Certains vont plus loin que la reconnaissance de l’égalité entre hommes et femme ou entre blancs et noirs, ils remettent en question notre rapport de domination vis-à-vis de l’animal : antispécisme, libération animale, welfarisme, véganisme, écologie profonde, etc. Tout de suite certains utilisent les grands mots. « La folie animalitaire actuelle est celle d’un humanisme envahissant qui veut plaquer les valeurs humaines sur l’ensemble de la nature »*, s’exclame le philosophe Jean-François Braunstein. L’anthropologue Jean-Pierre Digard affirme que l’antispécisme s’est mué en un antihumanisme, « à force, pour servir sa cause, d’accuser de tous les maux et de diaboliser les humains, en particulier les éleveurs »*. Le philosophe Francis Wolff détaille dans un livre les raisons pour lesquelles nouer avec d’autres espèces des relations d’égalité morale est, à ses yeux, une négation de l’humanisme. Pour lui qui se veut éclairé par l’époque des Lumières, « la communauté humaine est une communauté éthique unique (d’où le caractère sacré de la personne humaine, l’inviolabilité du corps humain, l’interdiction absolue de la torture) et nous devons nouer avec les autres êtres humains des relations d’égalité et de réciprocité qui ne se comparent avec nulle autre. Dès lors que l’on étend cette notion à d’autres espèces, on la corrompt. Entre personne et animal, il y a pour moi une barrière absolue : à vouloir personnifier davantage les animaux, nous risquons davantage d’animaliser les êtres humains. »**
Ce supposé anti-humanisme de tous ceux qui s’intéressent d’une façon ou d’une autre à la cause animale remonte en France à Luc Ferry (« Le nouvel ordre écologique », 1992). Ce philosophe de salon critiquait les thèses de l’écologie profonde (une philosophie écocentrique) sans avoir quasiment jamais lu les texte d’Arne Naess : « Il s’agirait de montrer qu’après l’émancipation des noirs, des femmes, des enfants et des bêtes, serait venu le temps des arbres et des pierres. La relation non anthropocentrique à la nature trouverait ainsi sa place dans le mouvement général de libération permanente qui caractériserait l’histoire des Etats-Unis. Cette présentation est fallacieuse. L’idée d’un droit intrinsèque des êtres de nature s’oppose de façon radicale à l’humanisme juridique qui domine l’univers libéral moderne. De « parasite », qui gère à sens unique, donc de façon inégalitaire, le rapport à la nature, l’homme doit devenir « symbiote », accepter l’échange qui consiste à rendre ce que l’on emprunte… C’est la hantise d’en finir avec l’humanisme qui s’affirme de façon parfois névrotique, au point que l’on peut dire de l’école profonde qu’elle plonge certaines de ses racines dans le nazisme. Les thèses philosophiques qui sous-tendent les législations nazies recoupent souvent celles que développera la deep ecology. » Le point Godwin est atteint, ce moment où toute discussion devient impossible parce que l’une des personnes traite l’autre de nazi. La reductio ad hitlerum, pour reprendre l’expression de Leo Strauss, a conduit au syllogisme suivant : étant établi que les nazis ont édicté des textes législatifs destinés à garantir la protection des animaux et de l’environnement, et étant donné par ailleurs que la deep ecology préconise une extension des obligations morales et juridiques au règne animal et végétal, il s’ensuivrait que la deep ecology serait un anti-humanisme ! Le principal effet de ce livre a été de geler les tentatives de pensée nouvelle, en frappant de suspicion en France toute réflexion sur la nature qui s’écarterait de l’humanisme kantien !! Luc Ferry et ses successeurs devraient lire notre notre blog biosphere :
Écologie, ne pas confondre antispécisme et écocentrisme
L’intelligence des plantes, la sensibilité des animaux
Le blé, c’est bien plus complexe qu’un homo sapiens
Revenons à l’essentiel. Pourquoi des philosophes aussi éminents qu’Aristote ou Sénèque n’avaient-ils aucune objection à l’asservissement de la force humaine ? Pourquoi des milliers d’années s’étaient-ils écoulés avant qu’un mouvement anti-esclavagiste organisé n’apparaisse au XVIIIe siècle ? Pourquoi les femmes en France n’ont eu le droit de vote qu’après la deuxième guerre mondiale? Pourquoi la ségrégation aux USA n’a été abolie que le 2 juillet 1964 ? Pourquoi la fin de l’apartheid en Afrique du sud n’a été envisagée qu’en 1991 ? Parce que l’idée de domination semble consubstantielle au fait que nous considérons notre propre groupe d’appartenance comme supérieur à n’importe quel autre groupe, même composé d’humains comme toi et moi. Il y a NOUS et il y a EUX, et pas besoin d’en discuter davantage ! Alors considérer que les animaux et les végétaux qu’ils qu’ils soient ont eux aussi le droit de suivre leur propre chemin sans les considérer uniquement du point de vue de nos propres avantages humains, ce sera un long chemin avec une pente rude. Comme l’exprime FLORENT KOHLER sur lemonde.fr, « J’observe avec tristesse que les tentatives d’approfondir le débat sur la condition animale vienne toujours buter sur des interviews de Wolff et de Digard qui sont à la réflexion sur le sujet ce que Claude Allègre était au climat ».
