Suicide assisté, démocratie et libre-arbitre

Une Belge de 23 ans a eu recours au suicide assisté le 7 mai 2022 pour cause de « souffrance psychologique insupportable ». Shanti de Corte figurait parmi les rescapés de l’attentat-suicide ayant ciblé l’aéroport Bruxelles-Zaventem, au nord-est de la ville. Le jour des attaques terroristes en 2016, l’adolescente se trouvait à l’aéroport. En 2020, Shanti de Corte fait une nouvelle tentative de suicide. Elle est euthanasiée selon son souhait, entourée de sa famille. Sur Facebook, la jeune Flamande a laissé une épitaphe évoquant son « départ en paix ».

Le parquet d’Anvers a ouvert une enquête sur les faits suite à signalement, avant de classer l’affaire, concluant que la procédure avait été respectée. En Belgique, l’euthanasie est autorisée depuis 2002. Le texte de loi précise que la demande formulée par le patient doit être « volontaire, réfléchie, répétée », « sans pression extérieure ». Il souligne que le médecin « ne commettra pas d’infraction » dès lors que le patient, victime d’une « souffrance physique ou psychique constante et insupportable » des suites d’une « affection accidentelle ou pathologique incurable », « se trouve dans une situation médicale sans issue ». Comme dans le cas de Shanti de Corte, un second avis médical est nécessaire lorsque le décès du patient « n’interviendra manifestement pas » naturellement « à brève échéance ». Elle leur a raconté ses nuits sans sommeil, ses attaques de panique au bruit d’une ambulance dans la rue, sa dépression.

Le point de vue des écologistes

Arne Naess, un des penseurs de l’écologie, s’exprimait ainsi :

« La vie devrait être employée à quelque chose. Pour certains, il s’agit d’honorer Dieu. Ce n’est pas ça pour moi, mais,si elle n’était pas employée à quelque chose, la vie ne vaut pas la peine d’être vécue. La vie humaine n’a pas de valeur en elle-même. Ce sont les humains qui font la distinction entre vivre pour quelque chose et vivre tout simplement… Il ne me viendrait pas à l’idée d’étendre ça aux animaux. Dans certaines circonstances, on ne devrait pas décourager le suicide. Je veux parler des cas de personnes qui ont souffert très longtemps et dont il parait clair qu’elles préféreraient arrêter de vivre. Quand on est vraiment anéanti, on se suicide. De toute façon nous cesserons tous de vivre tôt ou tard, notre temps est limité, et cela ne devrait pas être une fin en soi que de prolonger sa vie aussi longtemps que possible. Des gens raisonnables, après avoir considéré les choses froidement, préfèrent s’arrêter, avoir une fin rapide.

J’ai donné une conférence à des étudiants de l’université d’Oslo sur le sens de la vie. Je leur ai dit : « Eh bien ! c’est facile, asseyez-vous auprès de quelqu’un qui éprouve une douleur extrême. » C’est extraordinairement simple, si l’on sait faire preuve d’empathie. »

Voici quelques commentaires sur lemonde.fr

Michel SOURROUILLE : Sur une planète de 8 milliards d’êtres humains, on peut s’interroger aussi bien sur les conditions de donner la vie comme sur les modalités de sa mort. Mais avec l’euthanasie, on risque fort d’ouvrir la boite Pandore, on ne sait jamais jusqu’où on ira… sauf que dans le cas de la démocratie belge, il s’agit bien d’une modalité encadrée par la loi et reposant sur le libre exercice d’une volonté individuelle. Rappelons qu’en démocratie, il s’agit par définition de la volonté du peuple ; on tourne résolument le dos aux arguments d’autorité donnés par la religion ou un totalitarisme. Le droit à la vie n’est pas un principe immuable, il est modulable selon l’évolution de la conscience sociale. Le commandement « tu ne tueras point » est d’ailleurs mis à mal de tous temps sur des champs de bataille le plus souvent sanctifiés par les tenants de telle ou telle religion, par exemple l’église orthodoxe qui soutient l’invasion de l’Ukraine  par Poutine !

