« Austérité et croissance, le coût de la douleur ». C’était le titre de l’éditorial du MONDE du 22-23 avril. C’est aussi l’enjeu de la gouvernance du monde occidental. Nous préférons résumer par la contraction ri-lance, programme de rigueur et de relance. Barack Obama plaide ainsi pour la relance raisonnable, mais c’est la ministre française de l’Economie, Christine Lagarde, qui a inventé le néologisme « rilance » : il faut appuyer à la fois sur le frein et sur l’accélérateur, autant dire casser le moteur. On injecte 1000 milliards d’euros dans le système bancaire européen (relance) et on prône la fin des déficits budgétaires (rigueur) : politique monétaire expansive, politique budgétaire restrictive. Il y a une contradiction interne à la rilance !
Nos gouvernants n’ont pas peur des oxymores, des politiques contradictoires comme développement durable, agriculture raisonnée, flexisécurité, vidéoprotection. La rilance est le dernier oxymore à la mode, ni Hollande ni Sarkozy ne veulent en démordre. Pourtant la rilance, c’est la tentative désespérée de perpétuer la croissance économique. Nos gouvernants prônent une croissance infinie dans un monde fini. Même l’éditorial du MONDE prône la croissance : « Le moment est venu d’assouplir la politique budgétaire afin de ne pas étouffer la croissance. » Or nous savons que la fragile biosphère ne pourra longtemps encore supporter une croissance continue sans s’effondrer. C’est cette contradiction fondamentale qui sous-tend toutes les autres. C’est pour masquer cette vérité incontournable que notre société multiplie les oxymores. Pour se cacher à elle-même cette horrible vérité, que son projet fondamental est insensé et qu’il mène l’humanité aux abymes. Il n’y aura pas de planète de rechange. Du fait de l’épuisement des ressources naturelles, les coûts de la croissance (quand elle a lieu) sont supérieurs à ses bénéfices. Ou encore, pour dire les choses de façon plus brutale, la descente énergétique se traduira pour l’humanité par une véritable descente aux enfers. Chaque instant qui passe nous éloigne davantage du moment où nous pouvons agir de façon raisonnable.
Pour les gouvernements en place, le slogan « la relance ET l’austérité » signifie la relance pour le capital et l’austérité pour les populations. Mais une autre politique est possible, le partage solidaire de la pénurie à venir. Il s’agit de rejeter la recherche obsessionnelle de la croissance. Il faut tenter de construire une société d’abondance frugale, ou pour le dire comme Tim Jackson de Prospérité sans croissance. Cela pourrait être fait par une relocalisation systématique des activités utiles, une reconversion progressive des activités parasitaires comme la publicité ou nuisibles comme le nucléaire et l’armement, et une réduction programmée et significative du temps de travail. Serge Latouche recommande aussi le recours à une inflation contrôlée (disons plus ou moins 5% par an) que nous préconiserions. Cela équivaut au recours à une monnaie fondante qui stimule l’activité économique. S’il s’agit d’une monnaie locale, les effets seront encore plus forts sur l’emploi.
Pour en savoir plus sur la prospérité sans croissance, lire Tim Jackson
Pour en savoir plus sur la politique de l’oxymore, lire Bertrand Méheust
« Les systèmes tiennent souvent plus longtemps qu’on ne le pense, mais ils finissent par s’effondrer beaucoup plus vite qu’on ne l’imagine. » En 1933, quand Roosevelt arrive au pouvoir, les Etats-Unis comptent 14 millions de chômeurs, la production industrielle a diminué de 45 % en trois ans. Il agit alors avec détermination et rapidité, certaines lois sont présentées, discutés, votées et promulguées dans la même journée. Son objectif est de dompter les marchés financiers. Son but n’est pas de « donner du sens à l’austérité », mais de reconstruire la justice sociale. Les actionnaires sont furieux, mais Roosevelt tient bon.
Ce qu’a fait Roosevelt en matière économique n’était sans doute pas suffisant (sans l’économie de guerre, les Etats-Unis allaient retomber en récession), mais les réformes qu’il a imposées en matière bancaire et fiscale ont parfaitement atteint leurs objectifs. Jusqu’à l’arrivée de Ronald Reagan en 1981, l’économie américaine a fonctionné sans avoir besoin ni de dette privée ni de dette publique. N’en déplaise aux néolibéraux, nous ne sommes pas face à une crise de l’Etat-providence, mais bien face à une crise extrême du capitalisme.
Deux stratégies sont possibles pour le prochain président de la République : soit il pense que la crise est bientôt finie, soit il pense au contraire qu’il ne reste qu’un temps limité avant un possible effondrement du système économique, et il doit « faire du Roosevelt » : organiser un nouveau Bretton Woods dès le mois de juillet 2012, mettre fin aux privilèges incroyables des banques privées dans le financement de la dette publique, lutter frontalement contre les paradis fiscaux et agir avec force contre le chômage et la précarité en lançant dès le mois de mai des états généraux de l’emploi. Pour pousser le prochain président à l’audace, nous venons de créer le collectif Roosevelt 2012.
Notre objectif est simple : provoquer un sursaut ! Si vous partagez cette envie, rejoignez le collectif en signant son manifeste et les quinze propositions de réformes sur http://www.roosevelt2012.fr.
Pierre Larrouturou, Membre du collectif Roosevelt 2012
Sarkozy, Obama et d’autres ont fait l’erreur de venir au secours des banques, ce qui équivaut à une politique monétaire expansive, source potentielle d’inflation. Au niveau budgétaire, le présidentiable Hollande veut remettre en question le pacte budgétaire européen sur la résorption des déficits. Cela équivaut à une politique de relance, source potentielle d’inflation. Comme dans un monde où les travailleurs sont innombrables puisque les flux commerciaux impliquent les pays émergents dont la Chine, le chômage dans les pays européens ne peut que perdurer. C’est pourquoi nous entrons dans une nouvelle période de stagflation, mélange d’inflation et de stagnation économique. La volonté de croissance d’Hollande est donc une erreur fondamentale de stratégie. Notons que Sarkozy s’il se maintenait au pouvoir ferait une politique similaire.
Les dirigeants actuels n’ont encore rien compris à la contrainte extérieure (la mondialisation des marchés) et aux contraintes qui découlent de la disparition des ressources naturelles.
Sarkozy, Obama et d’autres ont fait l’erreur de venir au secours des banques, ce qui équivaut à une politique monétaire expansive, source potentielle d’inflation. Au niveau budgétaire, le présidentiable Hollande veut remettre en question le pacte budgétaire européen sur la résorption des déficits. Cela équivaut à une politique de relance, source potentielle d’inflation. Comme dans un monde où les travailleurs sont innombrables puisque les flux commerciaux impliquent les pays émergents dont la Chine, le chômage dans les pays européens ne peut que perdurer. C’est pourquoi nous entrons dans une nouvelle période de stagflation, mélange d’inflation et de stagnation économique. La volonté de croissance d’Hollande est donc une erreur fondamentale de stratégie. Notons que Sarkozy s’il se maintenait au pouvoir ferait une politique similaire.
Les dirigeants actuels n’ont encore rien compris à la contrainte extérieure (la mondialisation des marchés) et aux contraintes qui découlent de la disparition des ressources naturelles.