ont provoqué près de trois millions de déplacés internes et des milliers de morts. Ici et là émerge un pouvoir local informel, l’autorité se délite tant à Addis-Abeba qu’au-delà. Face à ces réalités, le comité Nobel couronne un lauréat dont il escompte que le futur justifiera son prix. Mieux vaudrait récompenser le passé de certaines personnes ou associations, pas un improbable futur.
Le mahatma Gandhi n’a jamais eu le Nobel de la paix, mais Barack Obama oui, en 2009, un pacifiste en guerre ! Il est vrai qu’en termes d’idéologie militariste, pour avoir la paix, il faut préparer la guerre. C’est d’ailleurs le seul discours qu’Obama était capable de tenir pour recevoir sa distinction le 10 décembre : « Je suis le commandant en chef d’une nation engagée dans deux guerres. J’ai juré de protéger et de défendre mon pays. Je ne peux rester passif face aux menaces qui pèsent sur le peuple américain. Je me réserve le droit d’agir unilatéralement si cela s’avère nécessaire pour défendre mon pays. Ce qui est dangereux, c’est ceux qui ont attaqué mon pays depuis l’Afghanistan. » Barack Obama en reste au mythe de l’Etat-nation du XIXe siècle : pour bâtir « leur » pays, les Anglo-saxons envahisseurs avaient mené une guerre d’extermination contre les autochtones de l’Amérique du Nord et acheté leurs esclaves en Afrique. De toute faoçn on ne peut pas dire que l’Afghanistan constituait une menace pour la plus forte puissance militaire du monde.
En définitive, pour avoir la paix, il faut volontairement préparer cette paix et respecter pour cela les possibilités des écosystèmes. Nous devrions tous savoir à présent que le mode de vie américain actuel est celui qui perturbe le plus la planète, un président américain devrait être le premier à le savoir. Le prix Nobel « de la paix », c’était indigne de la part du jury d’Oslo. Rappelons que le prix Nobel de la paix récompense « la personnalité ou la communauté ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix » selon les dernières volontés d’Alfred Nobel. Par contre était mérité le prix Nobel de la paix décerné en 2007 au groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et à l’ex-futur président des USA, Al Gore. Le comité cherchait ainsi à « attirer l’attention sur les processus et les décisions qui paraissent nécessaires pour protéger le futur climat du monde, et ainsi réduire la menace qui pèse sur la sécurité de l’humanité ».
La liste de ceux qui ont reçu le prix Nobel de la Paix donne trop d’exemples d’incohérences pour que l’on accorde de l’importance à cette distinction.
Par définition c’est un prix politique, son attribution résulte du rapport de force au sein du jury.
Parfois cela peut nous plaire ou nous déplaire en fonction de nos préférences politiques, mais sur le fond c’est un prix qu’il est impossible d’attribuer objectivement, d’autant que pour juger il faudrait beaucoup de recul et l’attribuer des années après (c’est pourtant bien ce qu’on fait en matière de physique où, par exemple, le prix Nobel a cette année été donné pour une découverte de planète extrasolaire… il y a 22 ans !)
Je crois que Nobel d’ailleurs n’avait pas prévu cette déclinaison de ses prix et qu’il porte un nom un peu différent.
On sait qu’Alfred Nobel a écrit un testament dans lequel il demande à ce que soit créée une institution qui se chargera de récompenser « ceux qui au cours de l’année écoulée auront rendu à l’humanité les plus grands services ».
On peut déjà là, se demander ce que veut dire « rendre service à l’humanité ». Mais arrêtons de nous faire mal à la tête en nous posant trop de questions et considérons que l’invention de la dynamite a rendu un grand service à l’humanité. On sait aussi qu’Alfred a laissé une certaine cagnotte afin de récompenser les plus méritants.
Il écrit : « La première partie sera distribuée à l’auteur de la découverte ou de l’invention la plus importante dans le domaine de la physique; la deuxième à l’auteur de la découverte ou de l’invention la plus importante en chimie; la troisième à l’auteur de la découverte la plus importante en physiologie ou en médecine; la quatrième à l’auteur de l’ouvrage littéraire le plus remarquable d’inspiration idéaliste; la cinquième à la personnalité qui aura le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion ou à la propagation des congrès pacifistes ».
Autant le sens et la légitimité des Prix Nobel de physique, de chimie et de médecine ne sont pas sujets à de vives polémiques, autant ceux de littérature et de la paix le sont. Ainsi certains n’hésitent pas à parler d’imposture au sujet du prix Nobel de la paix. Quant au fameux « Nobel d’économie » , là il s’agit bien d’une véritable imposture.
En attendant… d’une manière générale, les prix et les me(r)dailles ne servent qu’à abuser les gogos.