Les adjectifs pour stigmatiser les écologistes font actuellement florès dans le débat médiatique : « djihadisme vert » (le président de la FNSEA), « la tyrannie des écologistes verts » (Pascal Bruckner). « la terreur verte » (enquête de journalistes), etc. Faut-il craindre les ayatollahs de l’écologie, une religion qui serait pire que l’islam, un écolofascisme nouveau ? Une religion de la nature n’entraînerait-elle pas les mêmes dérives que les religions du livre, terrorisme idéologique, excommunications, fatwas, mise à mort ?
Il y a d’abord une grande différence entre la sacralisation de la terre-mère et les religions « révélées » du monothéisme. La Terre est concrète, on peut la toucher et la ressentir physiquement ; le lever du soleil, nous pouvons tous l’admirer sans l’intermédiaire de quiconque. Par contre les dieux là-haut dans les cieux sont une invention abstraite et arbitraire de la pensée humaine : on peut faire dire à Dieu ce qu’on veut puisqu’il n’existe nulle part d’endroit où on peut dialoguer directement avec lui. Il faut toujours l’intermédiaire de livres et de paroles d’humains pour accéder à la foi qui ne peut qu’être aveugle.
Il y a un deuxième élément qui pousse vers une religion de la nature qui resterait non-violente et individualisée. Les objets de divinisation sont tellement nombreux sur notre planète que chacun peut être libre de croire ce qu’il veut et d’élaborer ou suivre des rites à sa mesure. Il n’y a pas besoin d’un clergé spécifique pour nous dire que tel endroit de la terre pollué ou en voie de destruction méritait notre respect et notre résistance. La multiplicité des associations environnementales, souvent axée sur un seul lieu, parfois un simple court d’eau ou un arbre vénérable, montre que la sacralisation d’un pan de la nature n’a pas besoin d’une Eglise. Le temple de la vie préexiste à l’imagination humaine, sa profanation est souvent directement visible ou bien révélée par notre appareillage scientifique. Chacun participe selon ses propres convictions et ses forces particulières à la protection de notre terre-mère, avec ou sans rituels.
Enfin l’élément pervers et néfaste des religions du livre a toujours été de vouloir imposer son pouvoir spirituel dans la sphère politique. Il en est aujourd’hui de l’islam qui peut même s’instituer en « républiques » comme cela a été le cas autrefois pour la religion catholique épaulée par des rois « de droit divin ». Une religion de la nature serait au contraire profondément laïque, séparant son amour de différentes formes du vivant et l’engagement politique. Réciproquement un parti qui porte un message écologique n’a pas besoin de s’appuyer sur une religion pour œuvrer au sauvetage de la planète. En fait une religion durable, une religion qui respecte à la fois les humains et la nature, pourrait aussi bien s’appeler éthique de la terre ou humanisme élargi ou réalisation de Soi.
La critique de la religion est la condition première de toute critique
La religion, c’est l’opium du peuple. L’homme, dans la réalité fantastique du ciel, n’a trouvé que son propre reflet. Le fondement de la critique irréligieuse est celui-ci : L’homme fait la religion, ce n’est pas la religion qui fait l’homme. L’homme n’est pas un être abstrait, extérieur au monde réel. L’homme, c’est le monde de l’homme, l’Etat, la société. Cet Etat, cette société produisent la religion, une conscience erronée du monde, parce qu’ils constituent eux-mêmes un monde faux. C’est la réalisation fantastique de l’essence humaine, parce que l’essence humaine n’a pas de réalité véritable. La religion est la théorie générale de ce monde, sa logique sous une forme populaire, son point d’honneur spiritualiste, sa raison générale de consolation et de justification.
Le véritable bonheur du peuple exige que la religion soit supprimée en tant que bonheur illusoire du peuple. La religion n’est que le soleil illusoire qui se meut autour de l’homme, tant qu’il ne se meut pas autour de lui-même. La critique de la religion aboutit à cette doctrine, que l’homme est, pour l’homme, líêtre suprême. Mais une révolution radicale allemande semble se heurter à une difficulté capitale.
En effet, les révolutions ont besoin d’un élément passif, d’une base matérielle.
(Karl Marx : Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel – 1843)
Joan Stavo-Debauge interrogé par LE MONDE sur le fait religieux :
« Il n’y a strictement aucune raison pour que les énoncés religieux soient exemptés de la critique. Quand les religions s’expriment dans le cadre de l’espace public démocratique et libéral, elles ne deviennent rien d’autre que des opinions et, à cet égard, elles sont discutables. Dans l’espace public, on peut être choqué par la façon dont les autres nous voient ; c’est le jeu ordinaire de la démocratie et de la réflexivité critique qu’elle soutient. Le libéralisme traite les voix religieuses à parts égales avec d’autres voix politiques.
Il y a des formes d’islam, comme il y a des formes de christianisme, qui sont en tension avec la démocratie libérale. A partir du moment où il y a une tentation intégraliste (régir la vie des croyants et la vie des non-croyants) apparaît un problème de compatibilité.
On a entendu des sociologues dire que la religion n’était pas impliquée dans les attentats de début janvier ! C’est se moquer des gens. Ces événements ont à voir avec un certain genre d’islam.
(LE MONDE des livres, Joan Stavo-Debauge : « La religion doit se soumettre à la critique »)
Croissez et multipliez, envahissez la Terre, saccagez-la, souillez-la, prostituez-la.
Je doute dans un temple et sur un mont je crois. Victor Hugo
Dix Commandments
You will love the Earth as yourself ;
You have as many duties as rights ;
You will not allow machines to govern you ;
You will always respond in a balanced manner ;
You will respect each element of the Biosphere ;
You will lead your life in an intentionally modest way ;
You will protect the future of the generations to come ;
You will not cause unnecessary damage to your environment ;
You will adapt your fruitfulness to the capacity of your ecosystem ;
You will live on the fruits of the Earth without undermining its natural wealth.
Une religion pour la terre-mère pourrait adopter ces « commandements »
Tu as autant de devoirs que de droits ;
Tu pratiqueras la simplicité volontaire ;
Tu aimeras ta planète comme toi-même ;
Tu réagiras toujours de façon proportionnée ;
Tu protégeras l’avenir des générations futures ;
Tu respecteras chaque élément de la Biosphère ;
Tu ne laisseras pas les machines te dicter leur loi ;
Tu adapteras ta fécondité aux capacités de ton écosystème ;
Tu ne causeras pas de blessures inutiles à ton environnement ;
Tu vivras des fruits de la Terre sans porter atteinte au capital naturel.