Décroissance, sobriété, renoncements, réduction… de plus en plus de personnes prennent publiquement position pour une rupture radicale avec notre société consumériste vouée à l’échec. Ainsi cette tribune :
Une réduction démocratiquement planifiée et équitable de la production et de la consommation est nécessaire
Alors que les dirigeants politiques se réunissent pour une deuxième conférence au Parlement Européen sur la manière de “dépasser la croissance économique », nous, universitaires et organisations de la société civile soussignés, voyons l’actuelle crise géopolitique comme une opportunité de se désengager d’une compétition socialement et écologiquement néfaste pour la remplacer par une coopération au service du bien-être.
Il n’existe aucune base empirique indiquant qu’il est possible de découpler globalement et suffisamment la croissance économique des pressions environnementales. La poursuite d’une croissance économique sans fin par les pays à revenu élevé est un problème car elle réduit ou annule les résultats des politiques environnementales. Le chaos climatique actuel et l’effritement de la toile de vie dont dépend notre société constituent une menace existentielle pour la paix, la sécurité hydrique et alimentaire, ainsi que la démocratie.
Passer à une économie post-croissance, ce n’est pas seulement survivre, c’est aussi prospérer. Cela appelle une réduction démocratiquement planifiée et équitable de la production et de la consommation, parfois appelée « décroissance », dans les pays qui outrepassent leurs ressources écologiques. C’est le projet de paix mondial de l’Europe pour répondre aux conflits mondiaux induits par sa croissance économique actuelle.
Dans le contexte des pays à revenu élevé, une empreinte réduite ne signifie pas une dégradation des conditions de vie. Les politiques de suffisance axées sur la sobriété, la réduction des ressources et la réduction du temps de travail peuvent augmenter considérablement le bien-être et réduire les pressions environnementales, ouvrant la voie vers une prospérité durable sans croissance.
Afin d’assurer la meilleure qualité de vie avec l’empreinte la plus faible, nous devons complètement changer les objectifs et les règles du jeu économique. Dans une économie post-croissance, l’accent mis actuellement sur la croissance quantitative serait remplacé par l’objectif de prospérer dans une économie régénératrice et distributive, une économie qui offre un bien-être qualitatif en répondant aux besoins de tous dans la limite des ressources d’une planète vivante – telle qu’élaborée dans le cadre de Doughnut Economics.
Les marchés se sont révélés mal équipés pour prendre les décisions les plus cruciales pour notre société. Afin que l’économie soit au service des citoyennes et citoyens, et non l’inverse, il faut leur redonner le contrôle de l’économie. Pour changer les règles du jeu, nous devons apprendre des initiatives déjà existantes. Par exemple, développer dans toute l’Union Européenne le modèle des coopératives à but non lucratif.
À la lumière de ces défis pressants et de ces opportunités stimulantes, nous appelons l’UE, ses institutions et États membres à mettre en œuvre :
- Des institutions européennes post-croissance : avec des structures permanentes à la Commission, au Conseil, au Parlement et au sein des États membres pour évaluer les stratégies et les trajectoires post-croissance.
- Un Green Deal européen de post-croissance : concevoir un nouveau programme phare articulé autour d’une approche de changement systémique qui aspire à créer un avenir florissant dans les limites planétaires, avec la décroissance comme phase de transition nécessaire vers une destination post-croissance.
- Des politiques de post-croissance fondées sur les quatre principes de :
- Biocapacité : suppression progressive des combustibles fossiles, limitation de l’extraction des matières premières et mesures de protection et de restauration de la nature pour des sols, des forêts et autres écosystèmes marins et terrestres sains et résilients. Par exemple, un traité de non-prolifération des combustibles fossiles, une loi pour un rapport juste et résilient aux ressources comprenant un objectif contraignant de réduction de l’empreinte matérielle et une restauration réelle de la nature basée sur des zones.
- Équité : instruments fiscaux pour favoriser une société plus égalitaire en éliminant les extrêmes de revenu et de richesse, ainsi que les super-profits. Par exemple, un ISF climatique, et des revenus minimum et maximum.
- Bien-être pour tous : accès sécurisé aux infrastructures essentielles via un État-providence amélioré et éco-sensible. Par exemple, l’accès à des services de base universels gratuits (y compris les droits humains à la santé, au transport, aux soins, au logement, à l’éducation, à l’égalité des sexes, à la protection sociale etc.), des garanties d’emploi, le contrôle des prix des biens et services essentiels.
- Démocratie active : assemblées citoyennes mandatées pour formuler des stratégies de suffisance socialement acceptables et renforcer les politiques basées sur les limites écologiques, l’équité et le bien-être pour tous et un rôle plus important pour les syndicats. Par exemple, forum sur les besoins locaux, conventions sur le climat, budgétisation participative.
Cinq ans se sont écoulés depuis la première conférence « post-croissance ». Au sein de la société civile et du milieu universitaire, les idées critiquant la croissance sont de plus en plus fortes. Les détails de ces idées sont en cours de discussion au Parlement Européen et avec la Commission Européenne en ce moment. Des connaissances scientifiques et des idées politiques sont disponibles pour concrétiser les idées de décroissance et de post-croissance. Les crises auxquelles nous sommes confrontés sont également des opportunités pour créer un nouveau système qui peut assurer le bien-être de toutes et tous tout en permettant une vie démocratique florissante et un mode de vie plus lent mais plus doux.
Retrouver la liste complète des signataires ici.
Source : Un Projet de Décroissance
www.Projet-Decroissance.net