*LE MONDE du 30 mars 2019, L’animalisme va-t-il trop loin ?
** LE MONDE du 30 mars 2019, « Entre personne et animal, il y a une barrière absolue »
Le sujet est complexe, et dieu sait qu’aujourd’hui on préfère que les choses soient faciles à comprendre, ce n’est pas pour rien que nous vivons l’époque du binaire.
Certes, iI ne faut pas confondre antispécisme et écocentrisme, comme il ne faut pas non plus confondre animalisme et anti-humanisme. Oui mais déjà, qu’est ce que l’humanisme ? Il y a « mille » définitions, mais quelle est la bonne ? LA MIENNE, évidemment ! 🙂
Didier Barthès nous dit « vouloir défendre les animaux c’est se comporter avec dignité ». Oui, je suis d’accord… Mais au fait, c’est quoi la dignité ? Et vouloir défendre les humains, c’est quoi ? Et vouloir défendre une certaine idée de l’Homme, c’est quoi ?
Revenons à l’essentiel … Pourquoi ceci, pourquoi cela ? Réponse de Biosphère : « Parce que l’idée de domination semble consubstantielle au fait que nous considérons notre propre groupe d’appartenance comme supérieur à n’importe quel autre groupe, même composé d’humains comme toi et moi. Il y a NOUS et il y a EUX, et pas besoin d’en discuter davantage ! »
Eh oui, et cette fois je suis d’accord. Le Problème à la base, c’est bien cette vieille affaire de domination, les rapports dominants-dominés qui régissent toutes les relations humaines, tous nos rapports aux choses, le Problème est là. Et alors, pourquoi ne le dit-on pas haut et fort, et très largement, sur toutes les antennes, tous le me(r)dias ?
Le neurobiologiste Henri Laborit a dit : » Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent et tant que l’on n’aura pas dit que jusqu’ici que cela a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chance qu’il y ait quoi que ce soit qui change. »
Et récemment, de nouvelles études en neurosciences nous confirment « Pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l’en empêcher. » (« Le bug humain » de Sébastien Bohler, février 2019)
ATTENTION, une intervention de maintenance par lemonde.fr est planifiée sur la plate-forme de blogs mercredi 3 avril, à partir de 13h. Durant cette intervention, les blogs seront accessibles en consultation mais les commentaires seront désactivés.
Evidemment l’animalisme n’est pas un antihumanisme.
Si l’on entend par humanisme non pas une sorte de vocifération « l’homme l’homme l’homme au dessus de tout » mais au contraire un synonyme de bonté et de générosité, alors l’animalisme se situe dans la pleine acceptation du mot humanisme.
Bien sûr on peut penser qu’un terme pour désigner la bonté et le respect qui se trouve fondé sur la même racine que celle du nom de l’espèce qui détruit toute la nature et tout le monde vivant autour de lui est particulièrement mal choisi. Difficile de nier cette évidence car nous sommes coupables d’un écocide généralisé, bon mais ne nous focalisons pas sur des défaut de vocabulaire, il reste que vouloir défendre les animaux c’est se comporter avec dignité.
Evidemment l’animalisme n’est pas un antihumanisme.
Si l’on entend par humanisme non pas une sorte de vocifération « l’homme l’homme l’homme au dessus de tout » mais au contraire un synonyme de bonté et de générosité, alors l’animalisme se situe dans la pleine acceptation du mot humanisme.
Bien sûr on peut penser qu’un terme pour désigner la bonté et le respect qui se trouve fondé sur la même racine que celle du nom de l’espèce qui détruit toute la nature et tout le monde vivant autour de lui est particulièrement mal choisi. Difficile de nier cette évidence car nous sommes coupables d’un écocide généralisé, bon mais ne nous focalisons pas sur des défaut de vocabulaire, il reste que vouloir défendre les animaux c’est se comporter avec dignité.