Michel Rocard souffre de dissonance cognitive, toi aussi !

Michel Rocard a 82 ans, cela n’excuse pas tout. Michel Rocard confond la fracturation hydraulique pour extraire le gaz de schiste (non conventionnel) et le gaz naturel de Lacq qui sortait tout seul ou presque. Michel Rocard est pour le nucléaire, pour le gaz de schiste, pour la compétitivité internationale, pour la relance budgétaire de type keynésien (« la dépense publique est l’un des moteurs de l’activité »), pour la fuite en avant. Michel Rocard n’est pas écolo.

Pourtant Michel Rocard se dit très écolo. Il connaît le syndrome du Titanic, nous allons au désastre. Il trouve dangereux que le PS ait fait une campagne présidentielle en tenant pour acquis qu’on aurait chaque année une croissance de 2,5 % : « C’ est évidemment impossible. » Il aurait été un président de la République bien plus convaincant que Mitterrand II en 1988. Michel Rocard a signé Global Zero, un mouvement international qui travaille sur l’élimination des armes nucléaires à l’échelle mondiale. Bien. Michel Rocard a cosigné un rapport sur la taxe carbone qui aurait amélioré bien des choses s’il avait été suivi. Très bien. Il sait que « Nous sommes partis pour des années de croissance faible et même de récession. Il faut le dire clairement… ». Il sait que « le pic pétrolier sonne le glas de notre modèle de prospérité. » Il sait que « Le monde de demain sera une société moins marchande, moins soumise à la compétition, moins cupide. »** Nous aimons bien Michel Rocard.

Michel Rocard est un cas emblématique de dissonance cognitive. Le psychosociologue Leon Festinger a appelé « dissonance cognitive » la situation de notre psyché lorsque se mettent à l’habiter deux croyances contradictoires. De ce sentiment d’inconfort, nous tendons inconsciemment vers un état de stabilité, d’apaisement, vers un état dans lequel cette tension puisse être résolue. Nous choisissons alors la voie de la facilité, même si c’est pour nous leurrer. L’individu actuel se caractérise par la maximisation du rapport entre l’internalisation des commodités (vive le confort) et l’externalisation des nuisances (oublions ce qui fâche). Nous croyons à la croissance, nous n’en voyons pas les conséquences négatives : dissonance. La plupart des économistes et des politiques ne reconnaissent aucune limite à la croissance économique dans un monde fini. Les gens croient absolument impossible de pouvoir se passer de bagnole un jour puisqu’ils veulent ignorer le pic pétrolier. Dissonance. On peut aussi qualifier ce processus mental de « problème hors contexte » : la réalité à venir est si éloignée de l’expérience des gens qu’ils ne peuvent comprendre les informations disponibles. Michel Rocard est donc un homme ordinaire, mais les journalistes aiment bien l’interroger. Ils feraient mieux de me demander mon avis !

* LE MONDE du 11-12 novembre 2012, Michel Rocard : « Avec le gaz de schiste, la France est bénie des dieux »

** LE MONDE du 26-27 février 2012, La société de demain sera moins marchande et moins cupide

12 réflexions sur “Michel Rocard souffre de dissonance cognitive, toi aussi !”

  1. Rocard voit surtout très bien les conséquences négatives de la décroissance: Il penses penses, il l’a dit, qu »une décroissance imposée amènera à la guerre civile (décroissance au sens très longue récession, dues à la déplétion des ressources fossiles).

    Le point peut être discutable, mais au vu de l’histoire et de ce qu’on voit se passer en Europe avec la montée des extrêmes droites, l’argument ne peut être rejeté d’un geste de main.

  2. @Biosphère,
    Les hydrocarbures seront encore omniprésents dans la vie des hommes pour plusieurs siècles. Ce n’est pas pour demain leur fin. Le pic pétrolier annoncé initialement par le club de Rome avant l’an 2000 est un leurre qui ne cesse d’être reporté sine die. La sobriété énergétique c’est bon pour le voisin mais jamais pour soi même. Notre président Hollande semble avoir compris l’enjeu du gaz de schiste puisque dans sa dernière conférence de presse, il a confirmé qu’il laissait les chercheurs travailler sur des techniques qui permettront à la France d’exploiter proprement ses réserves tant nécessaires pour assurer sa compétitivité industrielle.

    1. Bonjour Lamiraux
      Votre dernier post montre que derrière vos éloges sur les mérites de la technique se cachent des affirmations gratuites comme l’usage des hydrocarbures « pour plusieurs siècles » et l’impossibilité d’accéder à une société de sobriété.
      Dommage…

  3. Je pense que Michel Rocard a voulu faire un parallèle entre l’exploitation du gaz de Lacq et celui dit de « schiste ». Le gaz de Lacq, très toxique et très corrosif, a nécessité une maitrise parfaite de sa production comme cela pourrait se faire aujourd’hui pour exploiter le gaz de schiste. Les ingénieurs français ont toujours, de tout temps, démontré leur haute technicité. Après l’éruption de ce gaz dangereux en 1951, maitrisée par le pompier volant américain, Myron Kinley, ce dernier a déclaré je cite (traduit en Français) : « Ne tentez pas le sort . C’est de la folie. Vous avez la mort sous vos pieds. Oubliez ce champ de gaz , rebouchez vos forages , semez y de l’herbe , mettez y vos vaches à paître ». Ces conseils n’ont pas été suivis et le gisement de Lacq a été développé avec de redoutables défis techniques à relever. Ces derniers l’ont été par la volonté de l’homme et de la science.

