Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.
le programme de sciences économiques et sociales
Il m’arrive aussi de faire de l’économie en classe de seconde, c’est au programme. Mais ma ligne directrice est de montrer que nos us et coutumes économiques sont autant que nos sentiments conditionnés par le contexte social ! D’ailleurs autrefois on ne disait pas « sciences » économiques, mais économie politique. L’économie n’est pas une science, c’est un arrangement social sur la circulation des richesses, plein de compromis et de conflits. L’économie n’est qu’une sous-partie de la sociologie. Ainsi de nos besoins ressentis, qui conditionnent notre demande de biens et services, qui joue donc sur nos productions, et en fin de compte sur le chiffre d’affaires de nos entreprises et donc sur l’emploi. En fait il faut savoir que c’est l’évolution de l’industrie qui nous dicte le mode de satisfaction de nos besoins, y compris pour les dépenses nécessaires à notre fonctionnement physiologique comme l’alimentation. Il s’agit du mécanisme de la filière inversée, ce n’est pas la demande qui crée l’offre, c’est le contraire. On ne choisit pas librement un burger, on est conditionné à aller au Mc Do.
En théorie le libre arbitre du consommateur est la règle dans les économies développées à économie de marché, c’est le règne du consommateur-roi : le pouvoir d’achat est semblable à un droit de vote. Dès lors que des acheteurs sont prêts à payer, l’activité économique a un sens et la dépense est la meilleure preuve que le besoin existe. La demande pour un bien ou un service n’a donc pas à être justifiée moralement. Dès lors que certains des électeurs de la « démocratie » économique disposent de revenus plus élevés, les résidences secondaires luxueuses se multiplient alors que nombre de travailleurs ne sont pas convenablement logés. Les équipements relatifs à l’enseignement, à la culture, à la santé font défaut tandis que les gadgets prolifèrent. Dans le monde actuel, la perception des besoins réels se change en une offre de produits manufacturés pour laquelle « avoir soif », c’est par exemple boire du Coca-Cola. Les inégalités de revenus et le formatage par la publicité conditionnent l’expression de nos besoins. Supprimons la publicité pour connaître les vrais besoins !
Le marché ne peut coordonner une finalité collective quand il ne s’intéresse qu’à la demande solvable. D’autres valeurs sont possibles, définies par autre chose que le pouvoir publicitaire. Notre société cultive l’idée que nos besoins sont illimités, en progression constante : il faut donc augmenter le pouvoir d’achat pour améliorer le niveau de vie. Nous pourrions aussi bien montrer que la raréfaction des ressources naturelles nous impose de modérer nos besoins, de pratiquer la simplicité volontaire, de supprimer un certain nombre de productions. Je pense que l’amélioration de notre genre de vie passe nécessairement par la suppression à la fois des inégalités de revenus et de la publicité. Je n’hésite pas à dire à mes élèves, après en avoir débattu avec eux, qu’une heure de professeur devrait être payée de la même façon qu’une heure de balayeur ou de PDG. Je n’hésite pas à dire à mes élèves qu’à l’heure où l’eau potable commence à manquer, autant dire que Coca Cola est une entreprise sans avenir. La publicité pour les sodas est une obscénité. Je dis aux élèves que nous n’avons pas besoin d’une voiture, d’un téléphone portable et d’une résidence secondaire pour être heureux, nous avons plutôt besoin de pain et d’amitié… Les citoyens ont surtout besoin de considération, de dignité… La notion de besoin social déborde largement la notion de demande économique et il est légitime d’espérer une organisation économique qui permette le développement complet de tous les êtres humains. Je ne dis pas aux élèves qu’il faut faire la révolution, je mets simplement en évidence les errements d’un système économique libéral qui est devenu la norme et qui court à sa perte. Je montre que notre conception des besoins devrait suivre un principe de généralisation : généralisation dans l’espace, je ne peux satisfaire un besoin que dans la mesure où n’importe qui n’importe où sur notre planète peut accéder à un niveau de vie équivalent ; généralisation dans le temps, le présent a des besoins auxquels on peut répondre seulement si cela n’empêche pas les générations futures de satisfaire les leurs.
J’essaye de convaincre mes collègues de l’APSES (Association des professeurs de sciences économiques et sociales) : « Le portable est un instrument très sophistiqué qui comporte des éléments rares en ressources naturelles et difficiles à recycler parce que composites. Suite à une analyse du cycle de vie du produit (ACV), le portable aurait du rester un instrument à usage professionnel, certainement pas un joujou à mettre entre toutes les mains. Mais notre société (et les parents avec) ne sait plus interdire ce qui devrait être interdit. Maintenant le portable en classe de seconde est un bon objet de débat sur la limitation des besoins. Il suffit de commencer par un sondage : Qui possède un portable, et qui en est à son premier, son second, son troisième, etc. portable… » J’ai fait l’exercice dans mes classes de secondes, tout le monde ou presque avait déjà son portable. Pire, la plupart en était déjà au deuxième, troisième, quatrième modèle… Les élèves croient qu’il faut changer de téléphone comme on change de chemise ! Mes arguments contre le portable ne peuvent convaincre les élèves. L’économique est sous l’emprise des marchands qui formatent nos désirs.
