Selon LeMonde du 23.08.2008, il paraît que la France est en bonne santé puisque « le seuil de deux enfants par femme est de nouveau atteint ». L’éditorial titré « un atout pour l’avenir » est dithyrambique : « Taux de fécondité le plus élevé l’UE, signe d’une belle confiance dans les temps futurs » ou Performance qui nous donne la médaille d’or en Europe ». Le cœur du raisonnement postule qu’ « Il n’est de puissance que démographique. Ce qu’Alfred Sauvy enseignait, les géants chinois, indien ou brésilien nous le démontrent tous les jours. Ils doivent leur développement à leur population ».
Je n’ai pas peur de dire que les éditorialistes du monde déraillent. Ce n’est pas parce que depuis Jean Bodin (1530-1596) on répète bêtement en France qu’il n’est de richesse que d’hommes que cela devient une vérité. La puissance n’est jamais quantitative, elle est qualitative. Les pays émergents ne profitent pas de leur grand nombre de travailleurs, mais des transferts de technologie, du libre-échange, de l’exode rural, de l’exploitation de la main d’œuvre. Il faut voir aussi le prix négatif de ce « développement », entassement urbain, bidonvilles, explosion des inégalités, surconsommation et gaspillage, détérioration des ressources de la Biosphère et j’en passe.
Il ne faut certainement pas comme le prône LeMonde renforcer les dispositifs natalistes, mais au contraire appliquer la politique chinoise de planification familiale. Il ne faut pas avoir peur de dire que l’explosion démographique est le cancer de la Terre et que notre avenir est compromis : nous détruisons les écosystèmes qui nous font vivre. Des pays trop riches comme la France doivent montrer le bon exemple, la décroissance démographique. Les exemples à suivre sont l’Allemagne (1,37 enfant par femme) ou les anciens pays du bloc soviétique dont les taux de fécondité ne dépassent par 1,35.
Alexandre : Je pense qu’il existe de nombreuses raisons pour refuser une politique de “décroissance nataliste”. Fixer un seuil tolérable de naissance implique nécessairement que les pouvoirs publics (État, région, département, commune) régule les naissances. En d’autres termes, il s’agit bien d’un contrôle de la vie par le politique.
Biosphere : Si le gouvernement n’intervient pas, d’autres « autorités morales » influencent les consciences individuelles. Quelques exemples d’interventionnisme démographique : Le gouvernement espagnol fait une campagne en faveur du préservatif ; l’archevêque de Valladolid accuse le ministère de la santé « d’endoctriner les adolescents sur des sujets qui relèvent de la compétence des parents ». Au Vietnam, le Comité permanent de l’Assemblée nationale rappelle la règle de deux enfants maximum par famille Le gouvernement vietnamien a toujours considéré la croissance démographique comme un frein pour le développement du pays. Le directeur du planning familias vietnamien constate : « La population augmente rapidement. Il est inutile d’expliquer les effets néfastes qu’aura cette surpopulation sur l’utilisation des ressources naturelles et la qualité de la vie. Les familles nombreuses doivent être conscientes de leur responsabilité envers la société et l’avenir du pays. » (LeMonde du 15 janvier).
Alexandre : Dans cette volonté de contrôle “absolu”, ne touchons-nous pas à la volonté de contrôle sécuritaire, ainsi que la prolongation de Descartes : “Se rendre maître et possesseur de la Nature”. Autrement dit, sous des prétextes “écologiques”, on promeut une logique de contrôle qui renvoie à de nombreux aspects problématique de notre société : contrôle des gens, de la pensée, de la productions, de la parole, des naissances…
Biosphere : il y a un contrôle qui donne plus de libertés, d’autres qui enlèvent des libertés. La liberté d’opinion, d’expression, etc., ne sont réalisables en pratique que si l’Etat de droit garantit ces libertés publiques. Le liberté de l’individu n’est valable que si l’individu mesure les conséquences de ses actes. La liberté de procréation, c’est comme pour tout : nous avons des droits, nous avons aussi des devoirs envers la collectivité.
Alexandre : Qui fixe ces seuils ? Sur quelles bases ? Pourquoi ? Pour finir, responsabilise t-on les gens avec des sanctions économiques ( suppression des allocations familiales…) ? Non, je ne crois pas. Ou alors, on rejoins ici les moyens politiques de droites. Je pense pour ma part que c’est par la parole, l’échange de propos, le langage.
Biosphere : jusqu’à récemment la propagande antinataliste était interdite en France, par exemple : Art. 5. [ Loi n° 67-1176 du 28 décembre 1967 relative à la régulation des naissances : Toute propagande antinataliste est interdite. Toute propagande et toute publicité commerciale directe ou indirecte concernant les médicaments produits ou objets de nature à prévenir la grossesse ou les méthodes contraceptives sont interdites, sauf dans les publications réservées aux médecins et aux pharmacien ».
Il est pourtant normal dans une société véritablement démocratique que les natalistes ou reproducteurs s’expriment, comme il est normal que les malthusiens puissent s’exprimer. Le fait de la dissymétrie actuelle introduite pour la première fois par la loi de 1920 montre bien que l’Etat capitaliste français préfère fabriquer de la chair à canon ou un volant de chômage ou un épuisement de la planète pour une politique démographique quantitative (prime au troisième enfant…). Pour ma part, je suis pour l’interruption volontaire de grossesse et la libre contraception. Je ne suis donc pas pour une intervention de l’Etat mais pour une liberté de l’individu éclairé. Puisque on ne peut fixer impérativement de normes démographiques dans un pays démocratique, le minimum est que l’Etat soit neutre en matière démographique, donc qu’il n’y ait aucune incitation fiscale à la procréation en France.