    1. Lamiraux,
      Merci de vos précisions sur Lacq. Cependant votre propos présente les avancées techniques du passé, pas celles qui pourraient survenir dans l’avenir. Or beaucoup d’applications techno-scientifiques actuelles créent déjà plus de problèmes qu’elles n’en peuvent résoudre. Il en ira probablement de même demain devant des situations de plus en plus complexe qui demanderont de toute façon des moyens en énergie. Or gaz de schiste ou pas, le pic pétrolier et gazier va inéluctablement arriver bientôt et la technoscience devrait se donner pour objectif de déterminer les moyens de se passer complètement de combustibles fossiles. Cela passe à court terme par l’efficacité énergétique, à moyen terme par les énergies renouvelables, mais principalement de toute façon par la sobriété énergétique. Or ce changement du comportement humain n’est pas du domaine de la technoscience !

      « La volonté de l’homme et de la science » ont atteint leurs limites maintenant que nous avons dépassé les limites biophysiques de notre planète.

  4. Bonjour Biosphère,

    Voici 2 questions que vous nous aiderez peut-être à résoudre:

    1. Peut-on dire de François Fillon qu’il souffre également de dissonance cognitive ?
    http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/0202381302646-gaz-de-schiste-fillon-demande-la-fin-du-moratoire-510176.php
    . L’ex PM évoque la fin d’un moratoire qui a déjà pris fin
    . L’ex PM indique que le gaz de Lacq a été exploité par la technique de la fracturation hydraulique alors qu’il (sait pertinemment qu’il) n’en est rien

    2. Peut-on dire que la dissonance cognitive constitue un phénomène affectant systématiquement les ex PM ?

    Merci!

  5. Notre blog a l’honneur d’être cité par lexpansion.lexpress.fr*.

    L’erreur de Rocard est bien confirmé, le gaz de Lacq n’est pas un gaz de schiste : « Gisement de gaz naturel découvert dans les Pyrénées-Atlantiques en décembre 1951, Lacq n’a rien à voir avec les gaz non conventionnels, piégés dans la roche, et nécessitant d’être libérés par l’envoi de liquides à très haute pression. Au contraire, le gaz de Lacq était si facile à libérer qu’il a été découvert pendant le forage d’un petit gisement de pétrole, et qu’il aura fallu plus de quatre jours pour maîtriser l’éruption… »
    * http://lexpansion.lexpress.fr/entreprise/rocard-a-t-il-eu-tort-de-comparer-les-gaz-de-schiste-aux-gaz-de-lacq_360036.html

  6. Merci docteur pour votre diagnostic. Je n’ai pas 82 ans, alors mon cas doit etre plus grave.

  7. Coq au vin,
    Nulle trace de pathologie dans le phénomène de « dissonance cognitive ». Par exemple, certains faits contredisant l’opinion qu’un enfant a sur lui-même le placent devant une dissonance cognitive : selon que l’enfant a une bonne ou mauvaise image de lui-même, il pourra attribuer un échec ou une réussite à l’environnement extérieur au lieu de s’attribuer le résultat. Pour réduire la dissonance cognitive, l’enfant va ainsi chercher des excuses plutôt que remettre en cause ses convictions. Chacun de nous a ses contradictions et trouve le plus souvent moyen de remédier à des souffrances que cela pourrait impliquer. C’est le contraire d’une pathologie.

    Coq au vin, il est d’ailleurs fort probable que vous souffrez vous-mêmes de dissonance cognitive, vos opinions personnelles étant remises en question par la lecture de notre blog. Pour échapper au malaise conceptuel que cela entraîne chez vous, vous vous acharnez à critiquer ce blog, soit en isolant une de nos expressions de son contexte, soit en gagnant comme ici avec l’expression « Biosphere chez les Soviets » un point Godwin : mauvais point attribué à un débatteur qui aurait mêlé Staline, Mao, ou toute autre idéologie extrémiste à une discussion dont ce n’est pas le sujet. Sans félicitations de notre part : la discussion n’a pas avancé.

  8. J’en ai oublie de relever le fait que dans ce billet vous diagnostiquez un trouble cognitif a une personne qui ne pense pas comme vous. Pensez-vous donc qu’une opposition a vos idees doit se traduire par une prise en charge medicale? Par un internement?

  9. J’en ai presque oublie de relever la maniere dont vous decrivez cette opinion differente de la votre comme etant pathologique. Pour vous, ceux qui ne sont pas de votre avis souffrent de troubles mentaux et sont donc bons pour l’internement psychiatrique. Ca c’est deja fait dans le passe… « Biosphere chez les Soviets »..

  10. Quelle elegance de commencer la critique d’une opinion par l’age de celui qui l’exprime! A partir de quel age pensez-vous qu’il faut la fermer? Je demande ca pour Dumont par exemple: il a eu 82 ans en 1986: ses 5 derniers bouquins, publies plus tard, sont donc des elucubration seniles?

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