L’expression shifting baselines se retrouve chez l’ornithologue Philippe J. Dubois :
« Je tente de montrer comment la lutte contre l’oubli est primordial à l’égard de la biodiversité si nous ne voulons pas être un Homo eremus, l’homme dans le désert. Or la sélectivité de la mémoire s’accommode des pertes du vivant sans même en prendre conscience ; c’est le shifting baseline syndrome, processus de référence changeante. En 1995, il y a eu une étude explorant la perception des enfants citadins à l’égard de la nature. L’amnésie générationnelle, c’est lorsque la perte de connaissance se produit parce que les jeunes générations ne sont pas au fait des conditions biologique passées. Il n’y a pas eu transmission de l’information par leurs aînés. D’anciens cultivateurs ne savent plus ce qu’étaient telle race de vache ou variété de pomme du temps de leurs pères. L’amnésie personnelle apparaît lorsque l’individu a oublié sa propre expérience. Par exemple il ne se souvient plus que les espèces de plantes ou d’animaux aujourd’hui devenues rares étaient, dans son enfance, beaucoup plus communes. Le changement est oublié et le nouvel état devient la référence. Si nous ne prenons pas conscience de ce que nous sommes en train de perdre, nous risquons de nous réveiller trop tard.
Choisissez la façon dont vous voulez vivre, pensez à la Terre que vous allez laisser à vos enfants, nous n’avons plus le choix. Ou alors ce ne sera plus une (r)évolution verte, mais une révolution violente qui laissera beaucoup de monde sur le carreau. Jusqu’au jour où la nature dira « stop », à notre plus grande surprise. N’oublions jamais que le vivant a de tout temps été capable d’inventer de nouvelles trajectoires dont l’espèce humaine pourrait être exclue. »
In « La grande amnésie écologique » de Philippe J. Dubois (delachaux et niestlé, 2012)