TRIBUNE d’objecteurs de conscience

Cette tribune est passée dans le journal « L’Humanité » du 24 mai 2024

https://www.humanite.fr/en-debat/armee-francaise/objecteur-de-conscience-a-la-journee-defense-et-citoyennete-cest-possible

Se déclarer objecteur de conscience à la Journée Défense et Citoyenneté (JDC), c’est possible

La guerre n’a jamais cessé, la fin de la seconde guerre mondiale ne signifiait pas la fin de toutes les guerres. Pour la France, la guerre en Indochine, ce n’était pas une « opération spéciale ». Entre 1952 et 1962, ce sont 1 343 000 appelés ou rappelés et 407 000 militaires d’active qui participent au « maintien de l’ordre » en Afrique du Nord (en Algérie, Maroc et Tunisie). Le statut des objecteurs de conscience découle d’ailleurs du refus par certains de la guerre en Algérie. Il est, grâce à l’action de Louis Lecoin et l’assentiment du président Charles de Gaule, adopté par une loi de décembre 1963. La loi Joxe en 1983, ne fait qu’assouplir les conditions d’obtention du statut. L‘obtention du statut devient automatique sous réserve d’envoyer une lettre type.

Mais la fin de la conscription en 1997 constitue une nouvelle donne. Une journée de défense et de citoyenneté devient obligatoire. Tous les jeunes ayant la nationalité française doivent être recensés à partir de 16 ans et sont appelés à effectuer une journée d’appel avant 18 ans. Par contre, aucune possibilité de se déclarer « objecteur de conscience » n’est prévue par la loi du 28 octobre 1997. Selon le point de vue officiel publié au JO le 20/03/2007,  « le ministère de la défense ne peut préjuger des dispositions que prendrait le pouvoir législatif sur les conditions de recevabilité des demandes d’admission au bénéfice du dispositif de l’objection de conscience. La forme de service que souhaiterait accomplir chaque administré effectuant la journée d’appel de préparation à la défense (JAPD) n’est pas l’une des données dont le recueil est autorisé. »

Rappelons pourtant que le droit à l’objection de conscience au service militaire repose sur l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui garantit le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ou de conviction. L’obligation d’employer la force au prix de vies humaines peut être gravement en conflit avec la liberté de conscience et le droit de manifester sa religion ou ses convictions.

Le président de la république Emmanuel Macron, lors d’une conférence de presse le 14 mars 2024, était clair : « Nous devons être prêts sans rien exclure, pas même le déploiement de militaires français sur le territoire ukrainien. » En toute transparence démocratique, les jeunes doivent être informés que l’incorporation n’est que suspendue ; l’appel sous les drapeaux peut être « rétabli à tout moment par la loi dès lors que les conditions de la défense de la Nation l’exigent ou que les objectifs assignés aux armées le nécessitent » (Loi portant réforme du service national du 28 octobre 1997, L. 112.2). Dans de telles circonstances, il pourrait être difficile pour les services compétents de traiter dans l’urgence et massivement des demandes d’objection de conscience.

C’est pourquoi lors de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC, anciennement JAPD), il nous semble conforme à la logique démocratique qu’un jeune homme ou une jeune femme puisse déclarer :

« Je désire manifester dès maintenant mon refus d’un service militaire armé pour motif de conscience et je demande à bénéficier d’un tel droit reconnu internationalement. Mes convictions, basées sur la recherche de la bonne entente collective, me conduisent à d’autres formes d’engagement pour la nation et les peuples que l’usage des armes ».

Premiers signataires

BELIN Hervé (objecteur, 1977)

BOVÉ José (objecteur, 1975)

CARLEN Jean-Yves (objecteur, 1988)

FABRE Paul (objecteur, 1973)

COULON Patrice (objecteur, 1975)

KOPP Jean (objecteur, 1981)

LANGLOIS Denis (emprisonné en 1966)

MARCHAND François (objecteur, 1974)

MOREL Dominique (objecteur, 1970)

MOREL Yves (objecteur, 1975)

REFALO Alain (objecteur, 1985)

RICHARD Christian (objecteur, 1974)

SOMMERMEYER Pierre (objecteur, 1963)

