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Un peu d’histoire. Biosphere-hebdo a commencé à paraître courant 2005. Il était envoyé chaque semaine à une petite centaine de connaissances et d’amis en reprenant les articles quotidiens parus sur le site biosphere. Aujourd’hui l’hebdo est devenu bi-mensuel, il est envoyé à plus de 2 500 personnes… et c’est maintenant le numéro 342. Sa fabrication reste de conception très artisanale, mais il essaye toujours d’améliorer la connaissance écologique de chacun.

 Voici ci-dessous un fac-similé du n° 7-2005 qui montre que ce qu’on pouvait dire à l’époque n’a pas beaucoup changé. Malheureusement en dix ans la conscience écologique n’a pas progressé, surtout au niveau politique. Mais il ne sert à rien de se plaindre, peu importe le résultat, l’essentiel est de continuer à agir dans le bon sens… en 2015 !

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Biosphere-hebdo n° 7, parution en octobre 2005

  Les sociétés humaines sont plus ou moins bien adaptées au milieu environnant. La société thermo-industrielle est la moins durable car elle détruit les écosystèmes. Pour un membre de Biosphere (association loi-1901 dont l’objectif est de défendre les intérêts de la Biosphère), il faut donc dénoncer avec force cette société de prédateurs. Voici quelques analyses de ce qui paraissait important à dire cette semaine sur les évènements du monde des humains et des non-humains :

 1/8) analyse : développement durable ou limites de la croissance ?

                 Dans son livre paru en 1972, The limits to growth, le Club de Rome a fait extrapoler par un organisme de recherche reconnu les données existantes pour formuler des scénarios du futur avec cinq paramètres : la croissance démographique mondiale, l’alimentation per capita, la production industrielle, la pollution et les stocks de ressources non renouvelables. Les auteurs ont reconsidéré en 1992 la validité de leurs projections et, l’inertie étant extrêmement importante dans l’évolution de ces paramètres, vingt ans n’ont rien changé : ainsi l’alimentation a atteint son sommet dans le monde en 1984, à peu près au moment indiqué par le rapport et la croissance démographique a commencé à se ralentir au début des années 1990, encore une fois suivant la projection du scénario. Tout continue de présager une situation chaotique aux alentours de 2025.

                 Les personnes qui veulent encore en 2005 toujours plus de croissance économique et démographique sont des personnes nuisibles non seulement pour la santé de la Biosphère, mais en conséquence pour l’espèce humaine elle-même.

 2/8) Décroissance sélective

                 Il faut attendre la motion ponctuelle 17 des Verts en 2004 pour voir enfin défini politiquement le concept de décroissance. Ils disent en résumé que la critique anti-productiviste dont les Verts sont porteurs implique nécessairement la préconisation d’une décroissance ciblée sur des objectifs concrets :

 Décroissance…

           des hauts revenus

           de l’exploitation des ressources non renouvelables

           de la production et de la vente de pesticides

           des transports aériens et routiers.

 Cette décroissance sélective pourrait fournir le mot clé qui identifie l’écologie politique et le parti Vert comme tout autre chose qu’une composante « bobo » de la nébuleuse « gauche ». En effet ce mot irrécupérable (à l’inverse du développement durable) par les faiseurs de consensus mou résonne comme un avertissement grave avant le redoutable choc pétrolier structurel en préparation pour les très prochaines années. Malheureusement du point de vue de la Biosphère, on constate que ce n’était qu’une toute petite motion dont personne chez les Verts, à part Yves Cochet et son dernier livre « Pétrole-apocalypse » (Fayard), n’a prolongé les prémices.

 3/8) Impuissance médiatique

 En 1992, une étude australienne a montré que la télévision présentait le sort des victimes de catastrophes sans restituer leur contexte historique et social ; encore plus grave, les évènements étaient présentés comme étant hors de tout contrôle individuel ou collectif. Une autre étude en 1993 sur le traitement du thème environnemental dans la presse écrite française relevait aussi des comportements de dénonciation sans que soit évoqué la possibilité d’une mobilisation populaire. Aujourd’hui encore en 2005 presse et télévision se caractérisent toujours par une préférence pour des horizons proches et une description d’un univers sur lequel l’emprise de la fatalité est grande, où l’individu est isolé et impuissant, où l’action des pouvoirs publics est insuffisante.

                 Pourtant des actions individuelles telles que le tri de déchets ou le renoncement à la voiture n’acquièrent un sens que dans le cadre d’une vision collective de la cohésion sociale : le consensus sur la sobriété volontaire n’adviendra qu’à partir du moment où s’instaurera la croyance de chacun en la soumission de tous les autres à ce mode de comportement… c’est-à-dire sous l’emprise de la nécessité de sauver la Biosphère… et les humains par la même occasion.

 4/8) action politique : l’écologie peut-elle être sous-traitée ?

                 A ses débuts le mouvement écologiste se voulait un mouvement biodégradable : on allait aux élections, puis on dissolvait le mouvement en se disant « Ca y est, maintenant les politiques vont réagir et prendre la question en charge, ce n’est plus notre boulot ». Et puis rien n’a bougé et c’est comme ça que les Verts se sont constitués en 1984, et puis presque rien n’a bougé encore une fois. Il faut constater que les politiques ne réagissent que par les rapports de force et non par rapport à la raison raisonnante : en effet ils ne peuvent intégrer les thèmes écologiques que dans la mesure où la société elle-même les a intégrés, ils ont toujours du retard par rapport à la réalité !  Que le PS sous-traite encore avec les Verts les problèmes écologiques, ou que l’UMP se contente des paroles de Chirac dites en 2002 au sommet de la Terre (« la maison brûle »), démontre bien cet état d’esprit arriéré.

