En ce jour de réveillon de 2050, Léa confectionne un repas 100 % local, ce qui réduit considérablement la variété des mets possibles. Elle se souvient comme d’un rêve des papayes que ses parents lui achetaient à la fin du XXe siècle, sans se soucier du fait qu’il avait fallu dépenser pour cela plusieurs litres de pétrole. De toute façon elle est bien seule, il ne lui reste plus qu’un dernier descendant. Ses deux autres petits-enfants sont décédés il y a trois ans, ils ont succombé à l’une de ces nouvelles maladies à côté desquelles l’épidémie de grippe aviaire, qui avait frappé la France en 2010, n’avait été qu’une discrète entrée en matière. Ils avaient été victimes d’un virus apparu en Sibérie du Nord, là où le permafrost a cédé la place à des marais à partir de l’année 2025. Maintenant des millions de personnes sont au chômage. Le gouvernement français vient d’interdire toute manifestation et même les rassemblements de protestation. Le ministre de l’Intérieur vient de prendre un de ces décrets maudits, c’est l’armée qui réprimera d’éventuels troubles de l’ordre public.
Léa a renoncé depuis longtemps à l’idée d’acheter une automobile ; en 2035, l’Union européenne avait réservé l’usage des biocarburants aux véhicules utilitaires. Même l’utilisation du charbon liquéfié a été proscrite car les sols et surtout les océans qui séquestraient le carbone depuis toujours, ne jouaient plus leur rôle, renforçant ainsi très brutalement l’effet de serre anthropique et les dérèglements du climat. Cet été, Léa avait appris par une amie que le thermomètre était monté jusqu’à 45°C à Caen.
La Biosphère vous souhaite un bon réveillon 2016, coloré de sobriété joyeuse.
NB : pour en savoir plus sur l’histoire de Léa, lire « Le développement durable, maintenant ou jamais » de D.Bourg et G.Rayssac
En ce qui concerne la couleur des scenarii je crois que c’est un peu comme la variété des plats locaux évoquée dans cet article, nous aurons le choix seulement entre quelques teintes. Il y a le gris sale, le gris bien gris, le gris foncé et le noir.
Cela dit à l’année prochaine Michel pour la poursuite de nos dialogues sur cet excellent site, bonne année malgré mes propos pessimistes sur le long terme.
Sauf pour Madame Irma, l’avenir est avant tout une affaire d’imagination. Et l’homme n’en manque pas.
Une infinité de scénarios peuvent être imaginés, des plus roses (verts) aux plus noirs. Les optimistes imaginent qu’en 2050 nous vivrons dans des villes écolos autosuffisantes, à « énergie positive » , que nous nous déplacerons dans des véhicules propres carburant à l’hydrogène, que nous serons assistés de gentils robots sachant tout faire, ou presque. Dans leurs jolies BD ou romans de science-fiction, ils pourraient nous rajouter de la couleur avec de gigantesques écrans publicitaires sur lesquels passerait en boucle le slogan « On n’arrête pas le Progrès ! »
C’est là le genre d’histoires qui plaisent et se vendent le mieux.
Ici c’est d’un autre ordre. Nous sommes en 2050 en France, les gouvernements européens semblent avoir pris des mesures drastiques en vue de limiter les dégâts sur l’environnement. Nous pouvons imaginer qu’une série de catastrophes les y ont contraints. L’époque est désormais à la décroissance. Seulement celle-ci n’a rien à voir avec la décroissance heureuse qui faisait rêver certains utopistes d’antan. Maintenant c’est la dictature, la vraie. Que voulez-vous, il faut bien faire régner un peu d’ordre ! Nous pouvons imaginer des panneaux de propagande avec des slogans du genre : « Vous étiez prévenus ! » – « Mieux vaut tard que jamais ! »
C’est sûr, ce scénario n’est pas rose. Mais il n’est pas des plus noirs.
A l’année prochaine. Ou pas…