Obama parie sur l’économie verte et remet la science (de l’environnement) au sommet de l’agenda (Le Monde du 23 décembre). Je trouve d’une totale ambiguïté le concept de technologies vertes adopté par l’éditorial. Car qu’est-ce qui est « vert » et que peut-on dire de la technoscience ? Le débat dans les années 1970 sur l’opposition entre techniques dures et techniques douces, nous offre des pistes de réflexion.
Dans le numéro 9 du mensuel la Gueule ouverte (juillet 1973), Ivan Illich, de passage à Paris pour son dernier livre La convivialité, avait développé ses thèmes de prédilection, dont le rôle de l’outil, convivial ou non : « Je distingue deux sortes d’outils : ceux qui permettent à tout homme, plus ou moins quand il veut, de satisfaire les besoins qu’il éprouve, et ceux qui créent des besoins qu’eux seuls peuvent satisfaire. Le livre appartient à la première catégorie : qui veut lire le peut, n’importe où, quand il veut. L’automobile, par contre, crée un besoin (se déplacer rapidement) qu’elle seule peut satisfaire : elle appartient à la deuxième catégorie. De plus, pour l’utiliser, il faut une route, de l’essence, de l’argent, il faut une conquête de centaines de mètres d’espaces. Le besoin initial multiplie à l’infini les besoins secondaires. N’importe quel outil (y compris la médecine et l’école institutionnalisées) peut croître en efficacité jusqu’à franchir certains seuils au-delà desquels il détruit inévitablement toute possibilité de survie. Un outil peut croître jusqu’à priver les hommes d’une capacité naturelle. Dans ce cas il exerce un monopole naturel ; Los Angeles est construit autour de la voiture, ce qui rend impraticable la marche à pied ».
Dans le hors série spécial écologie du Nouvel Observateur (juin-juillet 1972), « La dernière chance de la Terre », on trouve explicitement une différenciation entre techniques dures et techniques douces :
Société à technologies dures | Communautés à technologies douces |
Grands apports d’énergie
Matériaux et énergie non recyclés
production industrielle priorité à la ville séparé de la nature limites techniques imposées par l’argent… |
Petits apports d’énergie
matériaux recyclés et énergie renouvelable production artisanale priorité au village intégrée à la nature limites techniques imposées par la nature… |
La technologie utilisée doit être douce, douce à l’usage, douce à la reproduction du savoir-faire, douce à la Nature. Sinon on se retrouve devant des remèdes controversés, comme l’ingénierie du climat destiné à refroidir la Terre (cf. http://abonnes.lemonde.fr/archives/article/2008/12/22/l-ingenierie-du-climat-un-remede-controverse_1134027_0.html). Pour refroidir la Terre, nous n’avons pas besoin d’injection de soufre, nous avons besoin de négawatts, c’est à dire d’appuyer sur la pédale du vélo (techniques douces) et non sur l’accélérateur de la voiture (technique dure).