Sauf qui Peut : Il faut bien comprendre le contexte religieux de la législation sur l’euthanasie en Belgique. La religion catholique a créé de profonds traumatismes dans la société, particulièrement en Flandre. Il n’y a jamais eu de séparation claire de l’église et de l’Etat. Le phénomène de rejet fut d’autant plus marqué dans ce pays. Cette législation fait partie de cette rupture d’avec cette chape de plomb religieuse qui vous impose de souffrir pour vivre et inversement…

Jean-Pierre M. : Au moins Shanti de Corte est morte proprement, ce n’est pas comme en France ou til y a près 10 000 suicides chaque année… après ce sont des personnes, souvent des proches, qui trouvent le corps et qui peuvent être traumatisés.

Socrates : Aucune vie n’est nécessaire et elle n’appartient qu’à l’individu. Si mourir semble plus simple que vivre, qui sommes-nous pour l’interdire ? Rappelons-nous que personne ne nous demande notre avis avant de nous mettre au monde, autant pouvoir s’exprimer sur sa propre fin de vie.

Bonemine : Cette jeune femme souffrait le martyre et la médecine ne pouvait pas la soulager… alors sans cette euthanasie, elle aurait été obligée de se jeter sous un train ou du 5ème étage.

Avenir65 : Ne condamnons pas ce geste qui lui appartient. La souffrance psychologique est sans aucun doute très compliquée à gérer. Les médicaments ne peuvent pas toujours nous accrocher à la vie. Nous ne choisissons pas de naître, laissez nous choisir l’heure de notre propre mort dans la dignité.

Sleepy Hollow : Complètement d’accord. C’est d’ailleurs toute la société occidentale qui n’est pas à l’aise avec le concept de la mort elle-même. Il y a même quelque chose de pervers à préférer garder des gens en vie contre leur gré et de les voir souffrir…et de s’en satisfaire !

Pascal 60 : J’aimerais vivre dans un pays comme la Belgique où une telle chose est possible. Sans nécessairement utiliser cette option, mais savoir qu’elle existe et que l’on sera écouté avec humanité et discernement. La vie à tout prix est un dogme aussi effrayant que stupide.

Pot-au-lard : C’est impressionnant à quel point les gens ne connaissent RIEN à la psychiatrie et s’expriment. Ils ne la voient qu’à travers le prisme de leur quotidien. Ce n’est pas parce qu’on parle de douleurs « psychiques » qu’elles ne sont pas réelles. En fait, les vrais médecins considèrent que la douleur psychique dépasse largement toute douleur physique, et c’est parfois ça qui amène aux décisions finales dans les soins palliatifs. Ensuite, cette belge de 23 ans, vu ses antécédents et les années passées sans amélioration, considérant la grande frilosité des psychiatres devant la mort, elle a probablement épuisé tous les recours de soins possibles, des combinaisons avec antipsychotiques jusqu’aux ECT. Penser que sa situation ne méritait pas l’euthanasie est juste du MÉPRIS envers son vécu.

Didier Dreyfuss : Un tel débat devrait s’inscrire dans une éthique de la discussion seule à même d’arriver, sinon à un consensus (trop souvent synonyme d’autocensure), du moins à une diminution de l’intensité du dissensus… Savoir qu’il est possible de recourir à une aide médicalisée pour mourir (dans les pays l’autorisant) permet à une personne d’affronter plus sereinement la fin de sa vie.

Lire, Suicide mode d’emploi, voici les nouvelles recettes

14 réflexions sur “Suicide assisté, démocratie et libre-arbitre”

  1. Je viens de lire «Suicide mode d’emploi, voici les nouvelles recettes» (Biosphère sept 2013)
    Vu que je n’étais pas là à l’époque, j’en profite donc aujourd’hui. D’abord je ne suis pas surpris, je retrouve bien là l’esprit de Biosphère, sa propagande etc.
    – « Nous n’inventons rien, c’est écrit dans LE MONDE du 2 juillet 2013 »
    C’est qui «nous» ? C’est qui Biosphère exactement ? Bref, on verra ça plus tard. Ou pas.
    En attendant, Biosphère se sert là de cet article du MONDE pour donner les «bonnes» recettes. Au diable cette loi qui condamne la «provocation au suicide» … «nous» sommes couvert(s) par Le MONDE. Les commentaires non plus ne me surprennent même pas. Seulement ils m’attristent. Même plus envie de rire. Cette pauvre Julie qui dit merci… et cette malheureuse Danièle, dont on ne sait même pas de quoi elle souffre… qui appelle au secours. Et qui ensuite revient dire merci. Je trouve ça incroyable. Misère misère !

