Pape François : où est la vérité de tes discours à l’UE ?

Lors du discours qu’il a prononcé au Parlement européen, le pape François a longuement rappelé l’Union à ses « valeurs humanistes » *. Si on regarde de plus près la transcription de son discours**, il s’agirait de définir l’homme comme « personne dotée d’une dignité transcendante ». Cela signifierait « faire appel à sa nature, à sa capacité innée de distinguer le bien du mal, à cette boussole que Dieu a imprimée dans l’univers créé ». Trois affirmations complètement dénuées de tout fondement.

L’être humain, produit d’une socialisation, s’ingénie à perdre toute référence à la nature pour se positionner comme être de culture, et même parfois contre-nature. Ensuite il est reconnu par toutes les études sociologiques qu’il n’y a aucune prédisposition innée chez l’humain. Faire le mal pour certains est considéré comme un « bien », il est trop souvent préférable de parler d’homo demens plutôt que d’homo sapiens. Enfin, comme il n’y a aucune preuve tangible de l’existence d’un dieu, toute référence théologique est normalement inopérante. L’expérience historique montre d’ailleurs qu’on peut faire dire à Dieu une chose ou son contraire ; Dieu empoisonne tout comme l’écrivait Christopher Hitchens. La parole papale ne peut être sacralisée, son appel a des valeurs humanistes en perd sa crédibilité. D’un point de vue écologique, ce n’est pas l’homme qui devrait être doté – par l’homme ! – d’une valeur « transcendante », digne de respect, mais l’ensemble des formes du vivant. Pour l’éthique de la terre, plutôt que de transcendance, au-delà de toute expérience possible, il vaudrait mieux penser en terme de valeur intrinsèque. C’est le premier critère de la philosophie d’Arne Naess : « Le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur intrinsèque (en eux-mêmes). Ces valeurs sont indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains. »

                Ce pape François, qui a choisi pour sa dénomination de faire référence au saint patron de l’écologie, François d’Assise, reste écologiquement anthropocentrique devant l’UE : « L’Europe a toujours été en première ligne dans un louable engagement en faveur de l’écologie. Notre Terre a en effet besoin de soins continus et d’attentions ; chacun a une responsabilité personnelle dans la protection de la création, don précieux que Dieu a mis entre les mains des hommes. Cela signifie, d’une part que la nature est à notre disposition, que nous pouvons en jouir et en faire bon usage ; mais, d’autre part, cela signifie que nous n’en sommes pas les propriétaires. Gardiens, mais non propriétaires. Par conséquent, nous devons l’aimer et la respecter. » Nous conseillons au pape François de bien comprendre qu’il existe trois interprétations de la relation entre l’homme et la nature dans la bible. Selon la Genèse, les êtres humains, seuls de toutes les créatures, furent créés à l’image de Dieu ; il leur fut donc donné d’exercer leur supériorité sur la nature et de l’assujettir. Le pape François a choisi une autre interprétation : nous sommes les « intendants » de Dieu sur la création – nous sommes chargés d’en prendre soin – et non ses nouveaux propriétaires. Mais, qu’on souscrive à l’interprétation despotique ou à celle de l’intendance, on se place dans ces deux cas dans la perspective d’une position dominante de l’homme à l’égard de la nature. Une troisième interprétation est encore possible : les êtres humains sont conçus comme des membres à part entière de la nature et non plus comme ses maîtres tyranniques ou comme ses gestionnaires bienveillants. Une valeur intrinsèque non partagée équitablement entre toutes les formes du vivant ne peut qu’aboutir à l’extinction des espèces autres que l’espèce humaine, à l’agglomération des humains en méga-structures inefficaces comme l’Union européenne et finalement à la disparition programmée des valeurs humanistes dans nos relations inter-humaines.

* LE MONDE du 27 novembre 2014, Le pape appelle l’Europe à retrouver ses « valeurs humanistes »

** LE MONDE du 27 novembre 2014, extraits du discours du pape François