DMC en cessation de paiements (LeMonde du 2.04.2008), quel avenir pour le textile ? Revenons sur le passé. On ne peut pas pleurer sur des entreprises qui n’ont pas vérifié la destination de leur production : le groupe DMC est issu d’un atelier créé en 1756 à Mulhouse pour produire des toiles indiennes utilisées comme monnaie d’échange pour la traite des esclaves en Afrique. Cas particulier, vas-tu me rétorquer ! Analysons alors le processus moderne de production de textiles.
En 1776, le pionnier du libéralisme Adam Smith constate que l’élimination du travail à domicile pour mettre à la place des manufactures est un avantage pour la richesse des nations. Le rôle de l’industrie textile dans la révolution industrielle est considéré comme décisif car le « factory system » a permis l’expérimentation de nouvelles formes de travail et diffusé un nouveau mode de consommation en faisant baisser fortement les prix. Mais à l’époque des grands progrès des métiers à tisser, à la fin du XVIIIe siècle, était-il plus efficace de multiplier la production de tissus de coton par dix en créant une société de miséreux, ou bien de laisser évoluer le tissage artisanal à petits cadres ? L’efficacité est une réponse purement idéologique qui correspond aux intérêts des puissants du moment. De plus la théorie suppose que le progrès technique supprime des emplois à brève échéance, mais les multiplie à long terme. La vérité est que cette théorie est fausse, ce sont les guerres, le colonialisme et les dépenses publiques qui en ont créé de nouveaux.
Partout où ils se trouvent, les néo-luddites tentent de fait entendre ce constat : quels qu’en soient les avantages présumés en termes de rapidité, de commodité, de gain de richesse ou de puissance, la technologie industrielle a un prix ; dans le monde contemporain, ce prix ne cesse de s’élever et de se faire plus menaçant. Les néo-luddites (les objecteurs de croissance) ne sont pas opposés à toutes les machines, mais à « toutes les machines préjudiciables à la communauté », comme le dit déjà une lettre de mars 1812. Pour l’introduction d’une nouvelle technique, les critères suivants peuvent servir de guide : un nouvel outil devrait être moins cher, plus petit et plus efficace que celui qu’il remplace, avoir besoin de moins d’énergie et utiliser de l’énergie renouvelable, être réparable, provenir d’un petit magasin local et ne devrait pas faire obstacle à quelque chose de bien qui existe déjà, relations familiales et politiques incluses. Il faut ajouter bien entendu le respect de toutes les autres espèces, plantes et animaux, ainsi que les écosystèmes dont ils dépendent.