                 Pour sauver la Biosphère, les militants des partis écologistes devraient en conséquence s’engager dans tous dans les partis traditionnels : les vieilles branches marxistes ou social-libérales feraient alors certainement de nouvelles pousses environnementalistes… (ndlr 2015 : rétrospectivement cette proposition était bien aventureuse ; la conscience écologique a même régressé au sein du parti socialiste. Oublié le pôle écologique du PS et deux ministres socialistes de l’écologie limogés par le gouvernement socialiste)

 5/8) action politique : le processus délibératif

                 Sur les questions d’environnement, il n’y a pas de décideur, il n’y a que des mécanismes de décision qui font interagir des individus ou des groupes qui ont à la fois des représentations différentes du problème débattu et des poids différents dans la discussion. Donc nécessairement le processus délibératif devient sans fin. Une conférence des citoyens sur un sujet (par exemple les OGM) n’aura que des impacts politiques et décisionnels faibles, que la préparation soit bâclée comme en France ou dure deux années comme en Suisse. Les politiques se contentent d’un affichage de volonté réformatrice en ne s’engageant que pour des actions minimales ou illusoires. En conséquence, un forum de citoyens doit être assuré de durer longtemps car seule la continuité permet les itérations successives nécessaires pour aboutir à un consensus efficace.

                 La Biosphère ne sera pas sauvée par des démarches participatives car plus rien dans la société actuelle n’a le pouvoir de durer quand les scientifiques s’opposent aux scientifiques, les politiques aux politiques, sans parler de l’impossible dialogue entre scientifiques et politiques, politiques et opinion publique, opinion publique et réalité. Seule la catastrophe réalisée (une pétro-apocalypse ?) rassemble. Alors en attendant, que les plus courageux d’entre vous passent à l’action… directe !

 6/8) Votre profil écologique

 La dernière enquête pour l’Ademe (agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) montre que la pollution arrive en tête des préoccupations des Français, devant même le chômage et les inégalités sociales. Pourtant 56 % des personnes interrogées considèrent que les gestes individuels pour lutter contre l’effet de serre ne sont pas efficaces alors même que 50 % des émissions de gaz carbonique sont liées aux usages privés de l’énergie. Science&Vie d’octobre propose une série de tests conçus à partir des données de l’Ademe, batterie de questions-réponses qu’il est urgent de diffuser, ainsi :

 1)       un thermostat d’ambiance programmable permet de réduire sa consommation d’énergie de… 10 à 20 %

 2)       Rouler à 90 km/h au lieu de 115 réduit la consommation d’essence de… 20 %

 3)       Au début des années 70, il y avait 2,5 millions d’éléphants, combien en reste-t-il… 400 000

 4)       Jusqu’à combien de pucerons une coccinelle dévore-t-elle chaque jour… 100 à 200

 5)       Les emballages représentent… 50 % des déchets ménagers

 6)       Pour digérer un chewing-gum, la nature met… 5 à 6 ans

 7)       Se brosser les dents pendant 3 minutes en laissant le robinet ouvert, c’est gâcher jusqu’à… 18 litres

 (seule la bonne réponse a été conservée)

 Puisse tous les enseignants de l’univers enseigner la protection de la Biosphère !

 7/8) Une société sans école ?

                 « La relégation de nos enfants dans les écoles pour des périodes de formation de plus en plus longues a sur eux un impact considérable. Ils sont coupés du reste de la société, confinés dans leur groupe d’âge ; avec leurs camarades, ils en viennent à former une petite société dont la plupart des échanges importants sont internes et dont les liens avec la société adulte deviennent rares. En conséquence notre société occidentale renferme un ensemble de microsociétés d’adolescents dans lesquels l’intérêt et le comportement des jeunes s’orientent vers des objets échappant complètement à la responsabilité des adultes. »  Ainsi parlait JS Coleman, dans son ouvrage « « The adolescent Society ». Alors l’adolescent ne trouvera sa place que dans un monde essentiellement industrialisé et urbanisé, éloigné de son groupe familial, et encore plus loin du nécessaire contact avec la Biosphère… L’éducation est l’une des nombreuses fonctions sociales que l’Etat a usurpées et qui doit être de nouveau assumée au niveau de la famille et de la communauté, en pleine adéquation avec un écosystème d’appartenance.

                 En attendant l’utopie, la Biosphère remercie tous ces instituteurs dont les élèves plantent des arbres fruitiers, s’occupent d’un jardin potager ou marchent dans la forêt.

8/8) Biocentrisme ou anthropocentré ?

                 La Nature n’a pas la parole, ce sont des mots exprimés dans les différentes langues humaines qui interprètent d’une façon ou d’une autre ce que la Nature veut nous dire. Les humains peuvent donc s’exprimer au nom d’un cours d’eau qu’on voudrait dévier, au nom des arbres qu’on voudrait abattre, au nom des loups qu’on voudrait exterminer. Rien d’exorbitant à cela, il y a bien un avocat qui s’exprime au nom du pire assassin et une opinion publique qui pense une chose ou son contraire à propos de tout et de n’importe quoi. Il n’y a donc pas d’opposition fondamentale entre l’écologie profonde et l’écologie superficielle, seulement la place que les humains veulent donner à la Nature sauvage, soit une place la plus grande possible, soit une nature au maximum dénaturée : il suffit de mettre des mots différents sur notre conception humaine de la même Nature.

                 Pour mieux comprendre la Biosphère, les enfants devraient s’exercer dès le plus jeune âge à prendre le point de vue de la fleur ou le point de vue d’un animal, beaucoup de choses changeraient alors : par exemple une fleur ne serait belle que rattachée à sa plante, certainement pas coupée dans un pot de fleurs.