Une nouvelle expression est apparue dans la communauté des environnementalistes, « changement des états de références » ou shifting baselines en anglais. Cette expression a été inventée en 1995par le Biologiste Daniel Pauly, spécialiste de la pêche. Pour les environnementalistes, un « état de référence » est une « norme » importante pour mesurer la santé d’un écosystème.
Dans un monde idéal, l’état de référence pour chaque habitat devrait être l’état de cet habitat avant que l’homme n’influence sensiblement dessus. Si nous connaissons l’état de référence d’un écosystème dégradé, nous pouvons travailler pour le restaurer. Mais si cet état de référence a déjà changé avant que nous ayons une chance de le mesurer, alors nous pouvons arriver à considérer comme normal, voire amélioré, un état dégradé. Par exemple le nombre de saumons dans la rivière Columbia du pacifique Nord-Ouest est aujourd’hui deux fois plus élevé que dans les années 30. Cela semble une bonne nouvelle. si les années 30 constituent l’état de référence. Mais la population de saumons de la rivière Columbia dans les années 30 représentait seulement 10 % de ce qu’elle était dans les années 1800. Donc nous n’avons actuellement que 20 % du stock de saumons des années 1800.
L’une des plus grandes préoccupations des scientifiques tient dans le fait que les états de référence ont changé pour de nombreux écosystèmes sous-marins. Cela signifie que des personnes visitent actuellement des environnements côtiers dégradés, et les qualifient de « magnifiques », sans se douter de ce qu’ils étaient avant. Voilà pourquoi il est si important de documenter comment les choses sont, et comment elles étaient. L’institut Scripps de conservation des océans et la SurfRider fondation ont organisé une campagne médiatique afin d’attirer l’attention sur le problème de changement des états de référence. Nous devons tous nous poser les questions suivantes : A quoi ressemblaient les océans ? Est-ce que mes préférences alimentaires participent à mettre la santé des océans en danger ? Certains biologistes marins déclarent même qu’avec la disparition des espèces désirables, seules les plus résistantes et les moins désirables vont persister, vraisemblablement les méduses et les bactéries.
Cette expression shifting baselines se retrouve aussi bien chez l’ornithologue Philippe J. Dubois (La grande amnésie écologique) que chez le psychosociologue Harald Welzer (Les guerres du climat). Persévérer dans l’amnésie collective, c’est nous préparer à des lendemains qui déchantent.