Le politiste Bruno Villalba considère que la guerre en Ukraine agit comme un « révélateur » du lien entre nos modes de vie et leurs conséquences sur les équilibres planétaires. La crise d’approvisionnement d’énergie doit nous interroger sur notre besoin frénétique de consommer de l’énergie et l’inégale répartition de cette consommation.
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– La sobriété ne peut pas être une étape transitoire, sauf à méconnaître la réalité et les limites de la planète. A la fin des années 1970 après les chocs pétroliers, il y a eu déploiement du programme nucléaire français. On a pu repartir comme avant, sans remettre en cause la finalité des dépenses énergétiques, bien au contraire, puisque c’est à partir de cette époque que s’est généralisé le passage au tout-électrique individuel dans les appartements, une catastrophe dont les locataires payent depuis le prix fort. Aujourd’hui encore, on reste dans l’idée que l’on va pouvoir apporter une solution technique et rebondir par l’innovation, sans voir que l’on ne fait que déplacer le problème. La réduction de l’usage de la voiture n’est pas au programme ; on va remplacer les véhicules thermiques par des véhicules électriques, c’est-à-dire nucléaires, et accroître notre dépendance aux pays producteurs d’uranium et à une ressource qui est, elle aussi, limitée en stock, sans parler des menaces nucléaires et de la charge que nous imposons aux générations futures. La substitution pourra fonctionner pendant un court délai, mais après, nous nous retrouverons dans une situation encore plus dégradée.
– La sobriété est un sujet très compliqué à manier en politique, car elle remet en cause un imaginaire de l’abondance qui imprègne profondément depuis trois siècles nos sociétés. Chez les stoïciens, la modération était un impératif moral individuel. A l’ère chrétienne, au contraire, la sobriété n’était pas un choix personnel, mais une obligation religieuse, l’objectif de l’organisation sociale au Moyen Age n’était ni le travail ni la production, mais la célébration de Dieu. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles se construit l’idée d’un monde sans limite que décrivent très bien les atlas de l’époque. A cela s’ajoute l’imaginaire d’une profusion du vivant. Les premiers explorateurs des États-Unis, décrivent des hordes de bisons de plusieurs kilomètres, des nuées d’oiseaux qui « obscurcissent le ciel ». Le monde semble s’offrir aux Occidentaux qui vont pouvoir l’exploiter autant qu’ils le veulent, car ils disposent – et c’est nouveau aussi – des techniques et de la connaissance scientifique pour le faire. L’économiste français Jean-Baptiste Say écrit, en 1803, dans son Traité d’économie politique que « les ressources naturelles sont inépuisables, car sans cela nous ne les obtiendrions pas gratuitement ». Naît aussi l’idée que de toute façon, si elles viennent à s’épuiser ici, on ira les chercher ailleurs.
– Dans une logique d’abondance, la sobriété peut être perçue comme une forme de renoncement à la liberté individuelle. La liberté de l’individu se définit aujourd’hui par sa capacité à déterminer ses propres choix et à les réaliser. Pour y parvenir, la démocratie va construire une extension constante des droits – droit de propriété, droits politiques, sociaux et économiques – et une infinité de choix possibles pour les satisfaire. Ce modèle politique développe à son tour un imaginaire d’une société sans limite ; il se constitue « hors sol ». L’utilisation intensive des ressources fossiles permet le développement des régimes démocratiques au prix d’une externalisation des contraintes environnementales. Il n’est pas facile d’admettre que la multiplicité des possibilités qui nous ont été offertes jusqu’à maintenant est source de guerres et de catastrophes liées au changement climatique. Si le modèle a fonctionné, surtout pour une partie des habitants de la planète, il se heurte aujourd’hui aux limites planétaires. La démocratie n’est pas seulement le régime politique qui donne des droits, c’est aussi celui qui organise la façon dont les citoyens s’imposent des normes communes. Organiser démocratiquement la sobriété dans un monde fini, c’est négocier collectivement ce qui est nécessaire pour que chacun ait accès à des conditions de vie décentes et définir ensemble des priorités : va-t-on utiliser l’énergie dont nous disposons pour satisfaire le confort de quelques-uns – c’est le cas de la vitesse automobile, par exemple – ou pour ce qui relève du commun ?