SOURROUILLE Michel (objecteur, 1971)

11 réflexions sur “TRIBUNE d’objecteurs de conscience”

  1. @ Biosphère 25 MAI 2024 À 21:06 :
    Je ne pense pas avoir de grandes connaissances en matière d’Objection de Conscience, je pense d’ailleurs que vous, Michel Sourrouille, en avez plus que moi. Votre question est précise et j’aimerais pouvoir y répondre, précisément, pouvoir décrire et expliquer la recette (le YAKA), ce qu’il faut ou faudrait faire etc. Hélas face à ce type de blocage, j’ai bien peur de ne rien pouvoir apporter de nouveau. En attendant :
    – Des tribunes, comme celle-ci : très bien.
    – Poser et reposer les questions en hauts lieux (Assemblée nationale) : très bien.
    – S’appuyer sur des juristes pour dénoncer le flou législatif (ou le vide juridique) : très bien.
    – Des manifs, des grandes marches, pour la paix … ON peut toujours rêver.
    ( à suivre )

    1. Sauf que, comme avec bien d’autres blocages, nous voyons bien que les choses n’avancent guère pour autant. Et que pendant ce temps la Propagande bat son plein, toujours plus haut toujours plus fort. Propagande guerrière ici, “compétitionniste“ ou olympique à côté (les deux étant liées), libérale et consumériste partout, etc.
      Et que parallèlement tout fout le camp, tout se dégrade, l’environnement, la biodiversité, le climat et surtout les esprits.
      Comment dans ces conditions, l’Objection de Conscience pourrait-elle progresser ?
      Idem de l’esprit critique et de cette fameuse intelligence collective.
      J’ai donc le sentiment, encore une fois, que nous sommes bel et bien plantés. Bloqués..

      1. vos analyses sont perspicaces,elles sont aussi les nôtres, ni Bardella ni Attal et encore moins Macron n’arrangent les choses…
        Le problème, ce n’est pas d’ailleurs ce que font ou disent ces personnes, mais le nombre de ceux qui les écoutent et qui ne font rien….

        1. C’est vrai, et je suis toujours d’accord, mais… et je vous retourne donc la question… que faut-il (ou faudrait-il) FAIRE ?
          Aller voter prochainement CONTRE Bardella, Attal et Macron… en quoi cela pourrait-il faire évoluer les choses ? Et puis d’abord ça veut dire quoi “ne rien faire“ ? Ne pas voter (refuser de participer à ce Cirque) est-ce ne rien faire ? Ou au contraire cela peut-il être pensé comme une forme d’action ? Ne vaut-il pas mieux ne rien faire que faire des conneries ? Je reconnais que les réponses ne sont pas évidentes. Personnellement il y a longtemps que je n’écoute plus tous ces marchands de salades. Et quand je les écoute, ce n’est seulement que pour repérer leurs stratagèmes, leurs incompétences, leur double discours etc. (affûter mon esprit critique) et finalement me conforter dans mes convictions.
          Bref, je ne sais pas ce qu’il faut FAIRE.

  2. Esprit critique

    Ces questions sur l’objection de conscience, sa reconnaissance, son respect, déjà au niveau des JDC (JAPD) commencent à dater. Plusieurs fois elles ont été mises sur la table des plus hautes instances. Mai 2000, à l’Assemblée Nationale, René Mangin (Socialiste – Meurthe-et-Moselle) posait la question au Ministre de la Défense de l’époque : « les jeunes hommes nés après le 31 décembre 1978 ainsi que les jeunes femmes nées après le 31 décembre 1982 convoqués à la journée d’appel de préparation à la défense pourront-ils encore, comme leurs aînés, se déclarer objecteurs ou objectrices de conscience ? »
    Réponse (publiée au Journal Offciel le 03/07/2000 page 3942) : « blablabla… Par conséquent, il n’est pas envisagé de diffuser une information sur l’objection de conscience lors de la journée d’appel de préparation à la défense. »