  2. Parti d'en rire, misère misère !

    – « Au moins Shanti de Corte est morte proprement, ce n’est pas comme en France ou il y a près 10 000 suicides chaque année » (Jean-Pierre M.)
    Eh ben c’est du propre ! Celle-là aussi vaut son pesant de cacahuètes.

    1. Esprit critique

      – « Ne condamnons pas ce geste qui lui appartient. La souffrance psychologique est sans aucun doute très compliquée à gérer. » (Avenir65)
      Bien entendu qu’il n’est pas question de condamner ce geste, ni cette pauvre jeune femme. De toute façon à quoi ça servirait de la condamner, et à quoi pourrait-on la condamner, puisqu’elle n’est plus de ce monde. Par contre ce qu’on peut toujours condamner ce sont les dérives, ainsi que les gens qui les permettent, voire les encourage.
      Bien entendu aussi que la souffrance psychique ou psychologique est une vraie souffrance, pas toujours facile à gérer. Faut-il pour autant en arriver là ? C’est juste une question.

    2. Esprit critique, misère misère

      – « Ensuite, cette belge de 23 ans, vu ses antécédents et les années passées sans amélioration […] elle a probablement épuisé tous les recours de soins possibles, des combinaisons avec antipsychotiques jusqu’aux ECT. Penser que sa situation ne méritait pas l’euthanasie est juste du MÉPRIS envers son vécu. »

      Qu’est-ce qu’il en sait ce Pot-au-lard si elle avait épuisé ou pas tous les recours de soins possible ? Et puis selon lui, si je pense que c’est là une dérive, alors je suis dans le MÉPRIS envers le vécu et les souffrances de cette pauvre jeune femme.
      Ben voyons ! Et si je pense que c’est là une bonne et juste chose… et là dans quoi je suis, hein ? Quoi qu’il en soit, ce n’est pas un peu binaire ou absurde comme raisonnement, non ? Ce sont juste des questions.

  3. Dérives et pente glissante

    – Belgique : «La loi sur l’euthanasie ouvre à toutes les dérives» (Le Figaro 23/07/2019 )

    – Euthanasie : la Belgique pourrait revenir sur une loi dont un cas extrême prouve qu’elle ouvre la porte à trop de dérives (atlantico.fr)
    Là encore l’affaire commence par un reportage diffusé dans une émission flamande.
    C’est l’histoire d’une femme de 38 ans qui souffrait d’une maladie psychique suite à une séparation amoureuse.

    1. – « Autorisée à mourir à 24 ans parce qu’elle n’a plus envie de vivre : La belgique accumule les dérives sur l’euthanasie. Une jeune femme de 24 ans, Laura, en parfaite santé physique [etc.]» (atlantico.fr)

      Comme quoi, en Belgique, mieux vaut avoir la frite.

  4. Esprit critique

    – « C’est la RTBF, service public audiovisuel belge, qui a révélé les dessous du décès de la jeune Flamande, mercredi 5 octobre, dans un épisode du magazine d’information « Investigation » […] L’annonce des circonstances de la mort de Shanti de Corte a également eu lieu au lendemain de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) de condamner l’Etat belge pour des « défaillances » dans le contrôle a posteriori des euthanasies pratiquées dans le pays » (Le MONDE – 07 octobre 2022 )

    D’un côté on peut se dire que c’est encore une fois les mé(r)dias qui rendent publique cette affaire, juste pour faire le buzz, si ce n’est pour nuire à Pierre Paul ou Jacques etc.
    N’empêche qu’il y a cette condamnation, qui ne peut quand même pas être ignorée, ni écartée comme ça d’un revers de la main. ( à suivre )

    1. Les interrogions que cette affaire suscite, déjà en Belgique, sont parfaitement légitimes.
      Pour moi, cette triste affaire nous révèle encore une fois les limites de ces lois sur l’euthanasie. Ce n’est pas moi qui parle de « défaillances », c’est la CEDH. Et moi je rajoute que nous avons bien affaire là à ce qu’on doit appeler une dérive.
      Une dérive… jusqu’à ce que le seuil soit relevé, ou rabaissé (tout dépend de comment on voit les choses, du point de vue quoi). De manière à ce que ce genre de cas rentre dans les clous, dans la norme quoi. Ou dans le cadre de l’acceptable, du souhaitable… si vous préférez. Le seuil, c’est la loi qui le fixe. Exactement comme pour la teneur réglementaire de tel ou tel poison dans l’eau que nous buvons.

