La « maîtrise » de la nature à notre portée nous conforte dans un anthropocentrisme qui remonte à la Bible. La conception de Newton, en projetant dans un espace-temps absolu le temps et l’espace vécus par l’homme, relève encore de cette tenace illusion. Mais l’écologie nous appelle à renouveler notre conception de l’humanisme. Elle nous apprend à ne plus considérer l’homme comme un système de référence absolu, un être qui ne doit rien qu’à lui-même et à qui tout est permis, pourvu qu’il n’incommode pas autrui. L’homme ne peut plus penser – on devrait le savoir depuis Copernic, Darwin et Freud – qu’il est le centre de l’univers. Il lui faut se re-situer et rechercher l’harmonie avec cette planète. L’écologie scientifique et la pensée de la complexité nous engagent à s’écologiser. Écologiser, c’est-à-dire réorienter notre pensée, trop facilement linéaire, vers la pensée complexe de telle sorte qu’elle s’efforce de rester en réflexion ouverte. Il nous faut s’ouvrir à l’altérité des choses et des êtres. La pensée écologisée, au lieu de se « clôturer » (E.Morin), s’ouvre à ce qu’elle n’a pas encore élucidé de sa recherche ; il ne faut pas aller trop vite de l’hypothèse à la certitude.
Une telle attitude retire alors tout crédit à des formulations telles que : « L’humanité est la finalité de l’homme » (Kant), « L’homme est l’être suprême pour l’homme » (Feuerbach et Marx), « L’homme n’est rien d’autre que ce qu’il fait » (Sartre). Quelle ambiguïté aussi dans cette formulation de Protagoras : « L’homme est la mesure de toute chose » ! Nous ne pouvons plus nous considérer comme un système de référence absolu, faisant abstraction de nos conditions naturelles d’existence. Un nouvel humanisme doit prendre en compte toutes les conditions, tant naturelles que sociales et techniques dans lesquelles nous nous trouvons actuellement. L’homme sera donc toujours en état d’inachèvement, d’interrogation perpétuelle.
Ainsi s’exprimait Armand PETITJEAN (1913-2003), qui a eu dès l’âge de 16 ans sa vie scellée par une explication décisive avec son père. Celui-ci, un homme d’affaires fondateur des Parfums Lancôme, voulait inciter son fils à utiliser son ambition à des fins personnelles. Le jeune Armand a voulu comprendre pourquoi les humains avaient une telle volonté de puissance. La Biosphère lui en est reconnaissante.
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