– La sobriété n’a de sens que si elle est portée par la collectivité. La revue scientifique The Lancet a publié un rapport sur les conséquences d’une baisse des approvisionnements en pétrole sur les soins dans les hôpitaux : il conclut à un inévitable rationnement des soins, car les systèmes de santé dépendent étroitement des ressources énergétiques. Prioriser l’accès aux soins nécessite une définition compatible avec la pression démographique, la raréfaction des ressources et le dérèglement climatique. Elle a besoin de mécanismes décidés démocratiquement.
– Pour une sobriété partagée. Faire peser des politiques d’économie d’énergie sur les catégories sociales qui sont déjà en situation de sobriété contrainte sur le plan de la mobilité, de la consommation ou de l’énergie n’est pas tenable. A l’inverse, l’idée, largement partagée dans la classe politique, que la productivité pourrait résoudre les inégalités sociales est un leurre, car elle se heurte aux limites planétaires. Maintenir l’idée d’un « rattrapage pour tous » grâce à la relance, c’est faire de fausses promesses qu’on ne pourra pas tenir durablement, parce que le stock de ressources est fini. Et c’est encore plus vrai si on raisonne à l’échelle de la planète. Il y a plutôt un travail de péréquation à établir pour accéder à un bien-être équitablement partagé. La carte carbone ?
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Quelques réactions d’Internautes :
Sardine : Et si nous parlions plutôt d’économie ? Économie dans le sens d’épargne. Nous devons être économe de nos ressources, ce qui veut dire en faire usage à bon escient et ne pas les gaspiller.
Patrick Vaillant : « Notre monde est clos et le désir est infini ». C’est le titre d’un essai de Daniel Cohen, l’économiste. Ce raccourci lumineux permet de comprendre pourquoi un programme politique basé sur une sobriété rationnelle a peu de chance d’être mis en œuvre. Certaines réactions des commentateurs sont éclairantes tant elles traduisent ce qui se passe quand la raison (ou la science, par exemple) vient faire obstacle au désir : l’irruption de la frustration, une frustration archaïque empreinte de colère et potentiellement violente, une frustration qui rend impossible tout échange, toute discussion. Il n’y a hélas pas de réponse possible à la frustration, même si la réalité vient peser de tout son poids catastrophique. Le frustré est en mesure de s’inventer une légende (à l’instar du trumpien avec ses « faits alternatifs ») au moment même où le Titanic est en train de sombrer. Tout ceci n’augure rien de bon pour la suite, n’est-ce pas ?
Elis : La sobriété c’est frustrant ! C’est sûr. Sauf si on s’élève un peu pour réfléchir à sa nécessité. Les personnes qui ont des enfants souhaitent elles des malheurs climatiques, avec des famines ou des guerres.. à leur progéniture ? Si mon voisin gaspille et consomme plus plus, est-ce une raison pour continuer à faire comme lui ? Drogués à la consommation, il nous est nécessaire de faire face au manque. Ce vide sera forcément créateur même s’il est d’abord angoissant. La sobriété n’est pas la pauvreté ou l’ennui, c’est une recherche d’autres activités à faire ensemble, à créer.
Richard Nowak : Nous n’arrivons pas à introduire dans le débat la notion de répartition de l’effort pour répondre aux contraintes climatiques et leurs répercussions sur le corps social directement ou sur l’environnement plus globalement. DONC les 1 % qui produisent 90 % des GES ont à produire 90 % des efforts s’ils veulent conserver leurs positions actuelles. Personne pour le moment, parmi les candidats ose aborder la seule question qui nous intéresse.
fchloe : Nombreux sont encore ceux qui n’ont rien compris ou ne veulent pas comprendre. Quotas d’essence et de gaz pour chaque citoyen, carte carbone. Riche ou pauvre. C’est pas compliqué à comprendre et ça s’appelle sobriété partagée.
