Bientôt le 15 juillet, la fin du calvaire, la finale du Mondial de foot 2018. Le rôle idéologique du sport n’est plus pensé aujourd’hui. Au contraire, universitaires, journalistes et hommes politiques sont contents de se faire photographier comme des crétins parmi des foules de supporteurs. Un honorable contestataire du « sport » de masse, Jean-Marie Brohm est interviewé par le mensuel La Décroissance (juillet-août 2018). En voici quelques extraits :
« Pierre de Coubertin a façonné cette idéologie sportive. C’était un admirateur de Hitler, raciste bon teint, colonialiste farouche, misogyne absolu. Pour lui, le sport serait un besoin ancestral, il a donc imaginé une continuité trans-historique du sport antique au sport moderne en passant par les tournois de chevalerie. Il était incapable de comprendre l’évolution de l’humanité selon le développement forces productives et les formes politiques qui en découlent.
Pour la sociologie du sport dont je suis le fondateur en France, le sport ne peut se comprendre qu’en tant qu’institution. L’institution sportive apparaît en Angleterre, le pays de naissance du capitalisme, au XVIIIe siècle. Le sport anglais avait pour but de développer la volonté, la compétitivité, l’endurance, des qualités conquérantes pour coloniser les sauvages comme l’écrivait Pierre de Coubertin en 1912 dans son article « Le sport et la colonisation ». Toutes les idéologies fascistes, les nazis, les staliniens, se sont servis du sport pour mobiliser les foules, encadrer la jeunesse, la discipliner, diffuser le culte du héros, du guerrier, du stakhanoviste. Ces meutes sportives qui se rassemblent dans les stades pour hurler, c’est le pire du grégarisme. Le culte de la performance, on le retrouve à la fois dans le sport et dans l’entreprise. Avec une vision tronquée du corps, totalement formaté par la technique. Macron et sa bande de parvenus sont dans ce registre-là : la réussite individuelle à tout prix, en oubliant que la compétition, c’est toujours l’élimination des faibles (les losers) par les forts (les winners).
Aujourd’hui le sport de masse est globalisée, marchandisé, financiarisé. Le tennis, le foot, le Tour de France, la Formule 1 sont des institutions façonnées par le capitalisme financier. Le sport nécessite tout un appareillage technologique : chronométrage électronique, vidéo-scopie… il participe ainsi de l’arraisonnement du monde par la technique. Il suffit de voir comment l’espace est bétonné par la construction des circuits, des stades, et les infrastructures qui vont avec, des stations de ski etc. Le sport participe directement au saccage de la nature et nous enferme dans la futilité. Les matchs passent, les champions sont remplacés, mais les problèmes sociaux et écologiques restent. Pendant que les inégalités sociales s’accentuent et que le capitalisme détruit massivement les océans, la faune, la flore, le sport divertit les foules. C’est un facteur de légitimation d’un ordre inique
Le problème, c’est qu’il n’y a pas de force politique de contestation capable de porter la critique du sport : la gauche n’a jamais fait campagne contre les JO pour 2024 ; au contraire elle veut en faire des « jeux citoyens », « écologiques », un enfumage au quinzième degré. Si par malheur la France gagnait la Coupe du monde, il faudrait s’attendre à une nouvelle déferlante sur les Champs-Élysées, comme en 1998. »
Vous pouvez retrouver des articles de Jean-Marie Brohm dans « Total football. Une arme de diversion massive » (Quel sport ? n° 33-34 de mai 2018)
Sous le prétexte de liesse populaire, le dimanche soir 15 juillet, il y a eu des imbéciles qui ont grimpé imprudemment là il ne fallait pas être, des agressions sexuelles et même des voitures brûlées ! Il faut dire que quand on a hurlé deux minutes « on-a-gagné, on-a-gagné », il ne reste plus grand chose à faire, alors on déconne ! C’est ça le mondial de foot, un peu d’adrénaline un bref instant, et le retour à la gueule de bois juste après. On boit beaucoup dans les rangs des supporters… à défaut de faire du sport !
Sur ce coup je suis sur la même longueur d’onde que Biosphère.