Bon, je ne vais pas vous refaire tous mes cours de seconde, ce serait déjà tout un livre en soi… Passons à la classe de PREMIÈRE économique ET sociale. Ma fiche-élève de début d’année est significative de la manière dont j’envisage mon enseignement. « Quelles sont vos qualités et vos défauts … Quelles questions vous posez-vous ? … Passe-temps ou activité personnelle (avec temps hebdomadaire que vous y consacrez) … Lecture régulière (abonnement ou autre) … Caractérisez par un seul mot votre vie de famille… Caractérisez par un seul mot la société actuelle … Citez 6 syndicats en les classant de la droite à la gauche … Citez 6 partis politiques en les classant de la droite à la gauche … Définissez coefficient budgétaire, homogamie, prix constant, valeur ajoutée… Quelle question aimeriez-vous poser à votre enseignant de SES (- au niveau économique – au niveau social – au niveau politique) … Donnez un exemple d’organisation socio-économique qui vous paraît contestable … Analysez un évènement important de l’actualité récente (texte libre avec la structure suivante : constat/cause/conséquence/solution). » Nous passons assez longtemps à exploiter les résultats de cette fiche !
Le programme de première approfondit le programme de sociologie de seconde en précisant les notions employées. Le débat nature/culture est par exemple complété par l’étude des interrelations entre normes et valeurs, rôle et statuts… Mais c’est aussi un moyen de critiquer notre fonctionnement actuel. L’exode rural a été un processus de déculturation/acculturation qui ébranle en profondeur l’organisation interne des campagnes. En apparence, l’école obligatoire pour tous au XIXe siècle est une libération, c’est offrir aux citoyens des chances égale de promotion. L’école donne le moyen aux enfants d’agriculteur d’élever leur niveau de connaissances et de quitter la terre. En réalité, le paysan se retrouve esclave de la révolution industrielle. La France en 1833 impose à toutes les communes de posséder une école primaire, la nation française se forgera à travers l’extension de la langue française. On condamne ainsi à mort les langues locales, de l’Occitanie à la Bretagne. En même temps s’opérait une coupure dans le milieu familial, les parents, qui souvent ne comprenaient pas un mot de français, reprochaient amèrement à l’enfant puni en classe pour utilisation de sa langue maternelle qu’il « ne serait bon qu’à garder les vaches ». Les parents soutenaient ainsi par leur attitude le déracinement de leurs enfants et leur emploi à la ville. Or aujourd’hui la société thermo-industrielle est en train d’échouer, le chômage est structurel, l’approvisionnement alimentaire par nos campagnes incertain. Il est préférable que l’école soit dotée de jardins potagers plutôt que d’une bibliothèque aux écrits inutiles et souvent inaccessibles. Je montre que l’éducation scolaire n’implique pas forcément la poursuite des études. Le programme de première est aussi une étude de la reproduction sociale par l’école, thématique qui sera approfondie en Terminale.
J’applique la pédagogie active grâce à un exercice d’analyse approfondie de l’actualité. J’abonne mes élèves de première au journal LE MONDE pendant six mois. Un groupe de deux-trois élèves le lisent pendant une semaine, découpent des résumés d’article et en font une page recto distribuée aux élèves, étudiée à la maison et commenté en classe. Le cours sur cette fiche est le plus possible interactif et basé sur le travail des élèves. Mais je mesure bien la difficulté des élèves de hiérarchiser les informations. Ce qui les intéresse au début, ce sont plutôt les faits divers que l’évènement socio-politique majeur.
Les perspectives ouvertes par le programme de 1ère SES sont aussi directement politiques. Ainsi l’option de sociologie politique. Nous apprenons à définir l’opposition entre démocratie formelle et démocratie réelle, démarche inductive, parité politique, discrimination positive, supranationalité, citoyenneté universelle, communautarisme, le test de Milgram … Nous consacrons une autre heure à débattre de l’actualité politique de la semaine écoulée : je liste les centres d’intérêt des élèves au tableau, puis nous votons pour le thème qui va être abordé en premier. Je fais systématiquement un tour de table pour faciliter la prise de parole de chacun. La conclusion sera collective, je marque une synthèse au tableau… Bien entendu le cours s’appuie sur le livre qui, comme tous nos manuels en seconde, première ou terminale, consiste uniquement en un recueil de documents divers. Seule une petite minorité des élèves de SES suit ce cours de sociologie politique. Comment s’étonner que notre démocratie aille mal ! Peu d’élèves savent distinguer la droite de la gauche, les partis sont ignorés, le nom des syndicats encore plus. Tous les élèves sans exception devraient suivre des cours de sciences économiques et sociales pour mieux apprécier l’évolution géopolitique et savoir agir. Il faut une éducation holistique, systémique. J’ai la forte impression que les élèves perdent leur temps à subir des disciplines séparées. Cela formate un état d’esprit compartimenté, l’histoire dans un tiroir, l’économie dans un autre, le français sur une étagère, etc. L’enseignement est mal fait, d’autant plus que passer des années et des années assis sur une chaise ne peut véritablement préparer les jeunes à la vie active.
