SDHi et le principe de précaution bafoué

Nous avons reçu le 21 janvier le message suivant de la part de l’UIPP (appelée improprement Union des Industries de la Protection des Plantes) : « Suite à l’annonce d’une action en justice ciblant les produits à base de SDHI, l’UIPP déplore une action fondée sur une lecture résolument excessive du principe de précaution… Les Autorisations de Mise sur le Marché (AMM) ne sont délivrées que lorsque les instances politiques et les experts en charge de l’évaluation ont vérifié et fait l’analyse critique des informations transmises par les industriels… » L’UIPP avoue, il n’y a pas véritablement d’expertise neutre et objective puisqu’on reste tributaire des « informations » faites par les industriels eux-mêmes. C’est du lobbying intéressé, ni plus ni moins. L’UIPP ne veut que protéger les débouchés de ses 19 entreprises membres. Le vrai scandale, c’est que l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) soutienne par sa passivité une industrie chimique mortifère envers la biodiversité. Rappelons la dangerosité potentielle des SDHi, ce que l’UIPP se garde bien d’expliciter.

Les fongicides ou SDHi (pour « inhibiteurs de la succinate déshydrogénase ») bloquent le fonctionnement d’une enzyme (la SDH) nécessaire à la respiration cellulaire des champignons. Ce mécanisme est présent non seulement chez les champignons, mais aussi chez la majorité des organismes – des vers de terre aux insectes en passant par les humains. Avec, comme risque, de voir se développer des maladies chroniques induites par le défaut de fonctionnement de la SDH : « encéphalopathies sévères », « tumeurs du système nerveux  », « prédispose en outre à certains cancers du rein ou du système digestif », est associé à la maladie de Huntington, de Parkinson… détaillaient des chercheurs en avril 2018. En réponse à cette mise en garde, l’Anses avait conclu, dans un rapport rendu en janvier 2019, à l’absence d’alerte sanitaire… tout en recommandant la poursuite de la recherche. Le 19 novembre 2019 la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé ­publique et d’environnement (cnDAspe) a publié un avis estimant que l’alerte était fondée, étayée par « des données scientifiques de qualité ». Les données montrent bien, sur des cultures cellulaires, que les substances appartenant à la famille des SDHI ne ciblent pas seulement les champignons et les moisissures, mais une diversité d’organismes comme l’abeille domestique, le lombric ou l’être humain. Ils précisent que le recul n’est pas suffisant sur les usages actuels de plusieurs de ces produits pour pouvoir se fonder sur des données épidémiologiques relatives aux personnes exposées.

Le 21 janvier 2020, les associations Nous voulons des coquelicots, Générations futures et FNE ont écrit à l’Anses pour lui demander d’abroger l’AMM de trois produits commerciaux à base de SDHI : le Keynote et l’Aviator Xpro commercialisés par Bayer, et le Librax, de BASF. Si dans deux mois l’Anses n’a pas répondu favorablement à la demande des ONG, ces dernières saisiront le tribunal administratif de Lyon, ville où sont installés les sièges français des deux firmes. Ces associations peuvent s’appuyer sur l’avis des scientifiques* : « Les tests réglementaires sont systématiquement effectués dans des conditions qui masquent la toxicité cellulaire des SDHI. Leur toxicité est aggravée en cas de dysfonctionnements mitochondriaux tels que ceux constatés dans de nombreuses maladies humaines. Ces données ont été mises à la disposition de l’Anses, qui est restée sourde à cette argumentation scientifique. L’Anses ne semble pas même être préoccupée du rôle démontré in vivo des SDHI sur nombre d’espèces animales. Ce déni des données scientifiques déjà existantes intervient alors que celles-ci placent objectivement les SDHI très haut dans l’échelle de la toxicité des pesticides, requérant d’appliquer le principe de précaution figurant dans la constitution, principe auquel l’Anses devrait se sentir tenue. »

* LE MONDE du 22 janvier 2020, Pesticides SDHI : 450 scientifiques appellent à appliquer le principe de précaution au plus vite

(Antoni Barrientos: University of Miami Miller School of Medicine | UM · Departments of Neurology and Biochemistry // Paolo Bernardi: University of Padova | UNIPD · Department of Biomedical Sciences – DSB // Howard Jacobs 1182 Biochemistry, cell and molecular biology // Holger Prokisch: Skills and Expertise: Genetics-Mitochondria-Cell Biology-Neuroscience-Molecular Biology-Mutation Sequencing-Cell Viability-Reactive Oxygen Species-Oxidative Stress // etc.)

sur notre blog biosphere et les SDHi, Vers de terre et humains, même combat

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