» Le foot ne devrait avoir aucun relation avec la politique » … sauf que comme je l’écrivais le 14 juillet, il existe bien une relation, un lien étroit. Dans cette histoire Macron marque des points, c’est comme ça. Et si le foot n’avait pour finalité que de s’amuser (activité louable) on ne compterait pas les points, il n’y aurait donc pas de compétition (à la con). Il existe pourtant encore des coins sur cette terre où les jeux ne consistent pas à vaincre, où on se fiche pas mal d’être le meilleur, le champion.
Macron et le foot, Macron et Johnny, Macron et les jeux du cirque, Macron et son populisme des plus vulgaires, Macron et sa « philosophie » crétinisante… disons que c’est de bonne guerre. Le plus triste, c’est que tout ça indique la fin des haricots.
Macron exulte avec les Bleus (LE MONDE du 17 juillet) ! Indigne de la part d’un Président de la république qui saute comme un cabri dans la tribune les deux poings levés, alors que l’équipe de France vient de marquer son premier but face à la Croatie. Le foot ne devrait avoir aucun relation avec la politique et si un président descend dans les vestiaires de joueurs, il s’agit uniquement d’une tentative de récupération, rien de plus. Il est vrai que Macron, loin d’être un philosophe sage et savant à la barre d’un pays, reste celui qui rabaisse aussi sa fonction à un hommage national lors des funérailles de Johnny Hallyday…
L’éditorial du « Monde » du 17 juillet célèbre la liesse populaire après la victoire finale de la France au mondial, « un moment d’autant plus précieux qu’il rassemble un pays traumatisé par les attentats ». N’importe quoi ! Le commentaire de MIKE POMPEO nous semble judicieux : « C’est bizarre, d’habitude les élites éditoriales se livrent à un plus ou moins clinquant football bashing, réduisant ce sport à un aimant à populace, opium à beaufs à peine digne d’intérêt en ce qu’il offre un ascenseur social et une tribune médiatique à « la diversité ». Mais là, on lui trouve toutes les vertus, jusqu’à lui prêter des fonctions cathartiques imaginaires escroquées à la douleur des familles des victimes encore tièdes du terrorisme islamique. Moche. »
Clausewitz influencé par Machiavel a dit : « La guerre n’est qu’un prolongement de la politique par d’autres moyens »
Foucault dira l’inverse : « c’est la politique qui est la continuation de la guerre par d’autres moyens, et non l’inverse. »
Quoi qu’il en soit il existe un lien étroit entre politique, diplomatie et guerre. Quant au sport, qui osera dire que sport et politique ne sont pas (étroitement) liés ?
Mais déjà, c’est quoi le sport ? On nous dit que le sport c’est la pratique d’activités destinées à s’améliorer physiquement et mentalement. Un esprit sain dans un corps sain, d’accord, je suis pour. Mais le sport c’est aussi et surtout, la compétition, le combat. L’histoire du sport nous montre bien les liens étroits avec la guerre. Un esprit sain c’est à voir, mais le sport visait avant tout à développer un corps sain et costaud (toujours plus), afin de terrasser l’ennemi.
Ainsi certains (comme moi) osent dire que le sport est la continuation de la guerre par d’autres moyens. Mais tout le monde ne l’entend pas ainsi, j’entends dire par exemple, que les JO et le sport c’est tout autre chose que la politique, que ça n’a rien à voir avec la diplomatie, que le sport c’est beau, c’est pur. Ben voyons.
Mais déjà la beauté, c’est subjectif, non ? Quant à la pureté… mais c’est quoi ça ?
Et où la trouve t-on, la pureté ? Dans la nature, c’est de plus en plus rare, il faut bien l’avouer. Alors dans l’Art peut-être. Mais c’est quoi, l’Art ? Les footeux sont-ils des artistes ? Ne parle t-on pas de l’art de la guerre, de l’art de la politique ? Mon dieu que tout ça est compliqué !
En tous cas il n’est pas bien difficile de comprendre que le capitalisme repose sur la compétition. Et que la « richesse » des pays dits riches (comme le nôtre) repose sur le vol, le pillage, l’exploitation, bref sur la guerre. Finalement il n’y a pas de quoi être fier. À moins d’aimer la guerre, bien sûr.
En tous cas cette Coupe du Monde suscite de l’intérêt, bien plus d’intérêt que bon nombre de sujets importants, alarmants. C’est comme ça, il faut bien faire avec.
La France en finale… mon dieu que c’est beau ! La France championne du monde… alors là, mais que demander de plus ?
C’est vrai ça, que demande le peuple ? En tous cas je suis très con-tent !