La question démographique est la grande oubliée des analyses contemporaines. Prenons la tribune au « Monde » de Jean-Marc Roda et Jacques Tassin. A leur avis, c’est la précarité rurale qui conduit les agriculteurs à convertir les forêts en terres agricoles et qui est à l’origine des zoonoses. Fort bien, mais rien dans leur discours n’explique les causes de la pauvreté. Pourtant, si les forêts tropicales disparaissent sous le fer et le feu d’agriculteurs en quête de terres, c’est bien parce que le poids du nombre pèse sur les ressources naturelles. Nous avons oublié le message essentiel de Malthus en 1798 dans son Essai sur le principe de population : nous dépendons des ressources naturelles. Il a formulé ce message bien avant même que le mot « écologie » soit inventé, il est donc un précurseur de l’écologie politique.
Le terme malthusien devrait être connu dès l’école, il se trouve d’ailleurs dans un dictionnaire ordinaire. Malthusien, « qui appartient aux doctrines de Malthus, qui en est partisan ». Malthusianisme, « toute doctrine préconisant une restriction de la population ». On n’explique pas que Malthus mettait en comparaison l’évolution exponentielle de la population et l’augmentation simplement linéaire de la production agricole. De plus c’est une vision modernisée et dénaturée de « malthusien » qui apparaît dans la plupart des écrits contemporains, une volonté de restrictions socio-économiques. Dans les archives du MONDE par exemple, un article d’août 2020 nous indique que « Notre système universitaire est devenu trop malthusien face à la concurrence internationale ». Ou dans un tout autre registre, « la peine de prison pourra s’exécuter sous forme de placement sous bracelet électronique, c’est le principal bénéfice malthusien de la réforme sur la population carcérale ». Une autre manière de traiter le malthusianisme est de le dénigrer, ainsi le philosophe Dominique Bourg : « L’écologie politique compte même des expressions, notamment avec le courant que nous proposons d’appeler malthusien, très marquées à droite, récusant l’héritage universaliste et émancipateur des Lumières ».
On peut donc parler d’un tabou, « malthusien », le mot qu’il ne faut pas prononcer. Pourtant dans les années 1970 le rapport au Club de Rome sur les limites de la croissance démontrait que la démographie était une composante essentielle de la détérioration des conditions de vie sur Terre. Pourtant certains pays connaissent encore aujourd’hui une explosion démographique, comme un article récent du MONDE sur le Niger, 3,5 millions d’habitants en 1960, 209 millions au rythme actuel en 2100. En mars 2021, le ministre burkinabé chargé de la cohésion sociale expliquait dans les colonnes du MONDE : « Dans certaines zones de mon pays, l’accès aux pâturages, rendu plus difficile à cause de l’explosion démographique et des changements climatiques, a contraint des populations à migrer. Cela a créé des conflits de plus en plus violents. » La population du pays a augmenté de 40 % au cours de la dernière décennie. A ce rythme, elle aura doublé en 25 années seulement. Ajoutons que l’expansion humaine, à la fois démographique et économique, limite l’espace vital de toutes les autres espèces et contribue à l’extinction de la biodiversité.
Bien entendu l’évolution de la population est en interdépendance étroite avec biens d’autres causalités. L’extrême violence actuelle dans plusieurs contrées s’explique à la fois par l’intensification de la désertification due à la montée des températures, au stress hydrique, à la raréfaction des ressources alimentaires, aux conflits ethniques… Il ne faut certes pas céder à la tentation de porter accusation contre tous les pays en difficulté qui ne mettent pas en place un planning familial performant. La France a une politique gouvernementale ouvertement nataliste, quels que soient d’ailleurs l’étiquette politique des gouvernements en place. Rappelons cependant les termes du programme de René Dumont lors de la présidentielle française de 1974 : « Nourrir plus d’homme implique la destruction du milieu naturel. Du reste, si nous nous multiplions inconsidérément, le phosphore nécessaire à l’agriculture manquerait bientôt. Il faut réagir contre la surpopulation. En Inde surpeuplée certes, mais surtout chez les riches : 500 fois plus d’énergie consommée par tête à New York que chez le paysan indien. Ce qui remet en cause toutes les formes d’encouragement à la natalité, chez nous en France. » La question démographique est donc à la fois une problématique nationale ET internationale, économique ET démographique. Mais si l’ONU a organisé depuis 1974 (Bucarest) des conférences mondiales de la population, on a par la suite étouffé la variable démographique sous l’exigence du développement économique. La conférence internationale à Nairobi en 2019 a eu lieu dans la plus stricte confidentialité. Le malthusianisme est devenu inaudible, place à l’idée de « développement durable ». Pourtant, si on laisse libre cours à l’exubérance de la fécondité humaine, nous serons confrontés immanquablement aux épidémies, aux famines et aux guerres comme le prévoyait Malthus. Ces funestes événements se multiplient aujourd’hui.
