Le sommet de Rio + 20 est décevant du point écologique puisqu’il l’est du point de vue des droits des femmes. Sous pression du Vatican, de plusieurs pays d’Amérique latine, de la Russie, de l’Egypte et – c’est une première – du Canada, le paragraphe qui prévoyait de reconnaître le droit de se reproduire ou non a été retiré*. Le conservatisme est gagnant : faire toujours plus d’enfants, peupler la terre de millions de consommateurs supplémentaires, de femmes privées du droit de maîtriser sa fécondité. L’humanité est perdante : un monde toujours plus peuplé, toujours plus pollué, toujours plus inégalitaire et toujours plus injuste.
Depuis 1974 les conférences des Nations Unies sur la population et le développement devaient avoir lieu tous les 10 ans. La deuxième conférence mondiale à Mexico en 1984 n’a laissé aucune trace, et la troisième en 1994, au Caire, est devenu « Conférence internationale sur la population ET le développement ». Les 179 pays signataires ont admis que la population et le développement sont inextricablement liés, qu’il est nécessaire d’autonomiser les femmes et de répondre aux besoins des couples et des individus en matière d’éducation et de santé. La notion de droits reproductifs et sexuels a donc été ratifiée ; elle réalisait la synthèse des mouvements internationaux pour les Droits humains, la démographie, le statut des femmes. Ces droits impliquent l’accès à toutes les méthodes de contraception et à des services de santé de bonne qualité ainsi que la liberté de la femme, tant face à l’Etat qu’au compagnon ou à la famille. Mais cela est resté lettre morte ; aucun pays n’avait pris cet engagement au sérieux, à l’exception de quelques politiques nationales.
A Rio + 20 (2012), l’Egypte a prêté main-forte au Vatican pour faire reculer les droits des femmes et crier à l’« impérialisme contraceptif » contre tout projet de planification familiale : 1 million d’habitants viennent s’ajouter tous les neuf mois à une population en surnombre. L’Egypte n’est en effet qu’un étroit couloir de terres arables autour du Nil, écrasé par l’immensité du désert. Près du Caire, les maisons se construisent au milieu des champs cultivés en contradiction totale avec la loi. Pourtant l’une des premières déclarations du nouveau président islamiste, Mohamed Morsi, a été d’encourager les femmes égyptiennes à faire plus d’enfants… « Il n’y a de richesse que d’homme »**, connerie ! La pression démographique est une cause première de la pression écologique.
* LE MONDE | 30.06.2012, Croissez et polluez
** citation de Jean Bodin (1576) ; les natalistes comme Bodin ont une vision quantitative de l’existence qui prolonge la parole biblique « Croissez et multipliez, recouvrez toute la Terre »