Osons le dire : il nous faut une armée aux buts inversés : de destructeur du milieu naturel au rôle de protecteur. En effet la transition dite « écologique », qui constituera probablement un changement radical de civilisation, sera nécessairement l’occasion d’une intervention de l’armée. Car la brutalité de la récession qui s’annonce, provoquée à moyen terme par la raréfaction des ressources fossiles plus que par le réchauffement climatique, va entraîner un tel désordre social que seule l’armée sera en mesure de maintenir la paix. L’armée pourrait cependant devenir, par la force des choses, la « spécialiste du chaos ». L’armée pourrait jouer un rôle complètement différent de ce qu’elle a été historiquement. Au lieu de soutenir la volonté de puissance de nos dirigeants au prix d’une détérioration accrue de l’environnement, elle pourrait jouer un rôle de protection de la nature et des humains. Qui voudrait faire la guerre s’il vivait en équilibre avec son écosystème ? Cela impliquerait bien entendu la disparition de l’armée comme entité exclusivement nationale.
Les conflits se localisent dans un monde contemporain où le dialogue international s’impose à tous, même s’il ne fait pas taire les armes. Il n’y a pas que la montée des extrémismes qui offre de nouvelles perspectives aux militaires. Il y a dorénavant une conscience croissante que sécurité nationale et conservation écologique sont étroitement liés. Le GIEC avait été chargé en 1988 par l’ONU et l’Organisation météorologique mondiale de répondre à cette question : « La transformation de l’atmosphère par les hommes risque-t-elle de se retourner contre eux ? » Un rapport « secret » du Pentagone sur le changement climatique avait été réalisé en octobre 2003 : « Notre intention est de rendre parlants les effets que le réchauffement climatique pourrait avoir sur la société si nous n’y sommes pas préparés. » Il est symptomatique que le prix Nobel de la paix ait été décerné le 12 octobre 2007 au groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et à l’ex-futur président des USA, Al Gore. Le comité cherchait ainsi à « attirer l’attention sur les processus et les décisions qui paraissent nécessaires pour protéger le futur climat du monde, et ainsi réduire la menace qui pèse sur la sécurité de l’humanité ». Il est vrai que des régions entières vont devenir inhospitalières et que leurs populations seront contraintes de se déplacer. Cette redistribution géographique va entraîner de nouvelles tensions, donc des conflits et des guerres. Ce sont les pays les plus pauvres qui souffriront le plus des transformations du climat alors qu’ils n’en sont pas responsables. Il y aura en conséquence un fort ressentiment envers les pays industrialisés et, pourquoi pas, une explosion de divers terrorismes.
Le lien opéré par le comité Nobel en 2007 entre les notions de sécurité et de réchauffement climatique était si réaliste que la Biosphère en avait pleuré de joie.