Devenons tous malthusiens, ça urge !
Michel Sourrouille
Malthus n’a pas été le premier à penser les limites, ce n’est pas lui qui à découvert que l’homme a besoin de se nourrir, de s’abreuver, de se vêtir etc. Les Anciens ont très bien pensé tout ça. Pour Épicure, manger quand on a faim ou boire quand on a soif suffit à rendre un homme satisfait et heureux.
Une des erreurs de Malthus fut de ne penser qu’à la nourriture. De la même façon qu’il ne pouvait imaginer que les ressources puissent croître plus vite que la population, il n’aurait jamais pu imaginer le gaspillage actuel de nourriture. Ni que la consommation de vêtements dans le monde puisse doubler en 15 ans. Et encore moins cette croissance folle du transport aérien, etc. Et pourtant !
Tout le monde a aujourd’hui compris qu’il est impossible de continuer comme ça, et qu’il est évidemment impossible qu’une population puisse augmenter indéfiniment, tout ça on le sait. Ce n’est Malthus qui va nous aider en nous en sortir par le haut.
Michel C, Malhus vivait à une époque de paysans et d’artisans où la nourriture accaparait la presque totalité du budget des familles, il faut replacer une personne dans son temps, il ne pouvait penser à la 5G ni au transport aérien. Sa loi mettant en rapport évolution géométrique de la population et la croissance simplement arithmétique des ressources agricoles est cependant transposable : on ne peut vivre et consommer que si on n’épuise pas le potentiel des ressources naturelles de la planète. Pourtant c’est ce que nous faisons comme vous l’indiquez, on ne (sur)vit pas actuellement en utilisant les ressources renouvelables mais en dilapidant le capital naturel au détriment des générations futures.
Malthus nous montre une des solutions, il faut maîtriser la fécondité humaine pour la rendre compatible avec le milieu naturel. Bien entendu il faut ajouter aujourd’hui la décroissance de nos besoins en mobilité et en accumulation de biens.
Biosphère. Je vous accorde le droit de penser que je ne cherche qu’à avoir le dernier mot, que je suis un descendant de ces dogmatiques fanatiques qui ont combattu Malthus en son temps, alors accordez-moi le droit de voir (aussi) votre maître autrement que comme un précurseur et un génie. J’essaie simplement de remettre les choses à leur juste place. Pour moi ce personnage est surtout intéressant pour comprendre les diverses théories qui découlent de sa fameuse «loi». Nul doute que Malthus est un précurseur de l’eugénisme. J’ai déjà longuement développé, notamment le 25 déc 2020 (Définition de l’expression «néo-malthusien»). Force de constater que sur ce point il y a une sorte de tabou, du côté malthusien.
Le malthusianisme est peut-être une doctrine, mais une doctrine réaliste qui se fonde sur des réalités physiques contrairement à d’autres doctrines de la croissance infinie colportant l’idée que les nouvelles technologies nous sauveront toujours. Car plus les années passent et plus les faits donnent raison à Malthus. Cette semaine j’ai encore entendu la nouvelle vidéo d’Aurélien Barreau, et lui dit Ah les européens polluent 4 fois plus que les africains donc les africains ne sont pas trop nombreux et peuvent continuer de croître. Alors déjà il faudrait qu’il comprenne que ce n’est pas une question de pollution mais que c’est le manque de ressources qui intensifient les conflits mais aussi la réduction des espaces pour les animaux. Certes les africains polluent moins que les européens mais pour polluer 4 fois moins ils ont aussi une vie de misère.
