Je pense que la politique, ce n’est pas seulement commenter une élection, c’est présenter une vision de notre avenir. Quand K.Marx prévoyait la prise du pouvoir du prolétariat, il avait une certaine vision d’avenir et il a formaté des partis politiques qui ont relayé son analyse. Aujourd’hui il s’agit de construire une alternative au modèle productiviste défendu aussi bien par le système capitaliste libéral, par les pays « socialistes », ou par les partis actuels, qu’ils soient de droite ou de gauche. Proposons comme alternative par exemple la « société de non-voiture individuelle ». C’est une vision stratégique d’avenir, beaucoup plus pragmatique que la lutte de classes ; il s’agit d’agir sur notre comportement, pas de conquérir le pouvoir d’Etat.
Mais Dieter Birnbacher posait, dans son livre La responsabilité envers les générations futures (1994), la question de savoir si la démocratie était en mesure d’être le lieu d’une éthique du futur. Ce n’est pas évident car une conscience prévoyante, centrée sur le long terme, est porteuse de certains renoncements. Elle entre en conflit avec les aspirations immédiates des individus, la préférence pour le présent. Renoncer à la voiture ? Mais nous sommes bien obligés d’avoir une voiture !
Pourtant je peux largement justifier une société de non-voiture aux yeux de mes concitoyens par de multiples arguments : l’impasse écologique d’une production de masse liée à une consommation de masse, la sur-valorisation du moi (tendance libérale et non socialiste) induite par la voiture individuelle, l’approche du pic pétrolier (la contrainte biophysique), les illusions des alternatives comme les agrocarburants ou la voiture électrique, les interdépendances entre mode de déplacement, lieu de travail et joie de vivre, etc., etc.
Pourtant nous pourrions aussi proposer des mesures immédiates pour aller vers la société de non-voiture, à commencer par la suppression des 24 heures du Mans et de toutes les course automobiles. Une autre mesure normative, proposée par Yves Cochet, consisterait à interdire les déplacements automobiles non professionnels le dimanche. J’entends déjà les cris de celles et ceux qui qualifient ces mesures de liberticide, voire d’écofasciste : « On restreint mon droit à la mobilité ! » Oui, C’est cela, ou la guerre civile. Une troisième mesure serait la réduction des vitesses maximales autorisées sur autoroutes, routes, et en ville, respectivement à 90 kilomètres à l’heure, 60 km/h et 30 km/h. D’autres mesures concerneraient les véhicules eux-mêmes : bridage des moteurs, limitation du poids et de la surface au sol des engins, etc., etc.