Garder une pensée ouverte, c’est ce que nous enseignent les SES. Les sciences économiques et sociales, c’est à la fois de l’histoire, de la géographie, de la philosophie, la compréhension d’un texte, la lecture des journaux, le calcul statistique et l’approche des tableaux chiffrés. Il faut même savoir différencier analyse d’un dessin socio-politique au premier et au second degré… L’ethnologie apprend aux élèves à mettre de la distance par rapport à leurs propres préjugés, à ne pas mettre de hiérarchie entre les cultures, à savoir mesurer la force des valeurs et la relativité des normes.
Les élèves évoluent avec cet enseignement, plus ou moins. C’est difficile d’abandonner son égocentrisme, son ethnocentrisme, son anthropocentrisme. Percevoir que l’espèce homo sapiens est une espèce animale parmi d’autres espèces animales dont la seule supériorité est de produire des armes de destruction massive paraît impossible pour beaucoup de jeunes. Intégrer que notre espèce n’est qu’une maille dans le tissu du vivant ne relève pas malheureusement du programme actuel : les SES oublient l’écologie qui n’est abordée qu’à la marge, en terminale, avec l’oxymore « développement durable ». (à suivre, demain)
Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :
Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE
01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion
02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas
03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !
04. Premiers contacts avec l’écologie
05. Je deviens objecteur de conscience
06. Educateur, un rite de passage obligé
07. Insoumis… puis militaire !
08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales
09. Du féminisme à l’antispécisme
10. Avoir ou ne pas avoir des enfants
11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs
12. Ma tentative d’écologiser la politique
13. L’écologie passe aussi par l’électronique
14. Mon engagement associatif au service de la nature
15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience
16. Ma pratique de la simplicité volontaire
17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes
18. Techniques douces contre techniques dures
19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie
21. Ma philosophie : l’écologie profonde
CBD, or cannabidiol, has been a engagement changer for me. I’ve struggled with longing into years and secure tried sundry disparate medications, but nothing has worked as fount as CBD. It helps me to crave peace and relaxed without any side effects. I also find that it helps with nod off and pain management. I’ve tried various brands, but I’ve found that the ones that are lab tested and take a high-minded repute are the most effective. Overall, I highly plug CBD in behalf of anyone who struggles with uneasiness, sleep issues, or lasting pain.
What does CBD have to do with the economics and social sciences program ?
Wouldn’t this merchant of cannabidiolated happiness be a joker, by chance?
– « Garder une pensée ouverte, c’est ce que nous enseignent les SES. Les sciences économiques et sociales, c’est à la fois de l’histoire, de la géographie, de la philosophie, la compréhension d’un texte, la lecture des journaux, le calcul statistique et l’approche des tableaux chiffrés. Il faut même savoir différencier analyse d’un dessin socio-politique au premier et au second degré… »
Ben oui Michel a raison, alors yaka ! Mais bon, c’est là un vaste programme.
Mais bon, maintenant que le Tour est fini notre Manu va pouvoir s’y atteler pour de bon.
Non non, sans rire, il vient tout juste de le déclarer : « l’ordre, l’ordre, l’ordre » !
Et en même temps le « retour de l’autorité à chaque niveau » !
– Émeutes: Emmanuel Macron prône « l’ordre, l’ordre, l’ordre » ( BFMTV 24/07/2023 à 13:18 )
Alors je dis ATTENTION !
ATTENTION à ne pas vouloir tout révolutionner, à ne pas troubler l’Ordre Etabli.
L’Autorité, c’est la Voix de son Maître ! Les boeufs doivent rester des boeufs !
Idem pour les ânes, les percherons etc. et bien sûr les chevaux de courses.
Sans oublier le Business, as usual, le Spectacle et Jean Passe.
Tout ça braves gens, c’est dans l’Ordre Naturel des choses !
Et puis attention à ce qu’ON balance sur le Net ! Parce que ça aussi il l’a dit.
Ben oui, si n’importe qui raconte n’importe quoi, alors ça va pas le faire. 🙂