    1. Esprit critique, merci de votre information.
      Pour être plus précis le ministère indique : « en raison de la suspension du service national, il n’existe plus de contrainte pour un jeune Français d’être placé dans une situation militaire qui serait contraire à ses idées religieuses ou philosophiques. Par conséquent, il n’est pas envisagé de diffuser une information sur l’objection de conscience lors de la journée d’appel de préparation à la défense. »
      Par contre la JDC « dispense un enseignement sur les moyens civils et militaires de la défense ainsi que sur leur organisation ». Donc il faudrait enseigner aussi les modalités d’une défense civile non violente…

      1. Je suis d’accord avec vous. Comme je l’ai précisé, la question de René Mangin et la réponse du ministre datent de 2000. Cette question a ensuite été reposée à l’Assemblée, sous une forme une autre, notamment en Septembre 2008 par Francis Hillmeyer (Nouveau Centre – Haut-Rhin).
        Et les réponses à peu près toujours les mêmes : « circulez, il n’y a rien à voir. »

        Pour ce qui est d’enseigner (aussi) les modalités d’une défense civile non violente… je pense qu’il est illusoire d’attendre ça du Ministère des Armées.
        Par contre, c’est l’Éducation nationale qui devrait s’en charger. D’autre part, puisqu’elle est obligatoire (pour passer le BAC, le permis…) la JDC ne devrait pas être un recrutement déguisé (comme dit À 12:55).
        JDC ou pas… un jeune de 16 ans, voire 25, doit avoir le droit de devenir objecteur de conscience (refuser de faire la guerre) à 17 voire 50 ans et plus.

        1. Michel C., vous faites preuve de grandes connaissances en matière d’Objection de Conscience. Pourriez-vous nous faire part directement de votre avis sur ce qu’il faudrait faire face au blocage ministériel interdisant de se déclarer aujourd’hui OC ?
          Merci,
          écrire à biosphere@ouvaton.org

  3. Comme quoi TOUS les Rouges (cocos, gauchos et j’en passe) ne sont pas aussi cons que certains sur ce blog se plaisent à braire. Je me demande si Boulevard Voltaire, L’Incorrect, ou même Le Figaro auraient accepté de publier cette tribune.
    J’ai déjà longuement commenté sur l’objection de conscience. Et bien sûr, je suis tout à fait favorable à ce que lors de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC), un jeune homme ou une jeune femme puisse faire cette déclaration. Cette possibilité va évidemment dans la logique démocratique, et pour moi il n’y a aucune raison (valable) de s’y opposer.
    J’irais plus loin, normalement… l’institution devrait traiter ce sujet lors de cette journée.
    Or il n’en est rien. Et si les jeunes «acceptent» de participer à cette journée, c’est avant tout parce que cette participation leur est obligatoire… pour passer le BAC, le permis de conduire, entre autres. ( à suivre )

    1. (suite)
      Cette contrainte (obligation) ne peut que nous rappeler celle du fumeux Vaxin et du Pass qui allait bien. En effet :
      – « La JDC n’est rien d’autre qu’un recrutement déguisé. […]
      Il est donc important d’informer correctement les jeunes sur les risques associés à suivre cette journée d’incorporation militaire sans se déclarer objecteurs. L’encadré joint à cet article présente un modèle de lettre que les jeunes qui souhaitent être objecteurs de conscience peuvent présenter lors de la Journée Défense et Citoyenneté. »
      ( Objecter à la journée défense et citoyenneté ? revuesilence.net janvier 2015 )

      (à suivre )

    2. (et fin)
      J’irais donc encore plus loin. Normalement… l’École (Éducation nationale) devrait informer correctement les jeunes… leur parler de ce modèle de lettre… et bien sûr AVANT qu’ils ne soient appelés pour cette JDC.
      Ce qui serait là encore logique, vu que le Ministère de l’Éducation est désormais officiellement associé à celui des Armées.
      Se posent ensuite les questions : Pour quelle bonne raison… un jeune doit-il avoir fait cette JDC pour pouvoir passer le BAC, le permis de conduire etc. ?
      Autrement posée : pourquoi… un objecteur de conscience serait-il plus con et/ou plus dangereux au volant qu’un militaire ? Faut-il enlever les permis de conduire aux signataires de cette tribune, à TOUS les objecteurs de conscience, TOUS les cocos (gauchos etc.) qui défendent l’objection de conscience ?

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