Bonjour.
Je pense qu’il existe de nombreuses raisons pour refuser une politique de « décroissance nataliste ». 1) Fixer un seuil tolérable de naissance implique nécessairement que les pouvoirs publics (État, région, département, commune) régule les naissances. En d’autres termes, il s’agit bien d’un contrôle de la vie par le politique. 2) Dans cette volonté de contrôle « absolu », ne touchons-nous pas à la volonté de contrôle sécuritaire, ainsi que la prolongation de Descartes : « Se rendre maître et possesseur de la Nature ». Autrement dit, sous des prétextes « écologiques », on promeut une logique de contrôle qui renvoie à de nombreux aspects problématique de notre société : contrôle des gens, de la pensée, de la productions, de la parole, des naissances…
3) Qui fixe ces seuils ? Sur quelles bases ? Pourquoi ? Ces questions sont autant pus importantes que le rapport de force politique n’étant pas en notre faveur, il est fort à parier qu’une politique de décroissance nataliste se ferait dans la violence et la subjectivité.
Je pense que réduire les politiques natalistes à une « production de chair à canon ou à l’armée de réserve » est un peu court. S’il faut dénoncer la pseudo santé d’un pays relativement à son taux de natalité, on ne peut pas réduire les naissances à ces deux facteurs.
Pour finir, responsabilise t-on les gens avec des sanctions économiques ( suppression des allocations familiales…) ? Non, je ne crois pas. Ou alors, on rejoins ici les moyens politiques de droites. Je pense pour ma part que c’est par la parole, l’échange de propos, le langage.
Cordialement
Je ne comprends pas ce blocage de certains objecteurs de croissance en matière malthusienne, blocage qui soutient en fait les politiques natalistes de chair à canon et de volant de chômage que nous avons subi jusqu’à présent, surtout en France depuis 1920…
Je suis pour la simplicité volontaire comme je suis pour l’interruption volontaire de grossesse et la libre contraception. Je ne suis donc pas pour une intervention de l’Etat et encore moins pour des lois longtemps répressives qui ont même interdit jusqu’à récemment la propagande antinataliste.
Quant à la liberté de l’individu, elle n’est qu’un leurre dans une société qui fait croire qu’on peut faire autant d’enfants qu’on veut mais qui, dans le même temps, élimine les chances pour les générations futures d’avoir un mode de vie suffisant. La liberté de l’individu est un dur combat, une lourde responsabilité. Supprimer les allocations familiales serait en même temps un désengagement de l’Etat et une responsabilisation des individus. D’accord ?
Bonjour.
Bien que nous allions effectivement dans le même sens, c’est-à-dire la décroissance, je ne suis pas pour un contrôle des naissances. En effet, que ce dernier se fasse au nom du communisme ou de la décroissance, je pense que réguler la vie des individus dans leur intimité la plus fondamentale n’est pas souhaitable. L’État ne doit pas, pour moi, s’ingérer dans les désirs des couples. Sans nier les problèmes d’alimentation, je pense que la solution viendra bien plus tôt d’une réappropriation par les individus de la production vivrière : se remettre à cultiver ne serait-ce que quelques légumes, et posséder une poule ou deux… ne plus dépendre d’un nombre de plus en plus faible de producteurs.
Je pense également que ce n’est pas le nombre d’humains qui provoque la disparition des espèces, mais bien davantage ce que nous provoquons comme pollutions. Un mode de vie respectueux ne provoquerait pas la destruction des écosystèmes et des animaux/plantes qui les peuplent ; même avec une population humaine élevée.
Cordialement
Comme le niveau de population est indissolublement lié aux possibilités de ressources alimentaires, il est nécessaire d’agir à la fois sur l’agriculture et sur la démographie. A l’heure actuelle, les ressources fossiles nous ont permis de doper les rendements agricoles, cette période va se terminer avec le prochain choc pétrolier (le baril à 200 dollars et plus). Alors nous nous rendrons compte que nous sommes vraiment trop nombreux parce que les difficultés ne toucheront pas seulement les pays qui connaissent déjà famines ou pénuries alimentaires.
Quant à la rupture avec le vivant dont tu parles, notre expansion démographique (liée bien sûr à notre hybris) a élargi notre niche écologique à un point tel qu’il y a une extinction massive des autres espèces par notre faute. Un autre élément pour exiger la décroissance démographique humaine.
De toute façon nous allons tous les deux dans la même direction, la décroissance…
Bonjour. Je me permets d’intervenir, en tant qu’humble décroissant. Je ne pense pas que la décroissance démographique soit une nécessité. Si je suis d’accord pour dire que les pays « forts » tirent leur puissance non pas de la démographie mais des rapports géopolitiques, économiques et culturels, je ne pense pas que la « démographie soit le cancer de la terre ». Tout est question de pondération. Il Y a de la place pour de nombreux humains. Le problème vient de l’Hybris, de la démesure et de la destruction. Ce rapport brisé avec la nature ne vient pas du nombre trop grand d’humains, mais d’une rupture fondamentale avec le vivant et une quête désespérée vers le confort.
Je me permets de mettre mon blog en lien, car mon dernier billet traite de cette problématique : http://ex-croissance.over-blog.org/
Cordialement