Il est possible de fixer un salaire minimum, il est donc possible de plafonner le salaire des patrons. C’est le socio-politique qui dirige l’économique et non l’inverse. Le libéralisme économique qui survalorise l’individualisation nous a fait oublier la réalité. Que ce soit clair, les dirigeants d’entreprise n’ont aucune performance particulière à faire valoir dans le résultat financier de leur entreprise. Les grands groupes sont des collectifs de travail où toutes les personnes ont leur importance, autant le balayeur que l’expert en analyse des marchés. Un dirigeant n’a pour statut qu’une fonction parmi d’autres, qui est celle de coordonner ses cadres proches qui à leur tour coordonnent les travailleurs, mais c’est la base qui à la lourde tâche de réaliser au mieux le rapport à la production ou à la clientèle. Et en dernier ressort, c’est le versement d’argent des consommateurs qui fait la richesse des patrons. Un patron ne possède que deux bras et une seule tête, des besoins similaires à tous, il ne vaut pas beaucoup plus que n’importe lequel d’entre nous et certainement beaucoup moins dans des tas de domaines (la sagesse, le respect des autres, l’amour de la nature, etc.). Le RMA (revenu maximum admissible) devrait être une exigence syndicale et politique de premier ordre.
LeMonde* nous relate le projet du PS de limiter les salaires de certains patrons à vingt fois le salaire de base. LeMonde reprend les lieux communs habituels, « Ce n’est pas à l’Etat d’imposer ses règles dans des sociétés privées »… « Trouvera-t-on des patrons compétents avec des rémunérations si basses »… « On ne recruterait que des seconds couteaux »… « Les grands patrons vont fuir à l’étranger ». Pas touche aux salaires du PDG de GDF-Suez, 3,3 millions d’euros en 2010 ? Pas touche aux présidents de sociétés côtés au CAC 40, gagnant chacun plus de 200 Smic en moyenne ? Notre société nous fait gober n’importe quoi, il faut penser autrement.
D’autant plus que dans l’état actuel de la planète, affaiblie et épuisée, aucune personne ne devrait revendiquer un niveau de vie supérieur à celui de la moyenne mondiale. Lisez Hervé Kempf** : « Tandis que les gros, là-haut, continueraient à se goberger dans leurs 4×4 climatisés et leurs villas avec piscine, nous limiterions notre gaspillage, nous chercherions à changer notre mode de vie ? Non. La seule façon que vous et moi acceptions de consommer moins de matière et d’énergie, c’est que la consommation matérielle, donc le revenu, de l’oligarchie soit sévèrement réduite. En soi, pour des raisons d’équité, et plus encore, en suivant la leçon de Veblen, pour changer les standards culturels de la consommation ostentatoire. Puisque la classe de loisir établit le modèle de consommation de la société, si son niveau est abaissé, le niveau général de consommation diminuera. Nous consommerons moins, la planète ira mieux, et nous serons moins frustrés par le manque de ce que nous n’avons pas. »
* LeMonde du 6 avril 2011, Est-il possible de plafonner le salaires des patrons ?
** Comment les riches détruisent la planète d’Hervé Kempf (Seuil, 2007)
Pour Richard Senett, tout le problème des inégalités se résume au fait que les cadres supérieurs, malgré une rémunération plus importante, ont souvent des compétences techniques moindres que leurs subalternes. Dans l’idéologie méritocratique, le capitalisme se fait fort de récompenser le mérite. Mais bien souvent, l’artisanat moderne (technicien, aide-soignant, enseignant…) doit rendre compte à des supérieurs moins compétents que lui. Les cadres dirigeants perdent leur leadership parce qu’ils restent en vase clos et se coupent du monde extérieur, devenant incapables de faire face aux problème d’organisation.
* LeMonde du 10-11 avril 2011, Mensonge méritocratique