« La réduction de l’usage de la voiture n’est pas au programme ; on va remplacer les véhicules thermiques par des véhicules électriques, c’est-à-dire nucléaires, et accroître notre dépendance aux pays producteurs d’uranium »
Ouais c’est bien beau de dire que le nucléaire c’est mal, que les voitures électriques c’est mal, mais que proposez vous à la place ? Qu’on soit 100 familles de pauvres à se partager juste 1 âne (pour les pauvres) ou 100 familles de riches à se partager juste 1 cheval ? RAPPEL en 2020 en France il n’y avait QUE 1 051 000 équidés (comprenant ânes, poney et chevaux). Et encore je ne parle même pas des besoins du service publique (Poste, Police, Gendarmerie, Pompier, Ambulance) ainsi que du commerce pour le transport des marchandises ! Hélas le nucléaire ne plaise pas à certains mais il n’y a pas le choix que de substituer le nucléaire par l’électrique Surtout à 67 millions d’hbts + quantitative easing de migrants…
– « Ouais c’est bien beau [….] mais que proposez vous à la place ? »
Avez-vous déjà bien compris cet article ? Pourriez-vous au moins préciser à qui s’adresse votre question ?
– « Aujourd’hui encore, on reste dans l’idée que l’on va pouvoir apporter une solution technique et rebondir par l’innovation, sans voir que l’on ne fait que l’on ne fait que déplacer le problème.»
Si c’est donc à ce on que s’adresse cette question, sachez déjà que on est un con. En tous cas c’est ce qu’on dit. Et puis pour quelle raison l’absence de proposition devrait-elle nous empêcher de dire tout le mal qu’on pense de quelque chose ? Du nucléaire comme de n’importe quoi d’autre.
Sans connaître le budget nécessaire pour s’équiper de nouvelles centrales nucléaires, je peux pourtant affirmer sans prendre de risque que « fournir » 1 cheval par français est beaucoup plus rapide, moins cher et sans danger!
Maintenant fournir le pâturage et le foin l’hiver (1ha par équidé), un abri, etc pose la question des limites à la démographie équine qui est le corollaire de la démographie humaine.
Le choix de cette option implique une diminution des autres élevages, des cultures de céréales, de zones naturelles pour le sauvage, de zones forestières pour la filière bois, etc…
Encore une question de priorité découlant de limites!
Et pour nourrir les chevaux sur les parkings en bas des immeubles on fait passer Uber eat ?
Combien de français sauraient s’occuper d’un cheval ?
Eh, bougre de BGA, crois-tu que tous les Français possédaient une monture au 19ème siècle ? L’autre jour je t’ai dit combien Paris comptait de chevaux en 1900, alors arrête un peu de faire l’âne. Maintenant si t’as un problème avec les équidés, concentre-toi sur les vélos. Et dis-nous combien on pourrait en mettre sur le parking en bas de ton immeuble.
Au 19 ème siècle il y avait combien d’habitants en Ile-de-France ?
En 1801 il y avait = 1 353 000 habitants en Ile de France
En 1896 il y avait = 4 365 879 habitants en Ile de France
En 2019 il y avait = 12 262 544 habitants (migrants sans papier camouflés des compteurs)
Bon, j’ai couvert tout le 19 ème concernant la démographie. Aujourd’hui on s’aperçoit qu’on est largement plus nombreux ! Et je ne suis pas certain qu’on puisse appliquer les mêmes solutions à 1 million, à 4 ou 12 millions d’habitants !
Alors j’ai fait les comptes pour toi monsieur Hi Han ! Concernant l’espace nécessaire pour un cheval. De manière globale, il est d’usage de compter une surface d’un hectare par cheval, soit 10.000 mètres carrés, dans une zone où l’herbe est disponible en masse. Y aura-t-il assez d’hectares en Ile de France pour autant de chevaux qu’il n’y aura de familles ?