Au niveau gouvernemental, l’escalade verbale (« écoterrorisme ») et répressive (lire ci-dessous) est un rideau de fumée qui voudrait occulter les carences de l’Etat lui-même. Car non seulement son action, sur une variété de dossiers environnementaux, est en contravention avec l’état de la connaissance scientifique, mais elle l’est aussi avec le droit. Nitrates, pollution de l’air, climat. Sur tous ces dossiers, l’Etat a été condamné par différentes juridictions et il est bien pratique que ceux qui le lui rappellent un peu trop bruyamment soient assimilés à des criminels.
La liberté d’informer attaquée
Grégoire Souchay, journaliste pigiste à Reporterre, le média de l’écologie, réalisait le 10 novembre 2021 un reportage sur une action des « Faucheurs volontaires ». Ceux-ci, dans la foulée des actions qu’ils mènent depuis 2003, pénétraient à Calmont (Aveyron), dans les entrepôts de la firme semencière RAGT, pour y rechercher des semences génétiquement modifiées. Le journaliste suivait les activistes, racontait leur action, les photographiait. Dans son article, publié le 12 novembre suivant, il citait aussi la réaction de l’entreprise RAGT et contextualisait l’événement, rappelant que le Conseil d’État a enjoint au gouvernement français de se mettre en règle avec la loi européenne sur les OGM obtenus par mutagenèse.
Il comparaîtra au tribunal judiciaire de Rodez pour avoir « frauduleusement soustrait des sacs contenant des semences de colza » et les avoir « volontairement dégradés ou détériorés ».
Nous récusons totalement l’accusation. Si nous acceptions que ce journaliste soit condamné, ce ne serait pas seulement Reporterre qui serait atteint, mais tous les journalistes.
Le point de vue des écologistes
Stéphane Foucart : Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir en 2017, la tendance à la criminalisation de l’activisme écolo n’a cessé de s’accentuer, en même temps que le spectre des actions potentiellement répréhensibles s’élargissait toujours plus. En 2019, une convention signée entre le ministère de l’intérieur et les syndicats agricoles productivistes gravait dans le marbre cette tendance, en créant la cellule de gendarmerie Demeter. Avec comme objectif non seulement de lutter contre les délits visant le monde agricole, mais aussi de prévenir « des actions de nature idéologique » pouvant n’être que de « simples actions symboliques de dénigrement ». Ceux qui doutent encore qu’une criminalisation de l’activisme environnemental soit effectivement à l’œuvre peuvent se référer à l’extravagante démesure des moyens de police déployés dans l’enquête sur les opposants au projet d’enfouissement des déchets nucléaires de Bure (Meuse) – moyens généralement réservés à l’antiterrorisme ou à la lutte contre le grand banditisme.
Sahira : Cela me fait penser à cette femme serviable et déterminée qui vent son excellente production bio sur un marché paysan installé trois fois par an dans ma commune francilienne. Elle a 80 , se déplace en vélo et parfois va dans les prés ramasser de jeunes feuilles de pissenlit pour les consommer. Mais pour son malheur, elle vit à Bure. Alors, un jour des gendarmes armés ont renversé son vélo et sa cueillette au prétexte qu’elle était armée. En effet, elle détient un Opinel pour décapiter les pissenlits. De plus, elle a dû payer une amende. La gendarmerie patrouille et met la pression quotidiennement autour du village.
T. Blanchard : Quelle que soit la couleur des gouvernements, le monde agricole bénéficie de leur soutien ou d’indulgence face à des pratiques dangereuses pour la santé mais aussi pour les exactions.. Il y a quelques années, la fédé départementale agricole d’un département de Basse Normandie avait envoyé ses adhérents asperger de lisiers les locaux de la MSA et du Centre des impôts. Barricadés dans le centre, nous avons reçu l’ordre de ne prendre aucune photo. J’ai compris qu’une fois encore nous allions servir d’exutoire et qu’il fallait que personne ne puisse être identifié !
Exhuda : Les vrais écoterroristes ce sont la FNSEA et l’État français.
Jim Tonic : Il faut préciser au sujet de Demeter que, par un jugement rendu le 22 février 2022, le tribunal administratif de Paris a jugé illégales les missions de prévention et de suivi des actions idéologiques contre le secteur agricole.
Les atteintes au droit d’informer, comme au droit d’expression, ne sont pas l’apanage des seuls pays totalitaires. La liberté de la presse recule dans le monde depuis des années, des organismes mesurent tout ça. Et ce ne sont pas là les seules libertés qui régressent.
Et pas seulement non plus à l’encontre des écolos. Il faut savoir que pisser au bord d’une route peut vous coûter 135 euros. Ben oui c’est normal, ça pollue. Non non c’est pas une blague !
Comme pour nous monter les uns contre les autres (diviser pour mieux régner), quand il s’agit de s’attaquer à nos libertés Macron n’est pas le dernier. Ce qui ne l’empêche nullement, et en même temps, de nous dire qu’il est inquiet pour nos libertés.
( L’offensive de Macron contre nos libertés – 19 novembre 2020 – Mediapart )
Ce n’est là que le double-discours habituel. Mais c’est aussi et surtout la novlangue, l’enfumage dont usent et abusent les pires dictatures.
Nous l’avons vu avec le Covid : «Le pass sanitaire, c’est la liberté».
C’est le monde à l’envers, l’esclavage c’est la liberté, désormais les menteurs disent vrai, les salopards sont devenus les plus respectables, etc. etc. etc. Et les plus grands bandits restent bien sûr en cols blancs.
Oui la liberté régresse et nous ne la défendons pas assez.