(suite) Et à chaque fois il dit qu’il suffit de tout partager du jour au lendemain et tout est réglé et notamment en prenant l’exemple de l’eau Comme si on partageait de l’eau comme un gâteau autour d’une table, or même si moi je divise par 10 ma consommation d’eau les africains n’en auront pas plus pour autant Même si tous les français divisaient par 10 leur consommation d’eau les africains n’auront toujours pas plus d’eau pour autant, Il faudrait qu’Aurélien Barreau comprenne que l’eau se consomme au niveau local, que l’eau que je tire du robinet est en circuit fermé avec une station d’épuration d’eau. Il n’y aura jamais de gros tuyau d’eau qui partira de l’Europe pour desservir toute l’Afrique, avec un second gros tuyau des africains qui nous renverraient leurs eaux usées pour qu’on les épure en Europe De même on n’enverra jamais des millions de camions citernes de l’Europe vers l’Afrique pour offrir de l’eau à 1,2,3 ou 4 milliards d’africains
Au mieux il n’y aura que quelques millions d’eau minérale en bouteille plastique de transporter en Afrique. Imaginez la quantité de pétrole astronomique qu’il faudrait brûler pour envoyer des milliards de litres d’eau chaque jour en Afrique ? C’est impossible sauf en théorie et doctrine socialiste mais en pratique ce n’est pas réaliste.
Alors oui l’augmentation de population délirante fait que les humains sont en concurrence permanente pour accéder aux ressources, d’ailleurs il faudrait expliquer à Aurélien Barreau que les humains sont aussi en rivalité avec les animaux pour accéder à l’eau, surtout avec l’artificialisation des sols qui réduisent les espaces sauvages. Parce que pour justifier l’augmentation de population Aurélien Barreau a un raisonnement (bancal) très simple, ceux qui polluent le moins peuvent continuer de croître, la bonne blague !
Il ne faudrait pas non plus oublier le malthusianisme économique (voir Alfred Sauvy). Cette fois il s’agit des doctrines qui prônent, pour diverses raisons, la restriction volontaire de la production. En tant qu’économiste Malthus lui-même a développé des théories sur la diminution de la production, dans le but d’augmenter les prix.
Avant d’enseigner à nos gamins le sens du mot malthusien on devrait d’abord leur apprendre le sens du mot doctrine. On commencerait par leur expliquer le sens des mots vérité, croyance, théorie, idéologie, dogme, dogmatisme, fanatisme, religion etc. Une fois nos gamins devenus capables de faire la différence entre une vessie et une lanterne on pourrait alors leur parler de Malthus. Et plus particulièrement de ses idées, de son principe et de sa doctrine. Ainsi que de ses livres, de ses descendants, des liens historiques entre le malthusianisme et d’autres idéologies. À moins de vouloir les conditionner, les formater, on leur raconterait de la même façon les détracteurs de Malthus, comme Marx et Proudhon. Le mieux serait peut-être de commencer par leur parler des Anciens, de Platon et de Socrate, de Diogène dans son tonneau, de Sénèque et Jean Passe.
Devenons tous humains, ça urge !
Bonjour Michel C.
Malthus est un précurseur de beaucoup de choses, y compris de l’école pour tous à une époque, début XIXe siècle, où seule l’élite pouvait accéder aux études. Ses différents messages, ethnologiques, économiques, démographiques et politiques mériteraient toute leur place dans un enseignement de base et seraient bien plus actuels que les philosophes antiques qui ne pouvaient savoir que notre activisme thermo-industriel détériorerait la planète. Quant à la recherche de la vérité,Malthus a subi en son temps beaucoup de critiques injustifiées de la part de dogmatiques, mais il a toujours essayé d’arriver à un consensus… sauf à rendre les armes face à ceux qui veulent toujours avoir raison en disant le dernier mot, une des caractéristiques des fanatiques.
Il est donc dommageable que le malthusianisme soit non seulement absent du système scolaire, mais que des politiques comme Bayrou propagent la doctrine nataliste.
On peut toujours dire que Malthus est un précurseur, un grand incompris qui mérite d’être mieux connu et enseigné, tout ce que vous voudrez. Il n’empêche que les idées ont leur histoire, que la question de la vérité comme l’idée de la démesure (hubris) sont très anciennes et qu’à mon sens ces deux choses là resteront à jamais primordiales.
On a déjà parlé de l’enseignement et de ce qui devrait figurer dans les programmes scolaires. Or 6H d’école par jour c’est déjà beaucoup et en même temps pas assez. Pendant que les gamins apprendront les théories de Malthus ils n’apprendront pas celles de l’évolution, ni celle de la Création (et pourquoi pas 😉 Sans parler de toutes les autres, théories, doctrines etc. qu’il est bon aussi de connaître. La connaissance est un puits sans fond que l’école à elle seule ne peut remplir. En plus de l’essentiel (???) l’école devrait donner à nos gamins l’envie d’apprendre (de grandir) toute leur vie.