Un fauteuil pour deux au ministère de l’agriculture ? Agnès Pannier-Runacher, nommée ministre déléguée chargée de l’industrie en 2020, est devienne ministre de la transition énergétique dans le gouvernement d’Elisabeth Borne en 2022 puis ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture depuis le 8 février 2024. Conflit ou harmonie avec Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire depuis 2022 ?
Nathalie Segaunes : Comme une relation de subordination est difficilement concevable, les deux ministres se sont mis d’accord sur le périmètre d’intervention de chacun. Marc Fesneau gardera les filières animales et végétales, les aspects sanitaires et la santé animale, la forêt et la politique agricole commune, ainsi que les sujets européens. Agnès Pannier-Runacher s’occupera de la planification écologique du secteur agricole, des enjeux énergétiques, notamment la production de biomasse, des industries agroalimentaires, ainsi que de l’innovation et de la recherche.
Le point de vue des écologistes paysans
On aurait pu se dire qu’une ministre chargée de la planification écologique en tandem avec un ministre plus orienté productivité agricole est une bonne façon de forcer les compromis nécessaires entre le développement du secteur et la protection de l’environnement. C’est tâche impossible. Les conflits d’attribution et le choc des ambitions personnelles ne sont rien face à l’incompatibilité de fait entre l’agriculture et l’écologie. Les multiples renoncements de Marc Fesneau devant les agriculteurs en matière d’écologie n’est que le dernier exemple en date. Il n’est d’ailleurs ignoré par personne que le ministère de l’Agriculture n’est qu’un strapontin de la FNSEA et de ses énormes tracteurs subventionnés par la PAC (politique agricole commune). Le lobby de l’agrochimie est aussi à tous les étages de la décision par sa capacité d’influence. C’est le modèle agro-industriel qui est à la fois prépondérant et punitif alors que la relation à la terre est multiple ; on ne peut comparer le maraîchage et la monoculture, l’industriel qui fait de l’élevage en batterie et le petit éleveur en bio…
Mais soyons honnête, laissons à Agnès Pannier-Runacher le temps de faire ses preuves. Alors ministre de la transition énergétique, elle insistait en juin 2022 sur la nécessité de réduire les envois de courriels accompagnés de pièces jointes, mais jugeait au mois d’août la pollution des jets privés « limité[e] »… Lors de l’université d’été du Medef le 29 août 2022, elle avait pourtant déclaré : La sobriété vise certes à passer l’hiver, mais c’est surtout la condition sine qua non de la réduction de notre empreinte carbone à l’horizon 2050 ». Elle avait fait publier le 6 octobre 2022 le décret harmonisant les règles existantes d’extinction des publicités lumineuses, qui différaient jusqu’à présent selon la taille de l’agglomération. Peu de choses il est vrai, mais en mai 2021, alors ministre déléguée à l’industrie et à l’inverse de Macron, elle avait twitté : « Choisir dans la dignité sa #findevie, un débat sociétal qui doit trouver sa place au Parlement »…
Marc Fesneau de son côté a déjà largement fait ses preuves d’anti-écolo notoire. Il avait demandé le 30 mars 2023 à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) de revenir sur sa volonté d’interdire les principaux usages de cet herbicide S-métolachlore, responsable d’une vaste pollution des nappes phréatiques: « Je ne serai pas le ministre qui abandonnera des décisions stratégiques pour notre souveraineté alimentaire à la seule appréciation d’une agence ». Des militants avaient pénétré dans un golf et détérioré un green et un système d’irrigation. Le ministre de l’agriculture avait dénoncé ceux qui « dégradent, détruisent, saccagent… Il n’y aura jamais de dialogue possible avec ceux qui entendent imposer leur loi par la violence ». Il ne paraît pas possible qu’il soit sur la même longueur d’onde qu’Agnès !
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Soutien des paysans, rejet des tracteurs
extraits. Nous soutenons depuis toujours les technologies paysannes pour « reprendre la terre aux machines ». Les machines comme engins de guerre agricole, mais aussi comme machine industrielle, machine administrée, machine à nourrir ou plutôt à remplir les caddies. Cette agro-industrie profite de chaque occasion pour se propager encore plus, éliminant les savoir-faire, les communautés paysannes, mais aussi la biodiversité et finalement le savoir et le pouvoir s’alimenter. Les dégâts sanitaires et sociaux sont colossaux, pas moins que les dégâts environnementaux…
Nicolas Hulot, amertume et impuissance
Extraits. Nicolas Hulot : « J’étais censé être ministre d’État et numéro trois du gouvernement mais c’était juste pour la façade ! Quand j’ai pris cette décision difficile de partir du gouvernement, j’avais demandé douze points de clarification au premier ministre et au président, dont ma volonté de copiloter la révision de la politique agricole commune, parce que pour moi il n’était pas pensable qu’on loupe cette fenêtre. Évidemment, ça ne m’a pas été accordé. Le fait d’être en conflit permanent avec Stéphane Travert, mon collègue à l’agriculture, au bout d’un moment, à part alimenter les couacs médiatiques, ça ne sert à rien et c’est absolument épuisant. J’ai parfois trouvé plus de conservatisme au ministère de l’agriculture qu’à la FNSEA. »…
Mettre ensemble deux opposés (une gentille et un méchant et en même temps) en pensant, ou pour laisser croire que de cette union naîtra un formidable con sensus… ce drôle de tandem c’est du Macron tout craché. Et quand bien même, avec toute leur meilleure volonté, qu’auraient pu faire deux Agnès Pannier-Runacher (ou deux Hulot) au poste de ministre de l’agriculture, et de l’écologie et en même temps ?
Mais comment pourrait-il sortir quelque chose de bien nouveau de ce grand n’importe quoi ?
En regardant déjà du côté du ministère de l’Education nationale, pas besoin d’avoir fait l’ENA pour comprendre que ce dernier remaniement ministériel c’est du grand n’importe quoi.
Et que quel que soit son gouvernement, depuis maintenant 7 ans, Macron c’est du grand n’importe quoi. Je ne dis pas que c’était mieux avant. Le problème… qui d’autre ferait mieux ? Pire ce n’est pas difficile… mais mieux c’est une autre affaire.
Ou est passé la priorité écologique de macrelle? Ce ministère était si important que Hulot était Déclaré n°2 du gouvernement.
Tout cette communication n’est que de la communication. Du bullshit comme le dit george carlin.
Aujourd’hui, c’est l’agriculture, il a besoin de 2 ministres pour mieux mettre la confusion. il n’en veut tellement pas de ces 2,5 % de la population qu’il délégue la gestion à l’Europe.
Bullshit. Bullshit Bullshit.
A propos d’Agnès Pannier-Runacher lire le très complet et instructif dossier de Wikipedia à son sujet. Difficile de trouver quelqu’un de moins concerné par les urgences écologiques ; associée au plus acculturé de nos ministres, Marc Fesneau, l’assemblage ainsi constitué nous promet de prochaines belles saloperies.