La ministre de l’écologie Emmanuelle Wargon* dit le contraire de ce qu’il faudrait penser. Démonstration :
Emmanuelle Wargon : Se coltiner le réel suppose de faire des compromis, d’avancer étape par étape. Nicolas Hulot avait beaucoup plaidé pour que son ministère s’appelle transition écologique et solidaire, or, l’idée même de transition, c’est d’y aller progressivement. L’ambition du président de la République et du premier ministre est intacte, et même renforcée.
Biosphere : Lors de sa démission du gouvernement il y a un an, Nicolas Hulot dénonçait la politique des « petits pas » en matière écologique. L’éveil de Macron à l’urgence écologique peut se résumer par l’expression « Lentement mais pas trop vite ». Sa ministre de l’écologie est au diapason. Il y a longtemps que la situation n’exige pas une « transition », mais une écologie de rupture.
Emmanuelle Wargon : La position gouvernementale pose la question de savoir si la transition écologique est compatible ou non avec le libre-échange et l’économie de marché. Ma réponse est oui. Dire que l’on va fermer les frontières à tout n’est pas la solution. Nous n’avons pas d’alternative à l’économie de marché en tant que système. Elle a sorti des centaines de millions de personnes de la pauvreté dans le monde pendant les trente dernières années.
Biosphere : Business as usual ! Voir que l’on fait du surplace au niveau du discours gouvernemental est terrifiant. La relocalisation des activités n’implique pas la fermeture brutale des frontières, mais un soutien net aux circuits courts par la taxation des produits qui voyagent inutilement. L’économie de marché nous envoyait dans le mur, le système de l’offre et de la demande ne se soucie que du court terme, on a besoin d’une régulation politique des prix pour favoriser le long terme. Par exemple le prix de l’essence devrait déjà être au dessus de 10 euros et les consommateurs devraient savoir que la pénurie croissante des ressources implique des changements drastiques de leur comportement. Sobriété ne veut pas dire pauvreté.
Emmanuelle Wargon : Si les engagements pris par les pays du Mercosur, et en particulier le Brésil, en matière de protection de l’environnement et de la biodiversité ne sont pas tenus, la France s’opposera à la ratification de cet accord et cela bloquera son application. Notre position est claire et sans ambiguïté.
Biosphere : Comme quoi Macron s’est aperçu que le libre-échange n’avait pas que des vertus. Il était ridicule d’importer des protéines végétales au détriment de l’Amazonie alors qu’il faudrait tendre à l’autonomie alimentaire de chaque pays.
Emmanuelle Wargon : L’opinion publique nous demande d’être capables de passer à l’acte, et cela implique des changements profonds de politiques publiques qui prennent du temps. On a vu, avec le mouvement des « gilets jaunes », qu’on ne peut agir de façon dogmatique ou péremptoire.
Biosphere : Des mesures radicales sont nécessaires, mais elles font perdre un électorat potentiel… Si on suit cette voie, on ne pourra éviter la catastrophe. Un gouvernement digne de l’impératif écologique doit savoir distinguer les revendications multiples et disproportionnées des Gilets jaunes et l’évolution de l’opinion publique. Nos concitoyens se rendent compte de plus en plus clairement que les menaces planétaires vont exiger beaucoup d’efforts individuels et collectifs pour éviter les larmes et le sang. Gouverner ne veut pas dire « faire plaisir » !
Emmanuelle Wargon : L’opinion publique nous demande d’être capables de passer à l’acte, et cela implique des changements profonds de politiques publiques qui prennent du temps. Les agriculteurs, par exemple, on leur donne jusqu’en 2025 pour réduire de 50 % leur consommation de pesticides. Cela ne peut pas se faire du jour au lendemain, il faut trouver des solutions alternatives.
Biosphere : Les plans de réduction des pesticides, c’est comme l’isolation des logements ou la fermeture des centrales nucléaires: tous les cinq ans on fait un nouveau plan pour dire qu’on se donne cinq ans pour agir, parce qu’il faut « laisser du temps au temps ». Conséquence, le plan Ecophyto issue du Grenelle de l’environnement en 2007 devait déjà réduire de moitié l’utilisation des pesticides en 2018 ; on constatait en 2015 que l’objectif ne serait pas atteint, alors on a inventé Ecophyto 2, et la consommation de pesticides a continué d’augmenter. Les solutions alternatives, c’est l’agriculture biologique !
Emmanuelle Wargon : Je ne sais pas ce que diront les citoyens au sujet de la taxe carbone. Mais, la logique, c’est qu’ils nous entraînent, qu’ils nous aident à faire les changements le plus vite possible tout en les rendant acceptables. La taxe carbone permettrait de financer toujours plus d’actions pour l’écologie. Le produit de toute augmentation devrait être alloué à 100 % à la politique écologique. Cette taxe permet de montrer à tout le monde que les carburants fossiles ont un impact sur l’environnement. Mais elle ne saurait être réintroduite sans accord démocratique.
Biosphere : Si on comprend bien la ministre de l’écologie, il faut une taxe carbone, mais il faudrait d’abord attendre l’avis de l’opinion publique. A ce rythme, on aboutira au choc pétrolier ultime sans avoir modifié quoi que ce soit de nos structures énergivores. C’est pourquoi, les illusions macronistes dissipées, un gouvernement futur sera obligé d’instaurer une carte carbone, le rationnement de l’énergie.
* LE MONDE du 27août 2019, Emmanuelle Wargon : « L’idée même de transition écologique, c’est d’y aller progressivement »
Le rationnement de l’essence établi aux États-Unis en mai 1942, avec un système de coupons en fonction des besoins professionnels de chacun, divise soudainement par deux la consommation domestique de carburant sans interférer de manière catastrophique avec l’économie américaine pourtant déjà bien motorisée (35 millions de voitures en 1939).
Emmanuelle Wargon tient le discours « pragmatique » habituel, autrement dit la langue de bois. En gros : » Ne soyez pas pressés, rassurez-vous nous y travaillons, regardez comme nous avançons, faites-nous confiance nous ne baisserons pas les bras et patati et patata. Et puis de toute façon, TINA ! »
Ce discours ne fait que traduire l’idéologie libérale et « progressiste ». C’est le même que nous tiennent les industriels, les banquiers, tous ceux qui s’appliquent aujourd’hui à verdir leur business et en même temps… et qui défendront Le Système jusqu’au bout.
Biosphère dit : » Nos concitoyens se rendent compte de plus en plus clairement que les menaces planétaires vont exiger beaucoup d’efforts individuels et collectifs pour éviter les larmes et le sang. »
La prise de con-science avance, en effet. Mais rien ne change pour autant. Qu’ils s’en rendent de plus en plus compte, ça je veux bien le croire. Mais ça ne veut pas dire pour autant qu’ils y soient disposés, à ces efforts…
Je trouve tout de même triste d’en arriver à souhaiter des mesures autoritaires fortes. Une dictature verte ? En tous cas le bâton pour se faire battre ! Il faut alors croire que nous sommes incapables de nous prendre en main individuellement, que nous ne sommes que des gosses, des irresponsables .