    2. Cette affaire n’est pas non plus sans rappeler d’autres affaires, sans aucun rapport avec l’euthanasie. Investigations du côté de la Presse, médiatisation, etc.
      Interrogeons-nous… posons-nous la question : Et si, par hasard, au sujet de ceci ou de cela, d’Untel ou d’Ontel… je m’étais tout simplement laissé guidé par mes sentiments ? Autrement dit, et si je m’étais trompé ?
      J’aurais belle gueule alors, le jour où tous les éléments seront là… dévoilés, démontrés, prouvés… au grand jour.

  5. Parti d'en rire

    – « Sur une planète de 8 milliards d’êtres humains, on peut s’interroger aussi bien sur les conditions de donner la vie comme sur les modalités de sa mort » ( M. SOURROUILLE )
    Et sur une planète de 10 milliards, alors là braves gens, j’vous dis pas !
    Et comme il dit, interrogez-vous !

    – « Mais avec l’euthanasie, on risque fort d’ouvrir la boite Pandore, on ne sait jamais jusqu’où on ira… sauf que dans le cas de la démocratie belge, il s’agit bien d’une modalité encadrée par la loi [etc.]»
    Là je me dis que ça doit être une nouvelle blague sur les Belges, et je la trouve à mourir de rire. Ben oui tout le monde connaît la formule utilisée en Belgique dans ces circonstances. Pour ceux qui ne la connaissent pas c’est N2O. Ben oui le protoxyde d’azote. Mieux connu sous le nom de gaz hilarant.

  6. Le principe est simple à comprendre « Mon corps m’appartient !  » autrement dit, je suis le seul souverain de mon corps; et personne d’autre que moi n’a à m’imposer des soins contre mon gré, des vaccins contre mon gré et dois pouvoir décider seul d’une mort médicalement assistée ! Violer ce principe revient à du communisme car cela revient à collectiviser mon corps, autrement dit soumettre les décisions concernant mon corps auprès d’un gouvernement (qui lui même peut trancher suite à des pressions religieuses; soit des groupes collectifs de personnes) c’est donc bien collectiviser mon corps ! ET je refuse !

    1. Parti d'en rire

      Ben oui, le principe est simple à comprendre : « C’est mon choix ! Parce que je le veau bien ! Et puis c’est Moi le seul maitre à bord ! »
      Et donc, si ça me plait, je peux me faire tatouer et piercer de la tête aux pieds. Et puis planquer tout ça ou pas sous une burka, c’est mon choix na !
      En attendant, revendiquer le droit d’être assisté, alors qu’à côté on ne fait que déplorer l’assistanat, je trouve ça formidable.

      1. la liberté de la femme

        C’est quoi la liberté de la femme en France aujourd’hui, une liberté formelle ou réelle ? Allez donc voir un peu sur les lieux de travail et ailleurs. La femme objet est partout repérable. On argue de nos valeurs, on veut être un exemple alors que seuls dominent le cul à toutes les sauces, le fric et une vulgarité étouffante pour qui possède encore une vision éthique de l’humanité. Que l’on souhaite se préserver de ces miasmes par la burqa ou de tout autre manière me parait quant à moi, européen de souche né en Algérie, parfaitement légitime. (GINESTE, le 26 janvier 2010 – latelelibre.fr )

      2. Parti d'en rire.

        Mon pauvre BGA, yapafoto… t’es vraiment trop c… euh, trop fort !
        – « La modération de ce blog biosphere avoue qu’elle est souvent dépassée par le nombre de commentaires hors sujet, et/ou simple algarade interpersonnelle, illustration de fantasmes anti-immigrés et autres dérives idéologiques ou rhétorique [ etc.] » (Biosphère 13/10/2022)

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