Nous avons assisté dans les locaux de la mairie d’une ville moyenne à un débat sur la transition énergétique organisé par l’entreprise Schneider. Mélange des genres public/privé, significatif ! Le thème est pourtant alléchant, « Consommer moins, consommer mieux ». Schneider n’a pas fait de publicité pour les produits de son entreprise, on a fonctionné selon les principes de la démocratie participative : chacun exprime ses thèmes préférentiels, on se réunit ensuite en groupe de travail, on fait enfin une synthèse. Bien entendu ce genre de procédure ne peut aboutir qu’à du bavardage. Mais Schneider réalisera plus tard un « livre blanc » qu’il remettra en main propre à la ministre de l’écologie. C’est là le véritable but recherché, peser directement sur le gouvernement.
Le gouvernement socialiste ne voulait pas d’une concertation sérieuse comme l’a été le Grenelle de l’environnement. C’est pourquoi le patronat peut faire ce qu’il veut du débat actuel sur la transition énergétique. Le nucléaire a été réintroduit dans le débat, mais on n’a même plus le temps de parler du nucléaire étant donné l’éparpillement des paroles de chacun. De son côté le Medef a élaboré à l’avance ses positions, constitué des équipes, placé ses pions. En clair, le débat national sur la transition énergétique, l’un des grands chantiers du quinquennat de François Hollande qui, selon le chef de l’Etat, « doit conduire à une société française sobre en carbone à l’horizon 2050 », est largement plombé*. La France vient d’entrer en récession et le chômage est à son plus haut. L’écologie n’est donc plus une priorité gouvernementale, même si l’urgence climatique est là… en attendant le prochain choc pétrolier.
Le débat est de toute façon vicié de l’intérieur. On ne peut à la fois tenir les engagements de Paris en matière de réduction de gaz à effet de serre d’ici à 2050 (division par un facteur 4, c’est-à-dire division par deux de la consommation d’énergie) et ne pas pénaliser entreprises et consommateurs ! Autre contrainte, il faudrait selon les grands patrons « Lutter contre le changement climatique sans abîmer notre compétitivité ». Toujours la quadrature du cercle qui permet toutes les dérives du pragmatisme, y compris l’extraction du gaz de schiste ou la non-fermeture de la centrale de Fessenheim. Le moyen et le long terme ? « On verra après » reste le refrain croissanciste. On peut donc déjà dire que la future loi de programmation énergétique, issue des conclusions du débat et votée en principe début 2014, sera une coquille vide.
Une anecdote pour conclure. Lors de la rencontre menée par l’agence Havas sous la houlette de Schneider, nous avons noté la confusion faite plus ou moins sciemment entre efficacité énergétique et économies d’énergie. La sobriété renvoie à l’intelligence de l’usage, l’efficacité à la performance de l’équipement. Si on isole parfaitement une maison pour économiser l’énergie mais qu’on en profite pour vivre avec quelques degrés de plus, il n’y a pas de transition énergétique. La sobriété, c’est rompre avec la facilité, c’est le contraire de l’ébriété énergétique. En clair, cela veut dire limiter nos besoins et ne pas trop compter sur la technique et l’innovation. Cela, ni le gouvernement ni les entreprise ne sont susceptibles d’y penser. Mais les ménages sont-ils prêts à pratiquer la sobriété énergétique ?
* LE MONDE économie&entreprise du 17 mai 2013, Un débat français où chacun campe sur ses positions
L’éternel problème qui est de vouloir une chose et son contraire. Quand comprendrons-nous que fondamentalement la croissance, dans toutes ses composantes, est incompatible avec le respect de la planète ? Tant que ces choses ne seront pas dites, nous porterons aux nues le « développement durable » et nous nous paierons de mots. La nature, elle, paiera les dégâts.