La plupart de nos contemporains vivent au jour le jour, les politiciens, même réunis à Copenhague, ne raisonnent pas beaucoup plus loin que les intérêts immédiats de leurs électeurs, les utopies sont derrière nous et les futurologues ne décrivent l’avenir que sous forme de catastrophes irréversibles. Comment donc échapper au court-termisme ?
P.Rosanvallon nous décrit quatre types de mesures ou d’institutions dans LeMonde du 8 décembre. Constitutionaliser, mais c’est déjà fait avec la Charte française de l’environnement (promulguée le 1er mars 2005, Art. 2. – Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement) ; renforcer l’Etat, mais si c’est pour suivre les conseils d’Hans Jonas, on a déjà donné (« La tyrannie communiste paraît mieux capable de réaliser nos buts inconfortables que le complexe capitaliste-démocratique-libéral ») ; mettre en place une « Académie du futur », mais c’est déjà le rôle du CESE (la réforme constitutionnelle de juillet 2008 a ajouté l’environnement aux compétences du Conseil économique et social) ; instituer des forums publics, mais il y a déjà plein de débats publics auxquels personne ne s’intéresse. La démocratie ne progresse pas en se complexifiant, elle devient au contraire ingérable.
Rosanvallon décrit pourtant la condition nécessaire pour préparer le long terme : « Il n’y aura pas de sortie de la myopie démocratique si les citoyens ne sont pas eux-mêmes les défenseurs d’une conscience élargie du monde. C’est lorsque les citoyens auront modifié leurs propres réflexes en termes d’anticipation que leur vision s’accordera au sentiment d’une existence à l’échelle de l’humanité. » Il faut donc que chaque citoyen en position de décision délibérative se fasse l’avocat des acteurs-absents, c’est-à-dire ceux qui ne peuvent prendre la parole lors d’une négociation, ou qui n’est pas invité à la table des négociations : milieu naturel, être vivants non humains, générations futures. Il faut d’ailleurs remarquer que la génération actuelle peut se permettre d’utiliser autant de ressources non reproductibles ( et perturber le climat) uniquement parce que les générations à venir sont exclues du marché actuel pour la simple raison qu’elles ne peuvent y être présentes ; sinon le prix s’élèverait déjà à l’infini. Il y a une dictature du présent sur l’avenir. Cela ne pourra changer que quand chacun d’entre nous pourra se projeter dans le temps long et l’espace infini.